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Billet de blog 31 octobre 2008

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La magie du crédit

Jean Baudrillard écrivait en 1968 dans son ouvrage Le système des objets, page 225 : Acheter à crédit équivaut à l’appropriation totale d’un objet pour une fraction de sa valeur réelle. Un investissement minime pour un profit grandiose.

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Jean Baudrillard écrivait en 1968 dans son ouvrage Le système des objets, page 225 : Acheter à crédit équivaut à l’appropriation totale d’un objet pour une fraction de sa valeur réelle. Un investissement minime pour un profit grandiose. Les traites s’estompent dans le futur, l’objet est comme acquis au prix d’un geste symbolique. Cette démarche est à l’image de celle du mythomane : pour un prix d’une histoire imaginaire, le mythomane obtient de l’interlocuteur une considération disproportionnée. Son investissement réel est minime, le profit est extraordinaire : c’est presque sur la foi d’un signe qu’il s’empare des prestiges de la réalité. Lui aussi vit à crédit, sur la conscience des autres. Or, cette inversion de la praxis normale de transformation du réel, qui va du travail au produit du travail et qui fonde la temporalité traditionnelle de la logique de la connaissance comme de la praxis quotidienne, cette anticipation du bénéfice des choses, c’est le processus même de la magie. Et ce que l’acheteur consomme et assume dans le crédit en même temps que l’objet anticipé, c’est le mythe de la fonctionnalité magique d’une société capable de lui offrir des telles possibilités de la réalisation immédiate. Bien sûr, il sera confronté très vite à la réalité socio-économique tout comme le mythomane un jour ou l’autre se trouve affronté au rôle qu’il a anticipé. Démasqué, le mythomane fait faillite, ou bien il s’en tire en racontant une autre histoire. L’acheteur à crédit lui aussi butera sur les échéances et il y a fortes chances pour qu’il cherche un réconfort psychologique dans l’achat d’un autre objet à crédit. La fuite en avant est la règle dans cet ordre de comportement, et le trait le plus admirable dans les deux cas, c’est qu’il n’y a jamais voie de conséquence: ni chez le mythomane entre l’histoire qu’il raconte et l’échec qu’il éprouve (il n’en tire aucune leçon de réalité) ni chez l’acheteur à crédit entre sa gratification magique de l’achat et les traites qu’il faut payer ensuite. Le système du crédit met ici un comble à l’irresponsabilité de l’homme vis-à-vis de lui-même : celui qui achète aliène celui qui paye, c’est le même homme, mais le système, par son décalage dans le temps, fait qu’il n’en prend pas conscience.
Il est bon de relire les livres de sa bibliothèque, Baudrillard concluait le chapitre en disant que dans l’ordre actuel les objets n’ont pas du tout pour destination d’être possédés et pratiqués , mais bien seulement d’être produits et achetés. Ce serait cela la décroissance indispensable pour surmonter le mensonge actuel, simplement posséder ce qui est vraiment nécessaire. Il devient nécessaire d’être riche parce qu’on a besoin de rien, et pas d'être riche de dettes et je sais de quoi je parle, ou plutôt je parle pour moi.

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