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Billet de blog 30 avril 2025

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LE SCHISME OCCIDENTAL -1ère partie : L'Occident en pleine contradiction

Les dirigeants européens sont inénarrables En particulier le trio Royaume- Uni, France, Allemagne qui cherche péniblement à reprendre le leadership de l'Occident et à remplacer les Etats Unis. Ils sont pleins de contradictions.

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Ils veulent, par exemple, que les Etats Unis  continuent la guerre contre la Russie en Ukraine. Mais le gouvernement   actuel des Etats Unis   ne le veut plus. Ils crient  alors que  le président Trump  "reprend les mêmes arguments que Poutine, qu'il a versé dans son camp"  bref que  les Etats-Unis les ont  "trahis"..

Les Etats-Unis ont-ils trahi l'Europe ?

Les dirigeants occidentaux  dénoncent l'existence d'un "déséquilibre" en faveur de la Russie  dans  la position des américains. Cependant, si l'on s'en tient aux faits, la vérité est toute autre. Les Etats Unis  avaient pris le parti du régime ukrainien et de l'Europe occidentale  contre la Russie. C'est alors que leur position était  déséquilibrée.  Ce n'est qu'aujourd'hui, en fait, qu'ils adoptent une position d'équilibre,  en laissant entendre  qu'ils ne veulent plus intervenir en faveur du pouvoir ukrainien. C'est d'ailleurs indispensable au rôle de médiateur  qu'ils veulent jouer. Et si les dirigeants occidentaux craignent que le régime ukrainien, s'écroule, faute de soutien américain, c'est bien là la preuve que sans les Etats Unis, l'Ukraine ne peut  rien faire. Les Russes avaient donc raison de dire que les Etats Unis et leurs alliés européens leur faisaient  la guerre par Ukraine interposée.

Cela donne à réfléchir sur la réalité de la mobilisation du peuple ukrainien. Un peuple unanime  est invincible. Les guerres de libération, Vietnam, Algérie, Cuba,  Afghanistan, ont été là pour le prouver.

En outre , dans le cas de l'Ukraine,  il ne s'agit pas seulement d'une aide militaire américaine et occidentale massive, sans précédent. L'Ukraine a été et continue d'être portée à bout de bras financièrement par les Etats Unis et les autres  pays occidentaux. Le pays est l'un des plus pauvres d'Europe. Il  a un PIB de 2159,95 dollars /habitant  à rapprocher de pays voisins, comparables,  comme la Pologne (22 000 dollars par habitant).la Hongrie ( 16000 dollars par habitant). La dette de l'Ukraine représentait environ 100% de sin PIB en 2024. Son indépendance depuis trente ans a été suivie d''une catastrophe économique: développement du sous-développement, gaspillage, corruption, pouvoir des oligarques qui ont porté Zelinsky, le héros d'une série télévisée, à la présidence dans une atmosphère kafkaïenne, émigration massive,  démographie en chute libre etc.. Bref tous  les stigmates d'une crise profonde qui la fragilisaient et pouvait la rendre vulnérable à toutes les manipulations. Avec leur aide financière, les pays occidentaux l'ont littéralement entretenue, voire circonvenue. Voilà ce qu'est devenue ce qui était la perle de l'URSS.

Le déni de réalité     

Autre argument des dirigeants occidentaux: ils accusent les négociateurs américains de faire  des concessions territoriales à la Russie aux dépens de l'Ukraine. Ces négociateurs en réalité n'en font aucune pour la bonne raison que c'est une situation de fait, une  résultante des combats, et que  ce sont  les ukrainiens qui ont abandonné aux Russes, dans le feu de la guerre,  18 à 20% des  territoires contestés. D'ailleurs la situation se détériore sans cesse, les Russes continuant d'avancer, comme cela n'a pu échapper aux Etats Unis avec tous leurs  moyens d'observation et leur  présence directe dans le pouvoir et l'armée ukrainienne. Cette armée, sans l'appui américain, ne peut donc que s'effondrer.

