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Billet de blog 26 janvier 2016

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Police : de l'urgence à la prospective

La police est une administration qui traite – bien souvent dans l’urgence – un grand nombre des maux de notre société. Rares sont les moments où les policiers peuvent gérer des situations sur le temps long ou, mieux encore, anticiper les difficultés afin d’éviter qu’elles ne surviennent...

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La police est une administration qui traite – bien souvent dans l’urgence – un grand nombre des maux de notre société. Rares sont les moments où les policiers peuvent gérer des situations sur le temps long ou, mieux encore, anticiper les difficultés afin d’éviter qu’elles ne surviennent. C’est sans doute ce qui explique cette si grande incapacité de notre institution à lever la tête du guidon pour voir un peu plus loin que le bout de son nez.

Je me souviens que nous proposions, mon ami Daniel Darnis et moi-même, il y a près de quatre ans maintenant, une scolarité de Gardien de la paix aménagée pour les anciens Adjoints de sécurité (ADS). Ainsi, nous proposions de réduire cette formation de quatre mois pour celles et ceux qui justifiaient d’un parcours professionnel complet au sein de l’institution. Les premiers modules de formation sont en effet communs aux deux scolarités. En contrepartie, la formation initiale des ADS aurait pu être allongée d’un mois afin de muscler le bagage théorique et technique de ces jeunes contractuels.

Je me souviens également des réactions négatives à tous les niveaux de l’administration centrale qu’il s’agisse de la direction générale comme de la sous-direction de la formation. Au sein de celles-ci, nombreux sont les responsables capables de vous expliquer pourquoi le changement n’est pas possible. L’inertie administrative y est d’une puissance incomparable !

Alors, quelle ne fut pas ma surprise de constater, dans l’urgence post-attentats, le projet de réduire de moitié la scolarité des anciens Adjoints de Sécurité devenus élèves Gardiens de la paix. Ce qui était totalement impossible hier, dans le cadre d’une réflexion posée sur un temps long, devient soudain tout à fait réalisable dans l’urgence.

Et si l’on pourrait, au fond, se réjouir que notre proposition de l’époque ait enfin été retenue, je me vois dans l’obligation d’émettre quelques réserves dans l’application de celle-ci.

En effet, dans notre projet, comme je le précise plus haut, nous proposions de limiter la réduction de la scolarité de Gardien de la paix aux candidats en interne justifiant d’un parcours professionnel complet, validé par le jury de concours au travers de l’examen du Passeport d’Avenir Professionnel dont dispose chaque ADS en service. Ce document, complété au moins une fois par an par le responsable hiérarchique, justifie de l’expérience acquise et des formations suivies par le jeune contractuel. Or, dans le dispositif final, tous les Adjoints de Sécurité qui décrocheront le concours effectueront une scolarité réduite, quand bien même leur parcours professionnel se sera-t-il résumé à un passage dans des services administratifs ou techniques hors voie publique. Il me semble qu’il y a là matière à s’interroger quelque peu.

Par ailleurs, je note que la scolarité initiale des Adjoints de Sécurité n’a fait l’objet d’aucun allongement, alors même que ces jeunes sont aujourd’hui exposés sur la voie publique, à un même niveau que les fonctionnaires titulaires, tout en n’étant formés que douze semaines en école de police. Les patrouilles composées d’un Gardien de la paix et d’un Adjoint de Sécurité se sont hélas multipliées pour cause de manque d’effectifs. La moindre des choses, dans ce contexte, serait d’interdire cette pratique et de revenir à des équipages composés, au minimum, de deux fonctionnaires titulaires et d’un ADS. Cela ne semble pas être à l’ordre du jour hélas.

Bien entendu, rien ne permettait de prévoir les terribles attentats auxquels notre pays a été confronté à plusieurs reprises l’année passée. Nous étions néanmoins nombreux, depuis l’application de la fameuse révision générale des politiques publiques de 2008, à dénoncer les baisses d’effectifs et leurs terribles conséquences sur les conditions de travail des policiers mais aussi sur les capacités opérationnelles des services. Pour ces raisons, nous formulions des propositions concrètes et cohérentes destinées à permettre des économies et un gain de temps dans le renfort des services. Comme je l’ai démontré dans un précédent billet, les annonces de hausse d’effectifs et la relances des recrutements commencent à peine à produire des effets sur le terrain. Ils auraient pu être bien plus rapides si nos propositions n’avaient pas été rejetées en bloc par nos têtes pensantes, avec l’assurance de ceux qui savent tout mieux que quiconque. A vouloir les retenir aujourd’hui dans l’urgence et sans réflexion de fond sur la formation initiale et continue des ADS et des policiers, je crains qu’on s’expose à quelques lendemains difficiles. Tant de structures de formation initiale ont été fermées dans la précipitation des réformes à courte vue.

A la lumière de ces errements – qui pourraient être démontrés dans bien d’autres domaines et dont les conséquences peuvent être si néfastes pour l’image et l’efficacité de notre police républicaine – il me semblerait utile de s’interroger sur les difficultés de notre institution à envisager la police du siècle suivant. Dans ce sens, l’avènement d’une direction de la prospective au sein du ministère de l’Intérieur ne me semblerait pas une incongruité. Dans un monde où l’on nous explique qu’il faut sans cesse évoluer et s’adapter – souvent pour justifier les réformes à courte vue d’ailleurs – nos concitoyens sont en droit d’attendre une vision à long terme sur les conditions d’organisation de leur sécurité au quotidien.

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