Bien entendu, ces propositions sont issues de mon expérience personnelle mais également des échanges avec de nombreux collègues enquêteurs dans différents services sur le territoire.
Il y a un peu plus d'un an maintenant, je rédigeais un document intitulé « Procédure pénale : passons au 3ème millénaire. » En quelques pages, j'abordais des pistes de réforme en matière de procédure pénale policière et de gestion des flux de procédures traitées par les services d'investigation. Bien entendu, ces propositions sont issues de mon expérience personnelle mais également des échanges avec de nombreux collègues enquêteurs dans différents services sur le territoire.
Alors que les organisation syndicales policières se rendront demain chez le chef de l'Etat, je reprends ici l'ensemble des sujets que je développais alors avec quelques petites mises à jour...
Le droit pénal français est en constante évolution. Depuis la codification napoléonienne de 1810, les réformes ont été nombreuses. La plus profonde d’entre-elles est certainement celle de 1994 au cours de laquelle le code pénale a été totalement refondu dans un document qui sera d’ailleurs longtemps appelé « nouveau code pénal » par les praticiens du droit.
En ce qui concerne la procédure pénale c’est un peu différent. Le code de procédure pénale tel que nous le connaissons date de l’après-guerre. Il a fait depuis l’objet de nombreuses modifications au gré des lois votées par le législateur. Et, même si ce dernier a essayé de tenir compte des évolutions de notre temps, il faut bien reconnaître que le développement des nouvelles technologies est largement resté étranger à ces réformes.
Par ailleurs, la pratique des enquêtes au sein des services de police – ce qu’on appelle quelquefois la procédure pénale policière – a également connu des évolutions considérables. Un inspecteur de police ayant exercé dans les années 70 ou 80 aurait sans doute bien du mal à s’y retrouver s’il revenait travailler aujourd’hui au sein d’un service d’investigation.
Il y découvrirait tout d’abord que, suite à la première réforme des corps et carrières de 1995 – ce ne sont plus des inspecteurs ni même des officiers qui procèdent aux actes d’enquête mais quasi exclusivement des gradés et gardiens de la paix.
Il y découvrirait également que les réformes législatives successives ont inséré dans le processus d’enquête de nombreuses étapes supplémentaires. Il suffit de comparer la façon dont était notifiée une garde-à-vue il y a trente ans et ce qu’il est nécessaire de rédiger aujourd’hui pour se convaincre de la nécessité de faire évoluer nos pratiques. Ce collègue y découvrirait enfin que, fort heureusement, l’informatique a permis des progrès certains pour la qualité du travail même s’il y a beaucoup à dire lorsqu’on constate le gouffre entre ce qui existe sur le plan des logiciels et ce qu’utilisent police et gendarmerie au quotidien...
En outre, il est une réalité que personne ne peut ou ne doit ignorer : nos collègues aujourd’hui affectés au sein des services d’investigation de la police nationale (quarts, sûretés départementales, PJ, PAF, DCRI…) n’en peuvent plus. Pris entre le marteau de la justice et l’enclume de la pression hiérarchique, les gradés et gardiens de la paix subissent une pression de tous les instants. Le nombre de procédures aujourd’hui en portefeuille est tout simplement délirant. Comment travailler dans la sérénité lorsqu’on sait qu’on ne verra jamais le bout du tunnel ?
Dans ce contexte, les cas de "burnout" se multiplient. A une époque où l’on n’a jamais autant parlé de plans de prévention des risques psychosociaux, de cellules de veille et autres sujets liés à la santé et à la sécurité au travail, nous nous devons de constater qu’il est bien plus souvent question de la goutte d’eau qui fait déborder le vase que de toutes celles qui ont contribué à le remplir. Car, s’il est utile de s’intéresser aux conséquences de pratiques managériales contestables, le mieux est encore de travailler sur les racines du mal.
Enfin, si le régime indemnitaire des officiers et agents de police judiciaire du corps d’encadrement et d’application n’est qu’un sujet parmi tant d’autres ici abordés, il ne faudrait pour autant pas oublier de le prendre en compte dans une réflexion qui doit être globale pour apporter une réponse efficace aux constats formulés.