Les Européens et les dirigeants ukrainiens ne veulent pas reconnaitre cette réalité. Ils s'acharnent et s'empêtrent dans leurs contradictions.  Le président français en particulier bouge dans tous les sens, trépigne. Il  prend des initiatives, il fait des réunions européennes, il convoque des réunions  d'états-majors  français, européens, avec même le Canada et l'Australie mais sans les Etats-Unis, réunions qui sont oubliées aussitôt ou qui n'ont pas lieu.

Au lieu pour les dirigeants européens  de dire simplement  la vérité  à leurs peuples, comme finalement le fait le président Trump au sujet de  cette guerre,  ils disent, que l'aide n'a pas été suffisante. Eux et les dirigeants ukrainiens  demandent encore et encore du temps et de l'argent, arguments classique d'un déni de la  réalité . Jusqu'à quand ? Faudra-t-il une défaite totale pout négocier ? C'est apparemment ce que veut éviter Trump qui semble au fond plus avisé que les va-t'en guerre. 

La question du cessez le feu

Une autre contradiction  porte sur la question du cessez le feu. On se souvient  que le refus par le président Zelinsky du cessez le feu  proposé par le président Trump avait  été à l'origine de l'altercation devenue fameuse entre les deux  présidents dans le  bureau ovale. Le président Trump lui avait alors reproché vivement, je cite de mémoire,  de ne pas voir la réalité, de ne pas réaliser qu'il n'avait "pas les cartes en mains", qu'il détruisait son propre pays, qu'il "jouait avec une troisième guerre mondiale" et que lui,  lui  offrait,  au contraire une chance de sortir de  cette impasse.

Puis  les dirigeants européens et Zelinsky, après s'être un temps opposés  à la proposition de cesser le feu,  se sont mis tout à coup à le réclamer "immédiat et total". Alors pourquoi reprocher à Trump de vouloir céder à la Russie des territoires puisque par définition le cessez le feu consacre la perte de ces territoires en figeant les lignes de combat actuelles. Les dirigeants européens  se sont aperçus probablement que c'était le moyen de sauver une armée ukrainienne à bout. La ligne officielle concertée, ukrainienne et européenne ,  est donc de réclamer désormais  d'abord un cessez le feu sur le champ  pour arrêter l'armée russe et ensuite de commencer des conversations de paix sans cette pression russe. Leurs reproches, faits à Trump,  ne tenaient pas donc  la route, sauf si on comprend que derrière tout cela il y avait leur espoir,  que les Etats Unis poursuivent, à leurs côtés,  la guerre contre la Russie.

Ils n'ont, d'évidence, pas renoncé à cet objectif. Leur calcul est, en même temps, de façon contradictoire mais on devine pourquoi,  que Poutine refuse les propositions américaines, continue la guerre,  déçoive ainsi le désir impatient  de Trump d'en finir, et qu'on se retrouve à la case départ, comme au "bon vieux temps" de Biden. Ils veulent  donner à Trump la preuve que ce n'est pas eux, mais  la Russie  qui veut  la guerre. Ils veulent, lui  "ouvrir  les yeux" , comme ils disent avec un reste de tendresse nostalgique.

Dès qu'il leur semble que Trump s'attaque à Poutine, leur cœur alors tressaille. Ils reprennent espoir. Ils ne désespèrent pas de faire revenir le père à la maison, à la raison,  après ses incartades. Ils veulent  se persuader qu'il ne s'agit que d'un égarement.

Dans ce jeu-là, le président Macron est le plus doué. Il ne rate pas une occasion de vouloir toucher Trump, le rencontrer, le convaincre. Un dernier exemple vient d'être donné à Rome, à l'occasion des funérailles du Pape.  Le président Macron  a dû suivre le président Trump à la trace puisqu'il était,  comme par enchantement,  là, lorsque celui-ci a croisé Zelinsky. Mais Trump n'a demandé que deux chaises dans cette grande salle de la basilique Saint Pierre, une pour lui et l'autre pour Zelinsky,  malgré une  posture ostensiblement d'attente du président français, qui  trahissait d'évidence son désir intense d'être invité à l'entretien.

Psychodrame historique

Un détail, peut-être, mais combien significatif de ce psychodrame historique qui rebondit sans cesse. Il exprime à merveille les contradictions actuelles de l'Europe occidentale par rapport à l'Amérique actuelle, dans une relation à la fois d'attraction, de soumission et de déception amoureuse, comme les orages d'un divorce annoncé.

