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Billet de blog 11 novembre 2014

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UN 11 NOVEMBRE A CRAONNE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai assisté ce matin, sur la place de mon village, à la cérémonie du souvenir du 11 novembre. J’avoue honteusement que cela faisait quelques années que je n’y avais pas assisté. J’ai bien fait de renouer avec cette institution. Car cette année, la cérémonie en question était un moment émouvant et particulier. Non qu’il s’agisse du centenaire de la « Grande guerre », je n’ai aucun goût pour les arrondis historiques. Ce qui a rendu cette cérémonie si particulière est plutôt lié au choix de la commune de faire interpréter par les enfants de la chorale et de l’école « La chanson de Craonne ».

J’ai trouvé, dans la pureté enfantine de l’interprétation de cette chanson jugée si subversive à l’époque où elle a été écrite, un symbole important de la façon dont le devoir de mémoire doit être transmis aux jeunes générations. C’est, de mon point de vue, d’une mémoire vivante dont il doit s’agir et non pas d’un simple acte de condescendance vis-à-vis de la grande Histoire. Se souvenir que des hommes ont donné leur vie pour défendre leur pays c’est important, c’est même indispensable. Cela me semble pour autant encore insuffisant. Ce qui doit aussi rester vivant, c’est la parole de ces Poilus, leurs correspondances, leurs poèmes, leurs chansons… Il y a peut être autant dans ces « tranches de guerre » que dans tous les documents officiels. Il y a la trace des souffrances, la trace de ces impressions d’impuissance et d’inutilité, la trace de toutes ces horreurs quotidiennes.

Au cours de cette cérémonie, m’est soudain revenue à l’esprit cette phrase extraite de la correspondance d’un certain Louis Destouches, soldat de son état, qui signera quelques années plus tard son « voyage au bout de la nuit » sous le nom du si détestable et pourtant si immense Louis Ferdinand Céline. Dans une de ses lettres datée de 1916, Louis Destouches écrivait : « j’éprouve un profond dégoût pour tout ce qui est belliqueux. Je me demande à quel point une victoire achetée au prix de la consomption d’un pays est une victoire. Je n’ai d’enthousiasme que pour la paix ». Il me semble que les auteurs de la chanson de Craonne ne développaient pas un message très différent.

C’est cet « enthousiasme » qui a permis à l’Europe de connaître la paix ces soixante-dix dernières années. C’est cette flamme qu’il nous faut avant tout entretenir chez nos enfants. Ils n’auront eu, à la différence des générations précédentes, si peu de contact avec celles et ceux qui ont connu ces époques si abominables de la première et de la deuxième guerre mondiales, qu’il est nécessaire d’entretenir le devoir de mémoire dans toute sa complexité. Le 11 novembre, on ne se réunit pas uniquement pour commémorer la fin d’une guerre. On se réunit aussi pour entendre les Poilus de Craonne, de Verdun et d’ailleurs nous dire ce qu’ils ont ressenti :

« Adieu la vie, adieu l´amour,

Adieu toutes les femmes.

C´est bien fini, c´est pour toujours,

De cette guerre infâme.

C´est à Craonne, sur le plateau,

Qu´on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés,

C´est nous les sacrifiés! »

« Parle mais ne sépare pas le non du oui. Donne aussi le sens à ta parole. Donne-lui l’ombre. Il parle vrai celui qui dit l’ombre » écrivait Paul Celan dans « La rose de personne ». Je crois que les auteurs de la chanson de Craonne nous ont dit l’ombre de la guerre, peut être aussi bien qu’auraient pu le faire tous les livres d’histoire.

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