À l'heure où les idéologues de Survie en sont encore aux versions canoniques du drame rwandais selon lesquelles seuls les extrémistes hutus seraient responsables des centaines de milliers de morts de 1994, l'actualité nous offre une surprise de nature à modifier radicalement cette perspective.
Voici qu'à la faveur d'un déplacement à Londres, le chef des services de renseignements rwandais, Emmanuel Karenzi Karake, sous le coup d'un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne, a été arrêté samedi par la police londonienne. Le mandat a été émis dans le cadre d'une procédure pour génocide et crimes contre l'humanité.
Oui, vous avez bien lu: génocide et crimes contre l'humanité.... pour un homme de Kagame.
Cette arrestation montre que l'analyse d'un génocide dont la responsabilité incomberait aux seuls hutu est loin d'être admise dans le monde et qu'il n'y a qu'en France où la presse n'a pas su reconnaître ses errances et s'enferre dans le déni en omettant systématiquement de traiter depuis des années tout ce qui remet en cause la doxa. Le cliché d'une armée française engagée dans le génocide aux côtés des hutu a été propagé en dépit du fait que ladite armée n'était pas présente au Rwanda au moment des faits. Nous avons eu ici même, sur Mediapart, un soldat français venu opportunément s'interroger sur sa possible inculpation devant le TPI au moment du vingtième anniversaire du génocide. Il est difficile de ne pas voir dans cette attitude un élément d'une campagne de presse bien orchestrée et visant à empêcher de soulever le voile qui occulte la responsabilité du FPR (la soi-disant armée de libération tutsi) dans l'assassinat du président en exercice et dans le génocide qui a suivi.
Il est notable qu'à l'heure ou la presse anglaise rend compte de cette arrestation - notamment la BBC, le Guardian, l'indépendant et le Telegraph - en France, seuls RFI, le point et le Parisien en parlent.
On imagine sans peine que les Malagardis, Dupaquier, Vulpian, Colombat, Bourmeau et autres Saint Exupéry et Mehdi Ba doivent commencer à se dire que leur statut de défenseurs inconditionnels du régime de Paul Kagamé les expose à être démentis par les faits dans un avenir qui se rapproche de plus en plus. Quant au reste de la presse française, qui a massivement gobé l'intoxication tutsi au moment du génocide et qui a fermé les yeux sur les suite des massacres en RDC, il est assez réticent à admettre qu'il a été grossièrement manipulé.
Il y a peu, Le Monde s'était fendu d'un article sur la qualité des prisons rwandaises, nous apprenant au passage que les excréments des prisonniers étaient recyclés en biogaz pour le chauffage.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/05/04/au-rwanda-les-prisons-tournent-au-biogaz_4626806_3244.html
Par contre ils n'avaient pas pipé mot de l'assassinat de P. Karegeya, de l'enlèvement de Gafirita - du à la curieuse incurie du juge Trevidic* . Ils avaient en outre fait silence à propos du documentaire de la BBC "Rwanda's untold story" Ledit documentaire a rendu fou furieux le régime de Kigali qui a suspendu la BBC au Rwanda.
https://vimeo.com/112879025
Ils n'ont bien sur rien dit du sabotage de l'enquête par le duo Trevidic - Poux pendant des années. http://www.recim.org/prov/RencontresPaix.pdf (à partir de la page 5)
On espère donc que, fidèle à sa curiosité pointilleuse, le quotidien du soir se donnera la peine de reconnaître qu'il existe une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui vise les responsables tutsi, et que celle-ci n'est pas due aux manipulations de la françafrique mais, tout au contraire, à l'opiniâtreté d'un avocat et d'un juge espagnols.
Bien entendu, ledit quotidien a dû reconnaître les exactions du régime en place envers les membres de la profession journalistique qui ne récitaient pas convenablement le catéchisme autorisé. Mais c'est que Reporter Sans Frontières et Human Right Watch ont suffisamment élevé la voix.
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/03/un-journaliste-condamne-a-25-ans-de-prison-au-rwanda_4586522_3212.html
Quant à notre bien aimé journal Mediapart, nous aimerions qu'il ne soit pas d'une discrétion de violette sur ce sujet.
Evidemment, il ne reste plus aux blancs-menteurs français - Malagardis, Dupaquier, Vulpian, Dumas, Colombat, Bourmeau , Saint Exupéry, Mehdi Ba - qu'à nous expliquer que ce sont les espagnols qui sont les cerveaux du génocide rwandais puisqu'ils incriminent Kagame et les siens pour crimes de guerre voire crimes contre l'humanité.
La mise en cause de l'armée française est un leurre bien pratique et a mobilisé tant d'idiots utiles qu'il suffira d'ajouter que le mandat contre Kagamé est un ultime vestige du franquisme. Un peu de passion indignée fera l'affaire. Le franquisme complice de l'armée française génocidaire, ça sonne tellement bien: Pavlov en frétille de joie dans sa tombe.
Voici les articles de la presse française:
http://www.rfi.fr/afrique/20150623-rwanda-karenzi-karake-londres-foreign-office-espagne-interpol-kagame/
http://www.leparisien.fr/faits-divers/genocide-au-rwanda-le-general-emmanuel-karenzi-karake-arrete-samedi-a-londres-23-06-2015-4885629.php
http://www.lepoint.fr/monde/londres-arrete-le-chef-des-renseignements-rwandais-23-06-2015-1939079_24.php
*Trévidic ne voulait pas que Gafirita, qui craignait pour sa vie, témoigne sous X à propos de l'attentat contre l'avion présidentiel. Il était donc convenu que l'identité de Gafirita ne serait révélée qu'à son arrivée en France. Hélas, cet accord ne fut pas respecté et Gafirita fut enlevé à Nairobi dès que sa convocation par le juge fut émise. Pourtant, Trévidic avait accepté le témoignage sous X d'un ancien d'Abou Nidal dans l'affaire de la rue des Rosiers.