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Billet de blog 2 mai 2024

Ce bestiaire, « une manière de survivre à l’inceste »

En un an, une participante des ateliers de la Maison de femmes de Saint-Denis a conçu et élaboré, à l’aide de dessins, de textes et de modelage, tout un univers lui permettant d’ « apprivoiser des monstres ». Ce travail sera exposé à la rentrée.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce lundi, Oriane, une des participantes à l’atelier “Prendre mots” de la Maison des femmes de Saint-Denis (93), nous a annoncé que c’était la dernière fois qu’elle venait : le chemin était bouclé, une autre route s’était dégagée. 

Un départ est toujours émouvant. Il y a un partage d'une telle intensité qu'il ne sera jamais oublié. On le sait toutes.

Mais nous n’avons pas été étonnées, nous nous étions dit quelques jours auparavant qu'il nous semblait qu'elle n'avait plus besoin de notre accompagnement. On la sentait un peu ailleurs, peut-être plus libre.

Un départ c'est toujours très émouvant mais c'est joyeux aussi. C'est l'élan qui reprend, c'est heureux et libérateur pour tout le monde.

En un an, utilisant à la fois le dessin, le modelage et l’écriture, Oriane (dont on peut suivre ici le compte Instagram) a donné forme à un travail très intime et particulièrement touchant. Un travail remarquable et remarqué puisqu’il donnera lieu à une première exposition à Saint-Denis (93) à la rentrée prochaine. Quand tout cela sera ficelé, on vous donnera le lieu et la date, bien évidemment.  

Illustration 1
Elément du « Bestiaire intime » © Louise Oligny / MDF

En attendant, voici le texte qu’elle a écrit pour présenter cette exposition, avec quelques photos de ses modelages. 

« Le Bestiaire intime comprend 9 dessins d’animaux, accompagnés d’un texte court.
Chaque animal incarne un état émotionnel intense, une petite brisure d’identité. Par exemple, le long cou de la Girafe permet de tenir la tête hors de l’orage, l’Hippopotame hurle la honte existentielle qui hante les victimes de violences sexuelles, l’Ourson donne vie à la fatigue dépressive, celle qui cloue au canapé.

Illustration 2
Elément du « Bestiaire intime » © Louise Oligny / MDF

Tous ces animaux sont nés du ventre sombre du traumatisme. En revanche, leur représentation se veut lumineuse, et directement accessible. Les textes, autant que les dessins, sont des supports pour apprivoiser des monstres blessés (qui trainaient sous le tapis de ma conscience) et leur trouver un sens, une utilité, des qualités.
Faire grandir ce jardin zoologique privé, c’est une manière de survivre à l’inceste, en acceptant les vagues d’émotions fossilisées qui m’enveloppent comme les couches d’un oignon.
Par la peinture, l’écriture et l’imagination, mes animaux du dedans s’expriment, on s’apprivoise et on se soutient. Ainsi, je peux me réconcilier avec des parties de moi qui étaient restées prisonnières du passé et de l’amnésie traumatique.

Illustration 3
Elément du « Bestiaire intime » © Louise Oligny / MDF

Ce travail pourra toucher évidemment les survivant.es, celleux qui cherchent sans cesse à se colmater de l’intérieur, mais également un public plus large. Le Bestiaire intime permet à chacun et chacune de s’interroger sur son propre monde intérieur. Car personne ne sort indemne de l’enfance : il y a toujours des morsures à panser, des fauves à apprivoiser, et une enfant intérieure à consoler. »

Les informations sur cette exposition seront données bientôt sur ce blog.

Illustration 4
Elément du « Bestiaire intime » © Louise Oligny / MDF

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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison de femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice et la journaliste Sophie Dufau. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.