Peut-être cet automne, si nous poursuivons ainsi la production de textes et si un lieu était intéressé par une restitution, quelques femmes participantes à l’atelier « Prendre mot » de la Maison des femmes de Saint-Denis (93) pourraient être invitées à se produire sur scène.
Le désir nous en est venu en les entendant lire leur texte, certaines le théâtralisant, d’autres appuyant sur certains mots, certaines les chuchotant simplement. Toutes expressions qui renforcent les intentions des mots couchés sur une feuille blanche et transmettent une réelle émotion.
Restitution bien-sûr suppose adhésion au projet, une certaine (petite ?) mise en scène, des répétitions, et peut-être davantage en fonction de l’engouement et des audaces.
Mais déjà, se mettre en scène, s’exposer, lire son texte ou lire celui d’une autre devant des proches ou des inconnus, comment chacune l’imagine ? Sommes nous à l’aise avec cette idée ou préférons nous l’intimité de l’atelier ? C’était le thème de la réflexion de notre atelier, le 29 avril dernier.
Comme pour tous les posts publiés dans ce blog depuis janvier, nous reproduisons ci-dessous les textes des femmes qui ont donné leur accord pour la diffusion.
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« Beaucoup de sentiments et d’émotions se bousculent. Malgré le stress que cela génère, je relève le challenge car j’aime me dépasser sans cesse. J’ai un côté aventurier qui dans la prise de décision peut prendre le dessus.
Le choix étant fait, ma parole engagée, je l’honorerai coûte que coûte et même si je n’étais plus à l’aise avec l’idée, aucun rétropédalage ne sera possible. Avoir le sentiment de rester fidèle à sa parole, ne pas lâcher l’autre dans un engagement, sont des valeurs qui me collent au corps.
Le jour J, le stress m’envahira bien évidemment avec mille et une interrogations comme : « Mais pourquoi tu t’es encore engagée dans ce projet ? Qu’est-ce qui t’a encore pris ? ».
Car oui, je suis montée de nombreuses fois sur scène et j’ai juré 100 fois qu’on ne m’y reprendrai plus, mais j’y retourne quand même.
Ce jour-là, pour la circonstance, je me serais habillée plus que de mesure, maquillée comme une seconde peau qui me protègera face aux autres, l’idée d’attirer l’attention, que le projecteur mettra la lumière sur moi, n’est ni anodin ni sans conséquence.
La peur du jugement sur mon apparence, sur ma diction, sur mes mots (M.O.T.S) et cette crainte perpétuelle d’être vulnérable, de me mettre à nue, que l’on puisse voir mes failles et s’en servir m’angoisse. Mais je vais rentrer dans mon personnage et cela me permettra de gérer mes émotions et mon envie d’abandonner sur la dernière marche avant la scène.
Et j’irai bien évidemment.
Je prendrai une grande respiration, je prendrai le temps de poser mon souffle pour lire mon texte, et si je me trompe, ça n’est pas grave, je me corrigerais et serai plus que satisfaite de l’avoir fait et d’avoir accompli ce challenge, cet exercice.
Je quitterai la scène, tremblante et aurai probablement la voix chevrotante. J’accepterai que ma sensibilité affleure et je l’accueillerai avec bienveillance.
J’ai déjà eu l’occasion de monter sur scène bien des fois, mais je suis une nouvelle version de moi-même aujourd’hui, une meilleure version, plus bienveillante et j’ai besoin du coup de me confronter à cet exercice à nouveau pour faire un point d’étape, une sorte d’évaluation à mi-parcours…
Bref, j’ai hâte et suis convaincue d’en tirer le meilleur outre la satisfaction de l’avoir fait ! »
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Agrandissement : Illustration 1

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« Me mettre sur une scène pourrait éventuellement m’apporter de l’assurance pour mieux dire ce que je pense et mettre en évidence mes désirs d’avancer dans la vie et de m’affirmer davantage. Le théâtre est une scène intéressante pour donner du plaisir au public qui souvent est inconnu et pour permettre à ce public de se projeter dans un personnage imaginaire.
L’imagination est un bien-fait personnel et la scène publique permet de rapprocher les gens sur des histoires ou des ressentis dans le cadre humanitaire.
Pour finaliser, une représentation sur scène devant du public serait l’idéal car cela oblige le public à se concentrer sur un personnage unique qui joue un rôle devant eux et faire de cette représentation une connexion mentale entre l’individu et le public. Ce qui représente pour moi un voyage partagé avec un public qui m’est étrange à la base. »
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« Un jour, j’ai rencontré une femme que je ne connaissais pas et au fur et à mesure, j’ai commencé à parler avec elle et un jour où j’ai eu envie de parler, de me confier à quelqu’un, je suis allée vers elle pour expliquer le problème que j’avais et maintenant, on est devenues plus qu’amies. »
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« Sur scène, je n’aurai pas de costume, pas de perruque, pas de maquillage (enfin, un peu quand même…). Je serai moi, ou plutôt, tout le monde me verra, moi.
Mais ça ne sera pas pour me voir que les gens seront là, ce sera pour m’entendre. Il va falloir que je parle, sans bégayer, sans m’asphyxier (ce que je suis naturellement capable de faire depuis que je suis toute petite).
Poser sa voix. Je sais : il faut parler len-te-ment, parler fort et RESPIRER.
Et savoir ce que l’on a à dire. Sans le savoir par chœur, ne pas réciter mais restituer. Et regarder le public pour qu’il ne puisse pas s’échapper, qu’il ne puisse pas m’échapper.
J’aurai bien sûr répété avant (je l’ai déjà fait 2-3 fois). Dire son texte en se regardant dans un miroir, et y’a tout qui se barre à ce moment là. Et c’est super, juste avant la scène, car rien ne peut être pire que de se regarder parler dans son miroir.
Alors on s’apprivoise, on se dompte, on respire et c’est bon, on peut y aller.
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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison de femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice et la journaliste Sophie Dufau. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.