prosper wanner (avatar)

prosper wanner

Entrepreneur coopératif & universitaire.

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 septembre 2024

prosper wanner (avatar)

prosper wanner

Entrepreneur coopératif & universitaire.

Abonné·e de Mediapart

Tribune – L’urgence démocratique du patrimoine

Les 21 et 22 septembre prochains aura lieu la 41e édition des Journées Européennes du Patrimoine, avec une multitude d’actions venues du terrain et il est temps pour l’État de les prendre en considération en faisant évoluer le cadre juridique du matrimoine et du patrimoine grâce à la ratification de la Convention de Faro.

prosper wanner (avatar)

prosper wanner

Entrepreneur coopératif & universitaire.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Les 21 et 22 septembre prochains aura lieu la 41e édition des Journées Européennes du Patrimoine (JEP), avec une multitude d’actions venues du terrain et il est temps pour l’État de les prendre en considération en faisant évoluer le cadre juridique du matrimoine et du patrimoine grâce à la ratification de la Convention de Faro.

La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du matrimoine et patrimoine culturel pour la société, connue comme Convention de Faro, est la première convention internationale à considérer que la désignation et la protection du matri-patrimoine doivent s’ancrer dans la vie démocratique pour répondre aux nécessités du « respect des droits de l’homme et de l’État de droit ». Cette Convention appelle à assurer un traitement plus équitable de la diversité de nos héritages, venus d’ici et d’ailleurs, pour améliorer la qualité de notre vie ensemble sur chaque territoire.

A contrario de cette approche humaniste, le Rassemblement national a proposé lors des dernières élections de rebaptiser ces Journées Européennes du Patrimoine en « Journées Nationales du Patrimoine » tout à son ambition de glorifier le matri-patrimoine comme « creuset d’une grande Nation millénaire ». Le mot d’ordre est court mais en dit long : « Une Nation, un patrimoine ». Ce singulier du matri-patrimoine est alarmant ; il rejette la diversité des récits qui forgent notre humanité commune et n’accepte que le matri-patrimoine comme “expression, parfaite, de la civilisation française”. L’extrême droite italienne, elle aussi, s’est opposée de manière virulente au processus de ratification de la Convention de Faro, affirmant qu’il s’agissait d’une « capitulation culturelle ».

L’État français ne peut plus se contenter de faire semblant en affirmant qu’il est d’accord pour agir « dans l’esprit de Faro » tout en refusant de ratifier la convention, seul acte à même de lui donner sa portée politique et juridique.

La ratification permettrait de combler la faille démocratique béante qui caractérise la sélection du matri-patrimoine : la qualification officielle de « patrimoine », pour l’essentiel accrochée aux « monuments historiques », est opérée par quelques personnes cooptées par l’État sur la base de leurs connaissances spécialisées en histoire, en art, en architecture. Comme l’indiquent Marie Cornu et Noé Wagener : « Le droit du patrimoine procède d’un choix élitaire, fondé sur l’appréciation de la valeur de l’œuvre, sur la base d’une expertise savante. » Ce dispositif fermé à la démocratie ne prévoit aucun garde-fou qui l’empêcherait de devenir un outil efficace pour un État revendiquant un nationalisme hostile aux matri-patrimoines venus d’ailleurs. Il va bientôt servir au Rassemblement national.

Au contraire, la Convention de Faro invite à reconnaître le droit au matri-patrimoine culturel comme droit humain de participer à la vie culturelle. Elle invite à « faire patrimoine ensemble » en privilégiant, sur le terrain, la coopération de toutes les parties prenantes : savant·e·s, spécialistes du matri-patrimoine, bien sûr, mais aussi responsables public·que·s, entreprises privées, associations et toutes les personnes qui « attachent de la valeur à des éléments du passé qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures ». La convention de Faro privilégie une approche du matri-patrimoine intégré à la vie démocratique, dans toutes ses composantes, économiques, notamment touristiques, mais aussi, sociales, éducatives et environnementales…

Pour autant, elle n’est pas naïve : en accueillant toutes ces expressions mémorielles, elle sait bien que souvent des « valeurs contradictoires sont attribuées au même patrimoine par diverses communautés ». Elle demande donc que se mettent en place des processus démocratiques pour gérer ces dissonances et mieux équilibrer la « diversité des interprétations ». Ainsi, la Convention de Faro s’oppose au communautarisme comme au nationalisme puisque aucun matri-patrimoine ne peut être reconnu si les personnes qui y sont attachées ne travaillent pas, aussi, au respect du matri-patrimoine des autres.

L’État français s’est engagé dans la reconnaissance du droit au matri-patrimoine culturel en inscrivant en 2015 les droits culturels dans la Loi comme une responsabilité partagée. 24 États européens ont ratifié la Convention de Faro. La France y est prête avec des milliers d’initiatives qui profitent des JEP pour exercer leur droit au matri-patrimoine culturel, avec de plus en plus de maires qui adhèrent aux principes de la Convention, avec des universités qui l’intègrent à leur cursus, avec des réseaux nationaux d’acteur·ice·s du patrimoine qui la prennent comme cadre de référence et depuis peu avec un Réseau Faro francophone composé des parties prenantes qui se reconnaissent dans cette approche intégrée du matri-patrimoine (associations, collectivités, entreprises et bien sûr spécialistes de la connaissance des patrimoines).

Nous appelons les parlementaires qui se sont retrouvé·e·s dans le front républicain à mettre à l’ordre du jour de la prochaine assemblée parlementaire la ratification de la Convention de Faro et à s’appuyer sur la dynamique des territoires qui savent déjà reconnaître la diversité de nos ressources patrimoniales, apporter leur contribution au matri-patrimoine commun de l’Europe et favoriser la paix des mémoires et des traditions culturelles.

Voire la liste des signataires

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.