Professeur Gaston (avatar)

Professeur Gaston

Consultant

Abonné·e de Mediapart

10 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 mars 2014

Professeur Gaston (avatar)

Professeur Gaston

Consultant

Abonné·e de Mediapart

Je suis drogué à la fraudine

Professeur Gaston (avatar)

Professeur Gaston

Consultant

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce matin, j’ai traversé la route en dehors des clous et je ne m’en sens pas coupable. Pire, j’ai même ressenti une légère excitation. Vous savez, ce petit sentiment d’impunité et de toute puissance… Dieu que c’est bon !

Et c’était juste un exemple parmi tant d’autres… en réalité, je suis devenu coutumier des infractions. La transgression est une activité quotidienne qui me maintient en bonne santé.

Attention, je ne parle pas de voler mon voisin ou de battre ma femme, non, bien sur, je suis quelqu’un de bien élevé !

Je pratique juste des petites filouteries « bon enfant » : payer sa femme de ménage au black, se faire offrir son blanchiment de dents ou ses lunettes de soleil par sa mutuelle, ou omettre quelques informations (peu importantes) dans les papiers envoyés à la Sécu. Faut pas croire, je suis un malin !

Mais je reviens de loin. Avant, j’étais honnête, et ma vie était une crucifixion permanente.

  • Je lisais chaque jour des articles de Médiapart qui parlent des abus de nos élites, je visionnais à la télé des reportages sur le gâchis de l’argent public, et j’entendais mes amis qui travaillent dans la sphère publique me décrire ce système adipeux de couches et surcouches d’administrations doublonnées, qui n’ont pour seule mission que de faire perdurer une complexité inutile
  • Alors quand je recevais mon impôt sur le revenu, ma taxe d’habitation et que je devais déclarer une aide à domicile et payer des charges, j’étais comme tétanisé ! Je n’arrivais pas à supporter cette contradiction suprême : comment consentir à injecter de l’argent dans un système qui en met une bonne partie à la poubelle, alors que beaucoup (dont moi) en ont tellement besoin ?

Donc j’en ai parlé à mon psy. Il a empoché mes 120€ en liquide, m’a écouté avec l’air de celui qui connait bien son sujet, et m’a dit que tout ça était parfaitement normal.

Il m’a expliqué que pour que mon cerveau gauche accepte de payer des impôts, il fallait que mon cerveau droit lui prouve que cela avait un sens. Et s’il n’y parvenait pas, j’étais alors frappé par la TCI, la Tétanie du Consentement à l’Impôt.

La démarche thérapeutique pour ce genre de trouble est très simple : des injections de fraudine, l’hormone de la fraude.

Au début, j’étais dubitatif, j’avais peur de prendre des risques, d’être hors-la-loi, et de finir en prison à bouffer des sandwichs à la saucisse. Mais il a su employer les bons arguments. Il m’a dit que le phénomène de tétanie du consentement à l’impôt était très largement connu et répandu, et que le remède à base de fraudine était parfaitement toléré par nos chers élites et élus.

Il existe même selon lui un « Contrat social frauduleux » qui unit les élus et les électeurs, portant sur la fraude.

Le voici (il n'est pas encore sur Wikileaks):

--- CONTRAT SOCIAL FRAUDULEUX ---

Moi élu, je promets :

  • de ne pas appliquer la loi avec sévérité sur les activités irrégulières de mes administrés (consommation de cannabis, pratique de l’euthanasie, visites de prostituées).
  • d’offrir à mes administrés les plus insistants et malins des logements sociaux, des emplois de complaisance dans mes collectivités, et plein de subventions pour leurs associations débiles.
  • De créer des usines à gaz parfaitement inefficaces et doublonées en lieu et place des organismes de contrôles, afin de laisser à mes administrés une relative liberté en ce qui concerne : le travail illégal, le blanchiment, la fraude fiscale, la fraude sociale, la fraude aux Assedics, le téléchargement illégal.
  • De leur laisser le choix de cocher librement la case « J’ai pas de télé » lors du paiement de la taxe d’habitation, pour permettre aux moins couillons d’économiser 133€ par an.

En échange, j’attends des électeurs 2 choses :

  • Qu’ils votent pour moi
  • Qu’ils tolèrent ma propre consommation de fraudine, qui se composera essentiellement des molécules suivantes : gavage de conflits d’intérêts en tous genres, abus de biens sociaux et évasion fiscale.

 --- FIN DU CONTRAT ---

Et là tout s’est éclairé.

  • J’ai compris pourquoi Bernard était une star nationale.
  • J’ai compris pourquoi Jacques avait eu une carrière si longue.
  • J’ai compris pourquoi Nicolas excitait tellement les gens malgré ses 12 casseroles aux fesses.
  • Ou pourquoi Jean-François gérait la maison bleue comme une mafia sans choquer personne.

Mais cette histoire de contrat social frauduleux est vraiment confidentielle. Si les "bonnes poires" s'en rendent compte, on est mal.

Les "bonnes poires", ce sont ceux qui payent leurs impôts rubis sur l'ongle, tout en étant persuadé que cela a un sens. On les reconnait aussi à leur manie de traverser les routes en ne passant QUE sur les passages piétons, ET en attendant que le petit bonhomme passe au vert.

Faut leur cacher la vérité aux bonnes poires, sinon on va tous finir comme des grecs.

C'est vraiment rigolo la Grèce. Par exemple dans le métro d’Athènes (payant), il n’y a ni portillons, ni tourniquets, ni contrôleurs, ni rien. On rentre et on sort librement. Je pense que ce genre de petits indices rendait le contrat social frauduleux un peu trop visible en Grèce... les "bonnes poires" se sont raréfiés.

Et quand les bonnes poires se raréfient, et que tout le monde fraude, ça pose problème, parce-que les caisses se vident complètement. Ca fait Pchiiitt.

Et alors la seule solution qui reste après, c'est de faire des réformes...

Des réformes, vous vous rendez compte? Ce serait quand même triste d'en arriver là!

Un drogué à la fraudine

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.