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J’aborderai donc, dans ce billet, des axes de réflexion selon trois points prioritaires. Tout d’abord, j’évoquerai les réformes nécessaires dans la pratique de la procédure d’enquête policière (I). Dans un deuxième temps, j’aborderai la question de la santé-sécurité des policiers travaillant en investigation (II). Enfin, je rappellerai quelques revendications relatives au régime indemnitaire des officiers et agents de police judiciaire du corps d’encadrement et d’application de la police nationale (III).
I. Une nécessaire réforme des pratiques
Il serait sans doute compliqué et fastidieux de dresser un catalogue des mesures qui ont alourdi la pratique de la procédure d’enquête policière. On peut rapidement citer la loi Guigou, les lois Perben I et II, la réforme de 2011 permettant à l’avocat d’assister son client lors des auditions même si, comme je l’ai déjà affirmé, cette réforme a davantage conduit les enquêteurs à une organisation différente qu’elle n’a réellement alourdi leur tâche… Encore dernièrement, le législateur a modifié la procédure dite de « l’audition libre » afin d’élargir les droits de la défense. On peut regretter, au passage, la confusion entretenue entre phase d’enquête et phase juridictionnelle notamment sur la notion d’accès de l’avocat au dossier constitué par les enquêteurs. Si la construction d’une phase de débat contradictoire peut se concevoir à l’issue de l’enquête, il ne doit pas y avoir de confusion des genres en la matière.
C’est la loi 2011-392 du 15 avril 2011 relative à la garde à vue qui a introduit en droit positif un certain nombre de mesures nouvelles notamment celle prévoyant l’assistance de l’avocat au cours des auditions.
En tout état de cause, le moins que l’on puisse dire c’est que le législateur n’a jamais fait preuve d’une très grande capacité d’anticipation. Et c’est là un doux euphémisme. Bien souvent, la représentation nationale est contrainte de procéder à des modifications législatives sous la pression des directives ou de la jurisprudence européennes. L’épisode de 2011 est de ce point de vue assez parlant. Alors que l’Etat se savait dans l’irrégularité la plus complète depuis des mois voire des années au regard de la jurisprudence européenne, la représentation nationale aura attendu d’être le dos au mur pour légiférer. Les officiers de police judiciaire ont donc dû assumer les suites de cette inconséquence en s’adaptant dans l’urgence aux nouvelles prescriptions. On aura vu meilleure anticipation !
En la matière, l’anticipation des mesures nouvelles par une adaptation des pratiques a quasiment été absente dans les prises de décisions. Pourtant abordées à plusieurs reprises lors des échanges avec les différentes commissions ayant traité du sujet, les propositions modificatives ont ensuite disparues du débat. Pour autant, des marges de manœuvre existent et il nous revient ici de les aborder.
Je traiterai tout d’abord des pratiques judiciaires et des dispositifs techniques (A) pour aborder ensuite l’absolue nécessité de revenir à un climat de confiance en l’intelligence humaine (B).
A. Des pratiques judiciaires à simplifier, des dispositifs techniques à envisager
Tout d’abord, je préconise une simplification procédurale au travers de la réalisation d’imprimés types remplaçant certains procès-verbaux. Ainsi, la notification et la mise en pratique des droits des personnes placées en garde-à-vue pourraient entrer dans ce cadre notamment lorsqu’ils sont réalisés sur la voie publique ou au domicile du mis en cause.
L’utilisation de moyens audiovisuels est souvent abordée par les enquêteurs. En effet, les auditions des mis en cause sont systématiquement filmées en matière criminelle ou lorsque l’auteur présumé est mineur. Cette pratique de l’enregistrement ne dispense pour autant pas l’officier ou l’agent de police judiciaire de la rédaction d’un procès-verbal reprenant toutes les déclarations. Je propose donc qu’il soit mis fin à ce doublon. Ainsi, toutes les auditions pourraient être filmées. Un compte-rendu succinct et contradictoire serait ensuite rédigé par l’enquêteur et signé par le mis en cause et son conseil éventuellement. Ce document figurerait ainsi en procédure avec le support technique portant l’enregistrement annexé à la procédure.
