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Billet de blog 3 décembre 2018

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Les solutions sont là... alors on s'arrête, on réfléchit et c'est pas triste

Suite au week-end insurrectionnel que la France vient de vivre et quelques jours avant les marches pour le climat prévues ce samedi*, je propose ici quelques éléments d’analyses ainsi que des propositions concrètes autour de grandes thématiques chères à la Décroissance. Les solutions sont là, aussi bien d’un point de vue théorique que pratique, alors on s’arrête, on réfléchit et c’est pas triste !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a un an, nous décidions de réunir les signatures d'un large panel de 160 personnalités politiques, intellectuelles, militantes ou artistes autour de l'appel « Demain il sera trop tard ». En effet, alors que la prise de conscience autour de l'effondrement gagnait du terrain, nous nous désolions que les solutions, pourtant bien présentes, aussi bien en pratique qu'en théorie et brillamment portées, entre autres, par ces co-signataires, ne trouvaient que trop peu d'espace dans les débats médiatiques. Un an plus tard, on fait face à une situation totalement contradictoire :

D'un côté les choses bougent de plus en plus :

1) Notre appel a été suivi par beaucoup d'autres, la prise de conscience autour des enjeux du XXIème siècle continue à s'étendre, les phénomènes météorologiques extrêmes des ces derniers mois y contribuant.

2) De la démission très politique de Nicolas Hulot, à la conférence décroissante au Parlement Européen ou encore le succès de l'Alternatiba, on sent qu'il y a de fortes attentes sociétales pour changer de système, pour construire de nouveau mondes plus justes, loin du toujours plus.

D'un autre, elles reculent dramatiquement comme l'a encore redémontré le Président Macron lors de l’annonce de son plan énergie à travers des propositions qui ne sont que de la poudre aux yeux, une imposture intellectuelle et une insulte méprisante envers celles et ceux qui souffrent mais aussi les autres qui construisent déjà le changement. La sortie de l’impasse dans laquelle nous sommes sera systémique ou elle ne sera pas.

Mais comment faire ? Le mouvement des gilets jaunes nous interpelle sur le fait que l'effondrement n'est pas qu'environnemental, il est aussi social (explosion des inégalités). Mais il est aussi démocratique (discrédit grandissant envers les institutions, les médias, les corps intermédiaires, montée des « populismes ») et économique avec une crise majeure à venir, pire que celle de 2008, de plus de plus vraisemblable.

Aussi bien chez nuit debout que chez les gilets jaunes mais aussi à travers l'émergence régulière de plateformes ou mouvements, on observe une aspiration à vivre la politique de manière plus horizontale, participative, décentralisée. Toutefois, nous restons dominés, aussi dans notre imaginaire, par des institutions démocratiques verticales.

L'émergence de l'internet et des réseaux sociaux qui devaient démocratiser et faciliter les échanges d'informations et les débats s'avèrent des plus contre-productive. Du fait des algorithmes créés pour optimiser les profits de la publicité, se créent des bulles de vérités qui divisent plus que jamais nos sociétés. Le discrédit sur les médias nationaux et une pratique très inégale de la télévision ne permet pas d'avoir un fond commun pourtant nécessaire à des débats de société sereins.

De plus, la métropolisation du monde renforce ces divisions entre les territoires qui s'accompagnent d'une montée des inégalités économiques mais surtout culturelles et symboliques. Nous ne vivons pas les mêmes réalités. Et le déni autour de ces enjeux chez une certaine classe politique et technocratique est criante, mais elle est présente partout.

Il y a toutefois plein de bonnes raisons de ne pas désespérer. Une large partie de la société bouge et/ou souhaite bouger. Mais elle se sent démuni face à des problèmes qui lui paraissent insurmontables. Alors, que faire ?

