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Billet de blog 19 octobre 2015

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SANTÉ-SÉCURITÉ DES POLICIERS... UN HÉRITAGE IDÉOLOGIQUE TOUJOURS A RÉINVENTER !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a bien des années que je l'affirme. Les questions dites de « santé-sécurité au travail » ne peuvent plus représenter, au sein de l'institution police, la variable d'ajustement du dialogue social. Si l'honnêteté me conduit à constater que notre administration a pris conscience de l'importance de ce dossier, tant reste à construire !

Les conditions de travail des policiers n'ont cessé de se dégrader ces quinze dernières années. Toujours moins d'effectifs et de moyens, toujours plus de pression hiérarchique sur fond de politique méritocratique. Dans le même temps, plusieurs réformes des retraites sont venues allonger la durée de carrière des policiers. La génération des quarantenaires, qui a vu partir nos anciens en retraite entre 50 et 52 ans, devra travailler cinq à sept années de plus pour disposer d'une pension parfois inférieure. Enfin, personne ne peut le nier, les missions au quotidien sont de plus en plus techniques et dangereuses. Le stress professionnel progresse partout et encore bien davantage au sein de notre métier.

Dans ce contexte, qui s'impose hélas à tous, comment s'étonner de la démotivation et de la souffrance exprimées par de nombreux policiers notamment en deuxième partie de carrière ? Dans ce même contexte, nous devons donc collectivement repenser nos modes de pensée, nos réflexes, notre organisation et nos méthodes.

Comme le rappelais à notre administration lors du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de réseau de la police nationale du 7 octobre dernier, nous ne partons pas de rien. Nos prédécesseurs – au sein de notre organisation syndicale mais également au sein de l'ANAS – nous ont laissé en héritage un corpus idéologique riche et souvent novateur.

 C'est en ce sens que s'était réuni le groupe « GIROPOLICE » (Groupe d'Information, de Recherche et d'Observation sur les métiers de la police) il y a une quinzaine d'année maintenant. Aujourd'hui en sommeil, cette structure associative était composée de policiers mais aussi de professionnels de la santé-sécurité au travail (Médecins, psychiatres, psychologues...). Ces derniers ont mené des réflexions et ont commencé à formuler des propositions concrètes de nature à prévenir, autant que possible, la survenue des risques psychosociaux.

La principale préconisation tient à la construction d'un « stage quinquennal de ressourcement » auquel chaque fonctionnaire serait convié à partir de 40 ans. Au cours de ce stage – qui pourrait durer une semaine – plusieurs modules permettraient aux collègues concernés et volontaires de réaliser un bilan de leur première partie de carrière et de construire un parcours professionnel pour la suite de celle-ci.

Le contenu de ce stage de ressourcement, qui reste à définir, pourrait utilement intégrer des réflexions psychologiques, médicales, sociologiques, sportives et techniques liées au métier de policier.

Bien entendu, personne ne peut ignorer le coût d’un tel projet. Pour autant, il constitue, je le crois, un véritable investissement dans la santé des policiers et, par voie de conséquence, dans la qualité du service public policier. Les difficultés auxquelles font face nos collègues au quotidien nécessitent, il me semble, d’être ambitieux. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons construire la police du XXIème siècle. Par ailleurs, l’utilisation des centres de l’ANAS, peu occupés en basse saison, représenterait une réelle opportunité de limiter les coûts d’hébergement tout en faisant fonctionner une structure sociale construite après guerre par les policiers eux-mêmes.

 Outre cette proposition de stage de ressourcement, la charte de « GIROPOLICE » avançait d'autres préconisations :

 - Réaliser une enquête d’évaluation concernant la situation sanitaire, psychologique et sociale des policiers.

- Créer une commission d’indemnisation des policiers victimes de violences.

- Adapter les cycles de travail aux rythmes biologiques.

- Doter les policiers les plus exposés d’un superviseur.

- Créer des groupes d’expression.

- Informer les policiers enquêteurs sur le suivi judiciaire.

- Reconnaître les acquis professionnels.

- Organiser un départ en retraite à la préfecture avec remise de la carte de policier honoraire et la médaille de la ville.

Comme on peut le voir, certains points ont d'ores et déjà été pris en compte par notre administration, fut-ce de manière incomplète.

La mise en place du « baromètre social » – réalisé pour la première fois cette année – répond, au moins en partie, au premier point. Le contenu de ce baromètre pourrait sans doute être renforcé en juxtaposant, aux résultats de l’enquête réalisée auprès des fonctionnaires, des données médico-psycho-sociales dont disposent les médecins de prévention, les psychologues du SSPO1 ou les assistantes sociales.

De même, l’indemnisation des agents victimes a également progressé avec la mise en place du SARVI2. Les policiers pourraient néanmoins y faire l’objet d’un traitement plus particulier. Au regard de leur investissement au service de nos concitoyens, ils ne constituent pas des victimes comme les autres. Lorsqu’on s’attaque à eux, c’est le plus souvent l’Etat qui est visé.

Enfin, les expérimentations menées actuellement sur les cycles de travail – largement impulsées par UNITE SGP POLCIE FO – sont de nature à répondre au troisième point. Il sera sans doute nécessaire, au moment de tirer le bilan de ces expérimentations, de tenir compte de l'avis des principaux concernés mais aussi des recherches en chronobiologie aujourd’hui disponibles.

La création de groupes d'expression est également une piste fondamentale à ne pas négliger. Les réflexes hiérarchiques en matière de « débriefing » et de « defusing » sont encore largement insuffisants sur le terrain. Leur généralisation est aujourd'hui indispensable pour lutter contre le stress post traumatique.

La présence de superviseurs pour les agents les plus exposés, l'information des policiers sur le suivi judiciaire, la reconnaissance des acquis professionnels, l'organisation de l'accueil des nouvelles affectations et des départs en retraite restent autant de pistes à explorer.

L'ensemble de ces préconisations – dont la mise en place améliorera sans aucun doute la vie quotidienne des policiers – ne doit pas pour autant nous priver d'une analyse des causes de survenance des risques psychosociaux. Le traitement des conséquences ne peut être satisfaisant à lui seul.

La politique du chiffre, hélas toujours bien ancrée dans les réflexes hiérarchiques, devra inévitablement faire l'objet d'une réforme en profondeur. Si les chiffres peuvent se révéler utiles au pilotage d'un service, ils ne doivent pas représenter, comme c'est le cas aujourd'hui, l'alpha et l'oméga d'une politique sécuritaire. Car, dans ce cas, ils deviennent inévitablement source des tricheries les plus éculées et surtout d'un malaise policier grandissant.

1 SSPO : Service de soutien psychologique opérationnel, créé en 1996 au sein de la police nationale afin d'assister les policiers et renforcé dernièrement dans le cadre du plan ministériel de lutte contre les risques psychosociaux.

2 SARVI : Service d'aide au recouvrement des victimes d'infraction

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