Dans ce sens, il me semblerait intéressant de revendiquer la mise en place de salles d’audition neutres, sécurisées et équipées en matériels audiovisuels de pointe afin de fluidifier le travail judiciaire et de sécuriser les locaux de police tout en évitant les déambulations inutiles des mis en cause.
Par ailleurs, les moyens audiovisuels pourraient également être utilisés dans les constatations (investigations quelquefois très lourdes) voire les perquisitions effectuées par les policiers.
De même, le développement des moyens audiovisuels et électroniques (visioconférence, boîtes électroniques sécurisées...) dans la relation entre les enquêteurs et les magistrats semble aujourd’hui indispensable. Il permettrait un gain de temps considérable dans les différents avis ou en matière de présentation des mis en cause dont la garde à vue doit être prolongée par exemple. Des efforts ont été consentis dans ce domaine notamment pour les services de police judiciaire. Est-ce suffisant ?
La dématérialisation des archives est également souvent abordée. Ainsi, l’enquêteur établi aujourd’hui sa procédure en triple ou quadruple exemplaires. Deux sont transmis à l’autorité judiciaire et un ou deux restent au service pour archives locale ou transmission pour les archives de la police judiciaire. Sur ce point, je propose que la procédure soit réalisée sur support papier en un seul exemplaire. Les copies pourraient être transmises sur support numérique dont le coût est aujourd’hui très modeste.
Enfin, je préconise également la mise en place d’une interface destinée à améliorer et à accélérer le traitement de l’ensemble des réquisitions formulées par les services de police. Cette plateforme aurait la charge de traiter avec l’ensemble des interlocuteurs habituels des enquêteurs (opérateurs téléphoniques, laboratoires, établissements bancaires…) afin d’établir des procédures standardisées, simplifiées et accélérées. Le ministre de l’Intérieur a formulé des annonces très récemment sur le sujet. Les conditions de mise en place restent à définir.
B. Faire confiance à l’intelligence humaine
Nous l’avons abordé à plusieurs reprises au cours des échanges notamment à l’Assemblée Nationale. La « judiciarisation », ces vingt dernières années, d’un contentieux qui relève davantage d’une médiation ou d’autres alternatives, a considérablement engorgé les services de police. Le passage alternatif d’une police de sécurité à une police d’ordre en fonction des alternances politiques n’est sans doute pas étranger à ce constat.
Ainsi, on demande aujourd’hui aux enquêteurs de tout traiter sans leur laisser la moindre possibilité d’exercer leur discernement. Les exigences formulées par les parquets sont d’ailleurs, dans ce domaine, de plus en plus nombreuses. Tout le monde à le pouvoir d’alourdir la procédure pénale, personne n’a celui de l’alléger.
Je préconise donc dans ce domaine une déjudiciarisation de certains contentieux qui engorgent les services d’investigation sans pour autant apporter une réelle plus-value au service public que nous devons à nos concitoyens. Prenons plusieurs exemples simples pour illustrer notre propos.
Le contentieux dont pourraient être déchargés les services d’investigation sont nombreux et variés : il peut s’agir des différends de voisinage suivis d’insultes ou de dégradations légères ou encore les incidents scolaires.
De même, quelle est l’utilité de procéder, comme il est quelquefois demandé à un enquêteur, à l’audition d’une classe entière lorsqu’un incident a eu lieu au sein d’un établissement scolaire ? Est-ce ainsi qu’on résoudra une situation conflictuelle suite à laquelle un professeur ou un élève attend une réponse concrète ? Par ailleurs, lorsqu’un différend intervient entre deux voisins, est-il nécessaire de le judiciariser systématiquement ? Une médiation ne permettrait-elle pas un meilleur résultat sur le long terme ? En outre, est-il nécessaire, sous prétexte du guichet unique, de judiciariser systématiquement un contentieux dont on sait par avance qu’il relèverait au mieux d’un classement sans suite ou au pire d’un traitement de droit civil ?
