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Billet de blog 25 janvier 2015

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J'ai fait un rêve ou on nous aime ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Eh oui, il va falloir s’y faire, nos concitoyens aiment leurs policiers. Si, si, je vous assure, ils nous aiment ! On l’a tous constaté un dimanche de rassemblement républicain à Paris. Les colonnes de forces mobiles ont été applaudies, les CRS embrassés, les collègues en faction remerciés… « Nous sommes tous policiers » titraient même certaines pancartes.

Il aura fallu pour cela que nous perdions dans la lutte contre le terrorisme deux policiers nationaux et une policière municipale. Il aura fallu les assauts héroïques des policiers du RAID, de ceux de la BRI et des gendarmes du GIGN – retransmis en directe sur les chaines d’information en continue – pour que nos concitoyens s’unissent, toutes voiles dehors, derrière leur police et lui crient leur gratitude éternelle, leur attachement indéfectible.

Gratitude éternelle ? Attachement indéfectible ? Vraiment ? Alors, oubliées les interventions filmées par « Monsieur X » et dont seuls les extraits les plus accablants pour les policiers sont retransmis sur la toile ou par les mêmes médias d’information en continue ? Terminées les accusations de « bavure » ou de « contrôle au faciès » ? Enterrés les accusations de course au rendement en matière de verbalisation au code de la route ? Terminée la dénonciation de la politique du chiffre qui ne résout rien mais qui  alimente un climat de défiance de la population envers les policiers ?

Hélas, je n’y crois pas beaucoup et qu’on ne s’y trompe pas. Je ne suis pas méfiant par nature mais par expérience. Si nous ne pouvons que nous réjouir de cet élan de solidarité suite à l’exécution de nos collègues, si nous ne pouvons que nous féliciter de voir nos concitoyens se remémorer que la police nationale c’est aussi le sacrifice ultime pour la défense des libertés, gardons-nous bien de comptabiliser cet épisode pour solde de tout compte d’un déficit qui s’est lentement creusé entre nos concitoyens et leur police ces dernières années.

Je crains pourtant que la tentation d’utiliser ce soudain (et provisoire) regain de popularité de notre institution comme « cache sexe »  d’une politique sécuritaire à bout de souffle ne soit une tentation forte chez certains. De mon point de vue, rien ne serait pire.

Cette ambiance de confiance provisoirement retrouvée représente en revanche une excellente occasion de nous interroger sur ce qu’attendent nos concitoyens de leur police. Et s’il est un chiffre qui a été escamoté ces dernière années c’est bien celui-là. Il est pourtant fondamental dans le raisonnement politique.

Je me prends donc à rêver…

Je me prends à rêver à une police qui marcherait à nouveau aux côtés de nos concitoyens, de policiers qui seraient à nouveau affectés sur un quartier à taille humaine sur lequel ils connaîtraient la population qui y vit ou qui y travaille, de policiers qui pourraient à nouveau prendre le temps de descendre de voiture pour renouer des liens de confiance avec les habitants, les commerçants...

Je me prends à rêver d’une prise de conscience collective sur les raisons d’une désaffection.

Je me prends à rêver d’un pouvoir politique capable de sortir du piège de la « statistisation » de la sécurité, capable d’expliquer que les chiffres de la délinquance ne sont qu’un élément d’une politique sécuritaire, qu’une augmentation du nombre de plainte n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, qu’une baisse du même indicateur n’en est pas forcément une bonne, que le chiffre unique (surtout en matière de faits constatés et de faits élucidés) est un non-sens…

Je me prends à rêver de l’abrogation de la méritocratie au sein de notre institution, politique qui n’aura fait que diviser une profession qui a tant besoin de cohésion pour avancer.

Je me prends à rêver d’une véritable réflexion sur l’état des effectifs de police et de gendarmerie, effectifs qui ont fondu comme neige au soleil sous les coups de boutoir de la très dogmatique « RGPP », effectifs qui ont tant de mal à se reconstituer depuis l’arrêt de cette politique inique et la relance des recrutements depuis 2012. Rappelons que l’activation du plan « vigipirate attentat » ces dernières semaines a contraint l’Etat à déployer 10.000 militaires de plus mais aussi à appliquer des restrictions drastiques de congés au sein des services afin de pallier les saignées passées.

Aussi tristes qu’en soient les causes, ce soudain regain de popularité de l’institution police doit donc être, je le crois fermement, l’occasion d’une véritable prise de conscience. Nos concitoyens nous aiment, si tant est qu’ils aient la confirmation que nous sommes avant tout à leur service.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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