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Billet de blog 22 juin 2021

Retour sur le premier procès de Josu Urrutikoetxea

Des négociateurs, médiateurs internationaux et chercheurs reviennent sur le déroulement et les enjeux du premier procès, pour la période 2011-2013, de Josu Urrutikoetxea, acteur clé de la résolution du conflit au Pays basque, qui s'est déroulé les 15 et 16 juin devant le 16e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ces deux journées d’audience qui se sont tenues, les 15 et 16 juin derniers, devant la 16e chambre pénale du tribunal judiciaire de Paris, auront eu le mérite de mettre au grand jour le rôle historique déterminant que Josu Urrutikoetxea a joué dans la préparation, la tenue des négociations et la sortie du conflit au Pays basque.

Le procès a en effet permis d’établir sans équivoque, grâce aux rapports de la SDAT (Sous-direction anti-terroriste) et de l’UCLAT (Unité de coordination de la lutte antiterroriste), sa participation directe dans ce long processus de paix.

Dès le milieu des années 1980, il est attesté qu’il travaille à la mise en place des pourparlers d’Alger qui débuteront, officieusement, en 1987 et, officiellement, en 1989, juste après le premier cessez-le-feu de ce conflit et son arrestation, le 11 janvier 1989 à Bayonne.

Dans les rapports de police, il est stipulé que son nom est proposé pour participer aux discussions de Zurich en 1999.

Plus tard, il est aussi attesté que Josu Urrutikoetxea, député depuis 1998 et réélu en 2001 au Parlement basque, travaille de 2002 à 2005 à la recherche de médiateurs internationaux et à la préparation des négociations de Genève qu’il mènera, avec l’appui du Centre pour le dialogue humanitaire, de 2005 à 2006, avant de quitter définitivement en septembre 2006 l’organisation ETA à la suite de désaccords de fond avec sa nouvelle direction.

Après s’être retiré dans un village des montagnes ariégeoises, il est vérifié, au moyen d’un impressionnant dispositif de surveillance sur l’ensemble de son entourage, que Josu Urrutikoetxea a coupé toute relation avec le mouvement indépendantiste et qu’il n’a plus que comme seul contact que sa famille la plus proche en de très rares occasions.

Il est établi qu’il a néanmoins été sollicité par la suite, via un membre de sa famille, par la gauche basque, en tant que figure emblématique et pour son expérience diplomatique avérée, afin de participer aux négociations d’Oslo, d’octobre 2011 à février 2013. Lors de ces négociations, avec le soutien du Centre pour le dialogue humanitaire et sous la protection du gouvernement norvégien, il a rencontré nombre de diplomates et facilitateurs internationaux afin de mettre un terme au conflit, sans pour autant que l’État espagnol ne se présente à ces négociations comme il s’y était engagé en ratifiant la feuille de route contractualisée auprès des médiateurs internationaux. Feuille de route qui a, par ailleurs, permis une double impulsion : d’une part, la tenue le 17 octobre 2011 de la Conférence internationale pour la paix d’Aiete placée sous l’égide de Kofi Annan où sera rappelée dans la déclaration finale, là encore, l’impérieuse nécessité pour les États français et espagnol d’entrer dans ces négociations afin de traiter des conséquences du conflit ; et, d’autre part, que soit prononcé trois jours plus tard, le 20 octobre 2011, par l’organisation ETA l'arrêt définitif de ses activités armées.

Enfin, il est également démontré que, depuis le Centre pour le dialogue humanitaire basé à Genève, Josu Urrutikoetxea été choisi par la gauche abertzale pour déclarer, en tant que figure historique et ex-militant, le 3 mai 2018 la dissolution de l’organisation ETA.

Le 1er septembre 2021, la justice française aura donc l’occasion, dans le prononcé de son délibéré, de reconnaître l’engagement de cet acteur clef de la sortie du conflit en Pays basque par des moyens négociés et exclusivement pacifiques et démocratiques. Ce faisant, elle délivrera un message fort pour toutes celles et tous ceux qui, comme JosuUrrutikoetxea, s’engagent personnellement et courageusement pour sortir de la logique guerrière et construire une alternative pacifique.

À l’inverse, condamner Josu Urrutikoetxea, à une peine de cinq ans d’emprisonnement comme l’a requis la procureure au titre de la lutte anti-terroriste mais en l’absence de toute preuve factuelle, ce serait rendre plus difficile pour ceux qui, dans le monde, œuvrent pour le dialogue et la négociation, de convaincre leurs compagnons de les suivre dans la voie de la paix. En effet, si la protection de ces acteurs clefs ne peut être garantie par les États – et dans le cas présent par la France – la communauté internationale ne sera plus en mesure de résoudre par la négociation ces conflits, laissant ainsi le champ aux seules approches bellicistes.

Nous sommes convaincus qu’en prononçant la relaxe de Josu Urrutikoetxea, le tribunal contribuerait à préserver les chances de solution de paix juste et durable dans d’autres conflits. L’État français s’honorerait d’une telle décision qui renforcerait sa place dans le concert des nations en tant que médiateur international et défenseur des droits humains.

Gerry Adams, leader historique du Sinn Féin, négociateur et signataire des accords de paix du Vendredi saint en Irlande du Nord

Bill Bowring, professeur Birkbeck College de l'Université de Londres, président de l’Association européenne des avocats pour la démocratie et les droits humains dans le monde (ELDH)

Jonathan Cohen, directeur exécutif de Conciliation Resources, président du comité́ directeur du Bureau européen de liaison pour la consolidation de la paix

Brian Currin, médiateur international des processus de paix et avocat des droits de l'homme, directeur exécutif de Concentric Alliance

Didier Fassin, professeur à l’Institut d’étude avancée de Princeton

Harold Good, président de l'Église méthodiste d'Irlande, a joué un rôle clé dans le processus de paix en Irlande du Nord et a supervisé le désarmement de l'IRA et de l'ETA au Pays basque, Prix mondial de la paix méthodiste

Caroline Guibet Lafaye, directrice de recherche au CNRS, Centre Émile Durkheim

Ronnie Kasrils, ministre honoraire des Services de renseignement de la République d'Afrique du Sud, ancien membre du Comité exécutif national du Congrès national africain, Prix Alan Paton de littérature

Michael Keating, directeur exécutif de l'Institut européen de la paix, ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations unies

Raymond Kendall, secrétaire général honoraire d'Interpol

Thomas Lacoste, cinéaste, fondateur de La Bande Passante

I. William Zartman, professeur émérite à la Paul H. Nitze School d’étude internationale avancée de l'Université́ Johns-Hopkins, détenteur de la chaire Jacob Blaustein Organisations internationales et résolution des conflits

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