Il ne s’agit pas ici d’autoriser les policiers à renvoyer nos concitoyens qui font appel à leurs services sans qu’une réponse ne puisse leur être proposée. Rien ne serait pire pour notre institution que de laisser penser à celles et ceux qui vivent une difficulté du quotidien que la police n’a rien à leur proposer. Pour autant, la solution actuelle qui consiste à recevoir une personne, à éventuellement procéder à son audition sur procès-verbal ou sur la main-courante, pour finalement n’apporter aucune solution concrète à son problème est tout aussi insatisfaisante.
Je préconise donc la création de structures destinées à traiter les contentieux qui ne relèvent pas d’investigations policières au sens strict du terme mais davantage d’un traitement de proximité. Bien entendu, d’autres services de police de terrain pourront être sollicités dans ce cadre.
Par ailleurs, les enquêteurs attendent également qu’un véritable droit au discernement leur soit reconnu comme cela pouvait être le cas à l’époque où la qualification d’officier de police judicaire était uniquement exercée par les officiers de police. Pour cela, il est nécessaire que « le joug administratif » soit assoupli en matière judiciaire.
Car, si la capacité de l’exercice de cette qualification est aujourd’hui reconnue aux gradés et gardiens, ce n’est pas toujours le cas en matière de discernement. La question de l’autorité hiérarchique administrative a hélas des conséquences en matière judiciaire. Il n’est pas ici question, encore une fois, de permettre à des fonctionnaires en charge du service public de ne pas formuler une réponse acceptable aux citoyens qui font appel à eux mais uniquement de permettre à ces fonctionnaires d’adapter la réponse policière à l’urgence, à l’importance du préjudice, au passé du mis en cause ou à d’autres critères subjectifs au cas par cas. Il faut d’ailleurs noter que l’exercice d’un plus grand discernement déchargerait les services d’investigation d’un contentieux inutile et chronophage mais permettrait également un allègement de la charge des parquets qui sont aujourd’hui sollicités inutilement pour certaines décisions simples. Sachant que leur responsabilité sera systématiquement engagée, les enquêteurs ont naturellement tendance à agir comme des machines pour se prémunir de tout risque. Si demain une plus grande marge de manœuvre leur est laissée, le service public ne pourra que gagner en efficacité.
II. Santé et sécurité des enquêteurs : passer enfin à une phase d’anticipation
Lorsque la question de la santé-sécurité au travail est posée au sein des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les représentants du personnel et ceux de l’administration se heurtent bien souvent aux réalités budgétaires. Les solutions préconisées ont bien souvent un coût que les budgets des services actifs peuvent difficilement supporter.
En matière de risque psychosocial, ce n’est pas tant de données budgétaires que d’un changement de paradigme managérial dont dépendent les solutions. En effet, après dix années de politique du chiffre durant lesquelles la hiérarchie policière a été mise à contribution pour produire « les bons chiffres », nul ne peut nier l’état d’usure dans lequel se trouvent de nombreux policiers de tous grades en général et les enquêteurs des services d’investigation en particulier. Les cas de burnout se multiplient.
Là où une affectation en service d’investigation représentait un « bâton de maréchal » il y a quelques années, celle-ci est aujourd’hui régulièrement remise en cause par des enquêteurs pourtant aguerris et professionnellement reconnus, qui réclament une affectation dans un service moins exposé psychologiquement. Les psychologues du service de soutien psychologique opérationnel pourront sans doute témoigner de la justesse de ce constat.
Il nous semble donc primordial de revoir profondément les pratiques managériales en investigation. Outre la question de la confiance dans l’intelligence humaine évoquée supra, il est indispensable de repenser la façon dont sont administrés les services d’investigation.
En outre, une question se pose. Quelle est l’utilité d’affecter à un enquêteur une somme de dossiers dont on sait par avance qu’il ne pourra pas les traiter dans un délai raisonnable ? Par cette pratique, on met le policier en situation d’échec à priori. Pour maintenir un état psychologique stable, il est nécessaire que tout travailleur ait la sensation d’avancer de façon régulière dans sa tâche.