Illustration 1

Autour de trois grandes thématiques, absentes des débats, assez abstraites mais chères à la Décroissance, car on a besoin de radicalité (prendre le problème à la racine), je souhaite proposer ici, des choses très simples et concrètes, car on a aussi besoin de pragmatisme et d’avancer :

1) L’urgence de ralentir pour vraiment dialoguer :

Plus que jamais, on a besoin de prendre le temps de l’analyse, de l’écoute, du débat. C’est vrai pour les médias, l’information, mais aussi pour nous tous dans notre quotidien, entre travail, transport et consommation. Ralentissons, soyons créatifs pour mettre en place des espaces de dialogue.
Je propose de décréter, que chaque vendredi après-midi, partout, dans les écoles et les usines, dans les bureaux et les bistrots, un temps de débat, de réflexion, de discussion autour de diverses thématiques. Notre société ne manque pas de problèmes ni de défis. Mais surtout elle regorge de ressources que ce soit des livres, des podcasts, des vidéos ou des intervenantes et intervenants, par exemple parmi nos premiers signataires. Alors, le vendredi après-midi, avant l’apéro, on s’arrête, on réfléchit et c’est pas triste !

2) Décoloniser notre imaginaire :

Nous sommes assommés par la publicité et le marketing, dont le but est de nous manipuler pour nous faire désirer des choses dont nous n’avons pas besoin. Par exemple, nous nous retrouvons face à cette absurdité de lire des journaux ou des sites Internet, d’écouter des émissions radio ou de regarder des programme TV où l’on nous explique qu’il faut sortir des énergies fossiles pour, juste après, mieux nous vendre des voitures.

Utilisons ces « temps de cerveau disponibles » pour faire de l’éducation populaire et, par exemple, mettre en avant le vivre autrement qui existe déjà à travers les bonnes pratiques de simplicité volontaire et les alternatives concrètes.

Le marché de la publicité représente environ 14 milliard d’euros en France et emploient des dizaines de milliers de personnes de talent. Mettons en place la logique que pour un euro de publicité investi, nous taxons 1 euro afin de financer et de revenir à l’essence de la publicité : « action de rendre publics » des choses qui ont du sens, émancipatrices et salvatrice face l’effondrement.

3) Sortie de la religion de l’économie :

Ces derniers jours, on pouvait lire un peu partout ce titre : « Le changement climatique menace l'économie* ». Cela est symptomatique de la religion de l’économie dans laquelle nous sommes tombés, la cause devenant la conséquence. En effet, c’est notre modèle économique, toxico-dépendant à la croissance qui menace des conditions de vie soutenables sur terre et non le contraire. Pour citer Mark Twain, lorsque l’on a un marteau dans la tête, on voit tous les problèmes sous forme de clous. Notre marteau, c’est l’économie.

Ainsi, l’enjeu ici est remettre l’économie à sa place, la ré-encastrer. Deux lignes de propositions concrètes :

- étudions la mise en place, partout, de monnaies locales ou complémentaires, fondantes, c’est-à-dire avec une valeur limités dans le temps, donc non spéculatives, et dédiée à des services et produits locaux et soutenables. Cette dynamique existe déjà, à petite échelle et les résultats sont remarquables. Ces monnaies locales peuvent être associées à une réflexion sur la mise en place de gratuités pour le bon-usage, à définir démocratiquement et le renchérissement du mésusage : pourquoi payer le même prix le litre d’eau pour boire ou se laver et le litre d’eau pour laver son SUV ou remplir sa piscine individuelle ?

- mise en place d’audit citoyen de la dette publique et refus de rembourser les parts non-éthiques et illégitimes (aujourd’hui le budget de remboursement représente plus de 40 milliards), couplée à une lutte européenne contre l’évasion fiscale qui représente au moins 60 milliards d’euros rien que pour la France. Et pourquoi pas réfléchir à la mise en place d’un revenu maximum acceptable, en particulier pour libérer les riches de leur mal-être puisqu’il est prouvé qu’au delà d’un niveau de salaire, l’argent ne rend plus heureux.
Nous ne manquons aucunement de moyen !

Ces sommes peuvent être ainsi utilisés pour, entre autres, financer nos vendredi après-midi de dialogue et d’échanges conviviaux afin de passer un cap vers une vraie transition à la hauteur des enjeux. Elle peuvent aussi servir à financer des projets locaux de transition et à nous libérer de nos « bullshit jobs ». 

Les solutions sont là, rendons les visibles pour mieux les mettre en place...

Vincent Liegey, essayiste, chercheur et co-auteur d’Un Projet de Décroissance (Utopia, 2013).

https://www.facebook.com/events/340482030052960/

** Suite à la publication d’un rapport mandaté par le congrès et co-rédigé par 300 scientifiques de 13 agences gouvernementales états-uniennes.

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