On se demande parfois  ce qui l'emporte chez les européens dirigeants, le déni ou la propagande. Cet entretien de Rome  entre les présidents Trump et Zemlinsky le montre.  La propagande a voulu lui donner l'allure d'un évènement historique. L'entretien  a été monté en épingle. A son propos,  tous les superlatifs ont été utilisés: "photo extraordinaire, symbole, et même "intervention du Saint Esprit" !", et tout cela pour quinze minutes rapides de conversation, même pas en tête à tête. Il a été dit que Trump voulait ainsi réparer son erreur d'avoir humilié Zelenski, car elle lui avait fait perdre des millions de voix de citoyens américains, comme l'a prétendu avec aplomb  un chantre aussi connu que borné  de la propagande médiatique française. C'était oublié que c'est Zelinsky qui avait exprimé, bien auparavant,  son projet d'aller à Rome pour créer l'occasion d'y rencontrer Trump.   Sur la photo, il semblait frémir d'émotion de ne pas être cette fois ci  réprimandé par le grand protecteur. D'ailleurs, en témoignent  les remerciements appuyés que cette fois ci Zelenski  n'a pas oublié d'exprimer dans son message au président Trump. C'est dire l'emprise des Etats Unis dans la représentation mentale  des dirigeants européens et à fortiori de ceux de  l'Ukraine actuel, entièrement adorateurs des Etats Unis dès le départ. L'humiliation de Zelinsky dans le bureau ovale  a eu  effectivement une portée symbolique mais dans le sens où les dirigeants de l'Europe occidentale  l'ont ressenti, comme s'ils l'avaient subie eux-mêmes. Il n'y avait qu'à voir comment, après et  immédiatement,  ils s'étaient rencontrés à Londres pour consoler Zelinsky et le traiter en héros, d'avoir "affronté courageusement Trump". Où l'Histoire quotidienne se transforme en feuilleton. Pauvre Ukraine, manipulée ainsi par des élites dirigeantes occidentales  qui la poussent sans cesse à la confrontation, sans souci  pour le sang versé par son peuple.

Tous ces épisodes sont significatifs du désarroi actuel de l'Europe ainsi que  du climat dans lequel l'Histoire se fraye en ce moment  un chemin. On ne cesse d'être étonné  par cette tendance actuelle de l'Occident européen et de ses dirigeants, à ramener la politique à des relations entre personnalités, et à montrer ainsi les limites de leur culture historique, ignorant apparemment que l'Histoire évolue sous l'action de forces bien plus profondes. Dans ce cas de figure, s'il y a bien une réalité qui commence à apparaitre, c'est que  le président Trump s'est retiré de la guerre en Ukraine, comme il avait commencé à le faire  pour l'Afghanistan, car qu'il n'avait pas d'autre option et qu'il avait d'autres priorités.

                    Du conflit en Ukraine aux droits de douane

Autre contradiction, autre conflit entre les Etats Unis et l'Europe, c'est celui économique et commercial, qui s'est développé autour des droits de douane rédhibitoires décidés par la nouvelle administration américaine. Elle a révélé la prise de pouvoir à Washington d'un courant nationaliste, sur le plan économique comme sur le plan politique, en opposition au libéralisme économique et politique prédominant en Europe.  La combinaison de ces deux oppositions, sur le plan économique, et autour du conflit en Ukraine, a mis bien à mal la solidarité occidentale.

Toutes les contradictions qui viennent d'être décrites,  nous amènent à poser la question qui sous-tend toute cette réflexion: Y a-t-il un conflit de nature nouvelle à l'intérieur de l'Occident qui permettrait de comprendre cette atmosphère orageuse qui y règne, entre les alliés de toujours, les Etats Unis et l'Europe  occidentale. Y a-t-il un clivage, une différenciation, une fracture  qui s'est opérée et quelle est sa nature ? On lui donnera, dans le prochain article, le nom de "schisme". On verra pourquoi. 

Prochain texte: "Le schisme occidental-  2eme  partie: un évènement sans précédent."

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