Je préconise en conséquence que ne soit affectée aux enquêteurs qu’une quantité de dossiers susceptibles d’être traités dans un délai raisonnable.
Là aussi, le discernement hiérarchique doit s’exercer. Pour cela, une pratique intéressante pourrait être mise en place à savoir la cotation contradictoire des dossiers affectés. Ainsi, par exemple, chaque chef de groupe coterait le dossier en fonction de sa difficulté sur une échelle de un à dix en accord avec le policier. Cette cotation pourrait ensuite être révisée en fonction de l’évolution de l’affaire ainsi qu’à la clôture de celle-ci.
En matière de répartition du travail toujours j’attire ici l’attention de notre administration sur une évolution pernicieuse au sein des services d’investigation. En effet, les officiers ayant accédé à un régime de cadre, ces derniers sont aujourd’hui déconnectés de la procédure. Or, au regard du retard pris dans la déflation du corps de commandement et au regard des diminutions d’effectifs vécues sur fond de révision générale des politiques publiques, il n’est pas acceptable de voir certains officiers ne plus assister les enquêteurs au plus proche des procédures. Comment expliquer, lorsqu’un officier se trouve en deuxième, troisième ou quatrième position hiérarchique au sein d’un groupe de moins de dix fonctionnaires, que celui-ci ne mette plus les mains dans « le moteur judiciaire » et se contente d’affecter les dossiers qui lui sont transmis par son supérieur hiérarchique ? Si l’officier ne sert plus que de boîte postale, comment s’étonner qu’il ne soit plus considéré hiérarchiquement ?
S’il ne nous revient pas de remettre en cause les acquis sociaux obtenus par les officiers de la police nationale, nous souhaitons que ces évolutions soient lissées dans le temps en fonction de la réalité des effectifs et des décisions politiques assez changeantes ces dernières années. Rappelons que la réforme des corps et carrières de 2004 prévoyait la création de 8000 postes de gradés et gardiens afin de pallier la déflation du corps de commandement, postes qui ont ensuite été détruits par la RGPP. Il serait utile de ne pas perdre cette réalité de vue dans le cadre de la réflexion relative à l’investigation. Rappelons enfin que la déflation du corps de commandement est loin d’avoir produit ses effets puisque, fin 2014, il y avait plus de 9300 soit 1300 officiers de plus que le plafond d’emploi ne le permet. Il serait sur ce point intéressant de chiffrer le coût de cette situation…
Bien entendu, il va sans dire que les mesures de simplification proposées supra permettront également l’avènement de conditions de travail plus adaptées.
III. Un régime indemnitaire à rénover
Tout ne peut sans doute pas se résoudre par des mesures salariales diront certains. Au regard des problématiques évoquées dans les deux premiers points et des préconisations ici formulées pour les résoudre, il est évident que la question du régime indemnitaire pourrait apparaitre secondaire. Pourtant, lorsqu’on connait les responsabilités qui pèsent sur les épaules des officiers de police judiciaire, l’indemnité de 50 € par mois destinée à prendre en compte ces responsabilités et ces sujétions ressemble davantage à un pourboire qu’à une réelle compensation. Il suffit de suivre un collègue gradé ou gardien lors d’une permanence judiciaire pour s’en convaincre.
Le régime indemnitaire des OPJ a fait l’objet d’un toilettage financier en 2001. Cela fait donc bientôt quinze ans qu’il n’a pas été révisé. Pourtant, que d’évolutions durant ces quinze années. Les gradés et gardiens de la police nationale sont aujourd’hui les seuls, notamment en sécurité publique, à assurer le travail judiciaire. Ils ont pris une place considérable sans que personne ne trouve à redire de cette évolution. Il semble donc bien légitime de revoir les compensations liées à cet investissement particulier.
Si le montant de l’indemnité doit évidemment être discuté, il ne s’agirait pas de se limiter à cela. Car c’est bien un changement complet de statut qui doit découler de la négociation salariale. Aujourd’hui simple indemnité, élément accessoire du salaire, la compensation des sujétions liées à l’exercice de la qualité d’OPJ doit devenir un élément du salaire comptant pour le calcul de la retraite.
