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Billet de blog 24 décembre 2025

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Les avoirs russes

Peut-on résister à l'envie de parler de l'affaire des avoirs russes en Europe? L'affaire est, par certains de ses côtés, si cocasse. Elle défraie actuellement la chronique internationale.

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Elle révèle en même temps le naufrage des dirigeants politiques européens actuels, surtout ceux des grandes puissances régionales européennes, la France, l'Angleterre, l'Allemagne.

C'est en effet amusant d'entendre leur propagande parler en même temps "d'avoirs russes" tout en voulant justifier leur gel ou, leur saisie. Si ce  sont des "avoirs" c'est bien qu'ils appartiennent par définition à leurs propriétaires, les  russes. C'est donc un vol. Ou alors ce mot n'a plus de sens dans toute langue qui soit. Ultime provocation, la saisie de ces avoirs russes doit servir à financer la guerre contre les Russes. C'est amusant de voir cette mobilisation de centaines d'idéologues, de propagandistes, de politiques, de ministres, qui  s'échinent  à essayer de justifier ce vol, et de fonder une sorte de droit du vol, comme ils avaient créé un droit d'ingérence. L'un ne va d'ailleurs pas sans l'autre.

Les avoirs de l'Irak, la Libye, la Russie…à qui le tour ?

Ils avaient, de la même façon,  saisi les fonds souverains de l'Irak, de la Libye. Comble de l'arbitraire, ils leur avaient  saisi à eux leurs avoirs, parce qu'ils étaient coupables d'être … des pays agressés. Pour la Russie, c'est "parce qu'elle est un agresseur". Le président Biden, avait,  d'un seul trait de plume,  saisi, le 11 février 2022, après la débâcle américaine, comme une vengeance,  les 7 milliards de  dollars des avoirs de l'Afghanistan,  pays rendu exsangue  par une  agression  de l'OTAN pendant 20 ans.  C'est donc une vieille habitude.

Mais là il s'agit de la Russie, et il y a la crainte de représailles. On comprend alors pourquoi ils sont là,  comme les bandits  qui tournent autour de la banque pour préparer le hold-up et mesurer les risques. Ils avaient déjà confisqué les intérêts de ces avoirs, en disant qu'ils ne faisaient pas partie du capital. Ne riez pas. C'est exactement ce qu'ils ont dit et ça se passe en Europe, mère du capitalisme.

Les bandits sont tentés. Ils avancent. Ils reculent. C'est, là aussi, cocasse  de voir le ballet des dirigeants de l'Europe occidentale, les "volontaires" comme ils s'appellent,  pour se donner du courage. Ils n'arrêtent pas d'aller et venir, de s'accueillir réciproquement dans leurs capitales respectives, Berlin, Paris, Londres puis Bruxelles, puis encore à Paris, Londres. Arrivées,  bizous et re-bizous  pour les dirigeantes femmes,  et parfois même pour les hommes, enfin ceux qui apprécient un peu plus de  chaleur humaine. On dirait qu'ils ne se quittent plus, on se demande quand ils travaillent, quand ils  gouvernent. Ils vivent entre eux, en permanence. Atmosphère  propice au délire collectif. L'affaire Epstein avait déjà révélé au monde incrédule combien toutes ces élites étaient conviviales.

Et le délire arrive,  d'ailleurs. Brusquement, sans qu'on comprenne quelle mouche l'a piqué,  le ministre allemand de la défense Boris Pistorius, prévoit la guerre pour 2028 dans une déclaration faite le  19 novembre 2025. Il faut le faire ! Du jamais vu dans l'histoire humaine. Prévoir une guerre pour dans trois ans. "Madame Soleil" allemande. Une déclaration anticipée de guerre,  rendez-vous dans trois ans. Comme  on annonce la date des prochains jeux. Le Chancelier allemand, Friedrich Merz, lui, avait été plus précis que son ministre: le 24 février 2025, il avait dit que "c'était minuit moins cinq pour l'Europe". Il avait probablement la montre à la main, la rigueur allemande. En somme, on demande à l'ennemi, en l'occurrence la Russie, d'avoir la courtoisie d'attendre que l'Europe soit prête.

Mais, à propos, ces avoirs russes sont bien la preuve que la Russie n'avait pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, qu'elle ne la menaçait pas. Ou alors pourquoi les auraient-ils laissés en Europe? Ils mentent donc encore en parlant de "menace russe".

Le plus extraordinaire, c'est que plus personne, dans le pouvoir politico-médiatique européen  ne relève ces absurdités. Le délire est collectif. Il y a des moments où des sociétés toutes entières peuvent tomber dans une sorte d'hallucination collective, et ceux qui, parmi eux, tirent la sonnette d'alarme sont voués aux gémonies. L'Histoire en a connu de ces  séquences terribles.

Tout cela reflète le danger qui provient de l'état de décomposition de la direction actuelle de l'Europe, et la nécessité évidente de nouvelles élites dirigeantes  politiques européennes.

