Je ne connais pas Philippe Pichon, cet ancien commandant de police mis à la retraite d’office en mars 2009. Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer ni même d’échanger avec lui d’une quelconque manière que ce soit. J’ai découvert son histoire dans la presse. Un ami m’a prêté son livre « journal d’un flic » (Flammarion 2007), j’ai commencé sa lecture avec tout le plaisir qu’on peut ressentir à découvrir une belle plume. La lecture de ses procédures devait régaler ses collègues enquêteurs ainsi que les magistrats.
Je n’ai pas l’habitude – à la différence de ceux qui, toujours prêts à dégainer leur souris, signent des pétitions à tour de bras dans le confort de leur bureau – d’adhérer à une cause dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants. J’ai besoin, pour apporter mon soutien à une personne ou à une démarche, de bien peser le pour et le contre, de comprendre les causes et les conséquences. Il ne faut pas compter sur moi pour faire vivre ces fameuses et invérifiables chaînes de courriels qui circulent sur la toile en général et sur twitter ou facebook en particulier. Je n’ai pas non plus le réflexe corporatiste qui tend à systématiquement défendre un policier sous prétexte que c’est un collègue et que, de ce fait, il aurait forcément raison.
Je ne me jetterai donc pas, à l’occasion de ce billet, dans un soutien inconditionnel du Commandant aujourd’hui mis à la retraite d’office. Dans cette machine infernale, il semble que le grain de sable Philippe Pichon n’ait pas pesé bien lourd. La justice administrative s’est semble-t-il prononcée confirmant la décision administrative. Reste à la justice pénale de dire le droit dans cette affaire. Ce sera chose faite dans quelques jours maintenant. Enfin, ce sera au ministre de l’Intérieur de se prononcer sur l’éventuelle réintégration de l’ancien fonctionnaire.
Pour autant, lorsque je me penche sur cette affaire, notamment au travers de ce qu’en disent les articles de Louise Fessard (Mediapart), je ne parviens pas à feindre la surprise tant celle-ci fleure bon le règlement de compte. Je reconnais en effet bien là des méthodes dont je sais capables certains bons serviteurs de notre administration, surtout du temps où les faits se sont déroulés.
Après plus de quinze années d’ancienneté dans l’administration police dont quelques-unes à m’opposer syndicalement à celle-ci, j’ai payé pour apprendre qu’on ne conteste pas impunément les pratiques bien installées. Lorsqu’on s’y risque, arguments à l’appui, on passe, au mieux pour un dangereux agitateur, au pire pour un traitre à la grande cause de la lutte contre l’insécurité. A une époque où la machine à produire du chiffre à n’importe quel prix tournait à plein régime, gare à celui qui osait se placer entre le marteau et l’enclume !
Ce parfum de règlement de compte m’inspire donc plutôt de la sympathie pour ce collègue. Même si je me garde bien de tirer une conclusion hâtive, il me semble que notre ministère gagnerait à réétudier le dossier de ce fonctionnaire. Et si Philippe Pichon était un de ces empêcheurs de tourner en rond ; ou un de ces fonctionnaires qui savent s’opposer à l’inertie d’une administration lorsque c’est nécessaire ; ou bien encore une de ces sentinelles qui savent nous conduire à penser contre nous-mêmes ; ou enfin un de ces fonctionnaires qui savent se souvenir que le recours à « la désobéissance éthique » est une nécessité en démocratie.
Il se peut qu’il n’en soit rien, il se peut aussi qu’il soit un peu de tout cela. Je ne connais pas Philippe Pichon.