Pour cela, plusieurs possibilités s’ouvrent à l’administration : différenciation de l’ISSP entre les APJ et les OPJ, création d’une bonification indiciaire pour les OPJ… Je ne privilégie aucune piste et la discussion doit avoir lieu sur le sujet. De même, il m’apparaitrait logique que les APJ affectés au sein des services d’investigation et dont les conditions de travail sont donc impactées par cette affectation puissent également bénéficier d’un tel dispositif innovant. Enfin, peut-être serait-il envisageable de faire varier la bonification en fonction de l’affectation (permanente ou ponctuelle) en investigation. En effet, ne peut-on pas convenir qu’un fonctionnaire affecté dans un BOE et qui ne prend que ponctuellement des permanences est moins impacté par les difficultés de l’exercice de sa qualification qu’un collègue affecté en service de quart ou en sûreté départementale.
Nous le voyons bien, la question indemnitaire est une question importante comportant plusieurs facettes. Il convient, lorsqu’on choisit de l’aborder sur le plan revendicatif, de n’en négliger aucune.
Avec l’occupation de la voie publique, la police d’ordre, la surveillance des frontières et le renseignement, l’investigation est un des piliers de notre institution. La simple observation de l’état de la situation peut légitimement nous inquiéter quant à la solidité de celui-ci.
Il convient, si l’Etat veut disposer de services d’investigation modernes, capables d’anticiper les enjeux et de s’adapter à l’évolution de la délinquance, d’ouvrir une réflexion approfondie sur le sujet. Elle devra être la plus large possible et donner la parole aux policiers de terrain au travers des organisations syndicales mais également aux magistrats, maillons fondamentaux dans la chaîne pénale qui seraient peut être tentés de capturer le débat. Nous devons attendre un appui sans faille de la part du ministre de l’Intérieur dans le débat parlementaire qui devra nécessairement découler de la concertation préalable.
J’évoque ici, de manière non exhaustive bien entendu, quelques pistes de réflexion. Bien entendu, il convient désormais que l’ensemble des policiers, à tous les niveaux, puisse se saisir de ce débat pour le faire vivre en le partageant et en l’enrichissant de nouvelles idées. La construction de la procédure pénale du troisième millénaire doit relever, comme tout œuvre humaine d’importance pour l’avenir, d’un travail collectif.
RAPPEL DES PRECONISATIONS
Simplification procédurale au travers de la réalisation d’imprimés types remplaçant certains procès-verbaux.
Développement des moyens audiovisuels pour les auditions, les constatations, les perquisitions… et remplacement des procès-verbaux correspondants par un rapport contradictoire de synthèse.
Mise en place de salles d’auditions sécurisées et équipées en matériels audiovisuels de pointe.
Systématisation des visioconférences pour les présentations à magistrat.
Mise en place de boîtes électroniques sécurisées pour les échanges entre enquêteurs et magistrats.
Dématérialisation des archives judiciaires.
Mise en place d’une interface nationale destinée à améliorer et à accélérer le traitement de l’ensemble des réquisitions judiciaires.
Déjudiciarisation de certains contentieux relevant davantage d’une médiation ou d’un traitement alternatif.
Création de structures destinées à gérer les contentieux qui ne relèvent pas de d’investigations policières.
Reconnaissance du discernement exercé par les policiers en assouplissant le joug hiérarchique en matière judiciaire.
Affectation rénovée des dossiers aux enquêteurs : n’affecter que ce qu’un enquêteur peut traiter dans un délai raisonnable.
Cotation contradictoire des dossiers judiciaires par leur difficulté à l’entrée et à la sortie.
Juste répartition du travail entre les agents du corps de commandement et ceux du corps d’encadrement et d’application en tenant compte de l’avancée de la déflation du corps de commandement et du non-respect des créations d’effectifs prévues en 2004.
Rénovation des compensations financières pour les OPJ et les APJ travaillant habituellement ou ponctuellement en service d’investigation.
Intégration des compensations comme élément du salaire comptant pour la retraite.