Un hold-up trop risqué

Mais l'Europe ressemble à ceux qui jouent aux riches et qui n'ont pas le sou. Les grands airs que prennent les dirigeants ne font qu'accroitre leur ridicule. Ce sont des bandits qui veulent faire un hold-up, certes,  mais des bandits désargentés. La Russie, Poutine, ont tenu plus longtemps qu'ils le  croyaient. Ils  lorgnent vers l'argent russe car ils n'ont pas les moyens d'une guerre qui les a appauvris, et sans les ressources  du parrain américain. Ce n'est "hélas" plus la "belle époque".

Certains ont donc trouvé le hold-up trop risqué, pas immoral  mais trop risqué. Ils ont alors fait les poches à leurs propres peuples. Finalement Zelinsky part de Bruxelles et du Conseil  européen, le 19 décembre,  avec quand même  un chèque de 90 milliards d'euros. Il était venu pour faire une nouvelle fois "la manche". Ce n'est pas un prêt, c'est un don  car chacun sait que l'Ukraine ne  remboursera jamais. Ils le disent eux-mêmes puisque le prêt, "à taux zéro" est supposé être remboursé "sur les réparations de guerre que paiera la Russie quand elle sera vaincue".  Ne riez pas, une nouvelle fois.

En attendant ce jour, les supporters les plus fervents du pouvoir ukrainien,  l'Allemagne, la France, l'Angleterre,  apparaissent étrangement complaisants alors qu'ils savent la corruption extrême des amis de Zelinsky. Pour faire ce prêt, les pays européens emprunteront eux-mêmes de l'argent puisqu'ils n'en ont pas.  Chacun des pays européens "volontaires" donnera environ dix milliards de  la somme, alors qu'ils calculent jusqu'au centime les dépenses sociales pour leurs peuples. La démocratie de façade en prend, elle aussi,  un coup puisque ces nouvelles donations n'ont pas été mentionnées aux budgets et discutées par les représentations nationales. La Commission européenne  est si pratique pour les opérations discrètes.

Le prix du sang

Comment appelle-t-on une armée qui est financée par des pays étrangers ? Une armée de mercenaires n'est-ce pas? C'est donc  le cas de l'armée ukrainienne. Un général français, le général Michel Yakovleff, commentera de façon cynique sur le plateau de la chaine d'information LCI, le 21 décembre : "L'Ukraine saigne pour nous, nous lui payons le prix du sang". La vérité toute nue.  Où sont les belles paroles sur l'indépendance, la démocratie, la liberté,  les valeurs occidentales, la morale internationale etc.?

Ce que ne disent pas les dirigeants actuels de l'Europe occidentale et le pouvoir médiatique,  c'est que l'Etat ukrainien est en cessation de paiement. Ce financement sert directement à financer ses dépenses, jusqu'au moindre fonctionnaire, et toutes les importations de biens et de services. L'Etat Ukrainien vit de la mendicité. Mais alors pourquoi fait-il la guerre? Ne serait-il pas plus salutaire de s'entendre avec son voisin, comme l'Ukraine l'a fait pendant des siècles. Les pays européens veillent entre eux à avoir des rapports de bon voisinage mais cela,  ils ne l'ont pas conseillé à l'Ukraine.

Pourquoi donc l'Europe et l'Ukraine font-elles la guerre si elles n'en ont pas les moyens? On aboutit, comme diraient les physiciens, à une "singularité", à une absurdité, un peu comme lorsque l'ordinateur signale une erreur de logique, un bug,  un paradoxe.

La flotte fantôme

Mais on n'en est pas à une absurdité, à un délire prés. Il y a aussi le délire des "bateaux fantômes" après celui des drones fantômes. L'Europe est peuplée de fantômes. Un véritable thriller.

Au large de Saint Nazaire et des  côtes françaises, dans les eaux internationales, un pétrolier est arraisonné. Comme d'habitude on n'y trouve rien de ce que décrit l'hystérie médiatique habituelle : pas de drones prêts à l'action, pas de matériel d'espionnage, pas matériel pour saboter les câbles sous-marins etc.. Simplement quelques agents de sécurité qu'on promeut triomphalement au grade d'espions. Commentaires d'un plateau mainstream: " S'il n'y a pas de preuve c'est bien la preuve que ce bateau  est professionnel". L'absence de preuves est devenue une preuve. La psychiatrie devrait prendre en main  la politique européenne actuelle.

C'est le retour tout simplement à la piraterie. L'argument est que ces bateaux transportent un pétrole russe qui est sous "sanctions". Des sanctions, de quel droit ? Le droit international ? Et c'est dit comme si c'était un droit naturel, qui va de soi.

Les Etats-Unis aussi arraisonnent des bateaux quand ils ne les coulent pas sans sommation quand il s'agit de bateaux vénézuéliens. Imaginons que la Russie puis la Chine fassent de même. Dans un tel engrenage, la guerre généralisée est certaine.

On voit finalement revenir, chez eux,  une idée du fond de l'époque coloniale, celle que c'est l'Occident qui fait la loi sur les mers. C'est dire leur anachronisme. Pendant ce temps, la Chine prend le large.

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