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Penser l’accueil à Marseille, ce n’est pas gérer les flux touristiques : c’est décider quel type de ville nous voulons être.
Chaque jour, Marseille accueille des milliers de personnes. Parmi elles, il y a les vacanciers et les congressistes. Mais il y a aussi les autres : celles et ceux qui arrivent pour un examen, un contrat court, un rendez-vous médical, un refuge provisoire, un stage, un chantier…Nous savons grâce aux données de téléphonie mobile que pour chaque touriste présent·e à Marseille, il y a une personne de passage pour un autre motif.
Force est de constater que toutes ne sont pas accueillies de la même manière. L’offre d’hébergement marseillaise révèle des déséquilibres structurels importants sources de préoccupations croissantes.
L’hôtellerie traditionnelle, fortement montée en gamme, pratique des tarifs croissants qui excluent de fait les classes sociales moins aisées et les personnes en déplacement non touristique, créant une forme de ségrégation sociale par les prix. Les locations de courte durée, en forte croissance portée par les plateformes numériques, accentuent dangereusement la pression sur le marché immobilier local tout en se concentrant de plus en plus, elles aussi, sur les clientèles à fort pouvoir d’achat, aggravant ainsi les inégalités d’accès au logement pour les résident⸱es permanent⸱es, notamment les plus vulnérables.
Cette situation augmente la dépendance de l’économie locale et des emplois touristiques à une clientèle touristique de plus en plus internationale et contribue à la précarisation des travailleur·euses du secteur touristique tout comme aux phénomènes croissants de désaccueil des autres personnes de passage à Marseille.
Et ce alors que les résidences sociales comme universitaires, les foyers de jeunes travailleurs, les maisons des parents comme des aidants, les haltes pèlerines, l'accueil non marchand chez l'habitant, les hôtels hospitaliers et autres lieux d'hospitalités collectifs ou chez l'habitant ont souvent de plus en plus de mal à répondre aux demandes d'hospitalités.
Les nombreuses hospitalités marseillaises ne se contentent pas simplement d’accueillir : elles forment, soignent, émancipent, transforment et consolident le lieu de vie et les personnes qui y vivent, travaillent et séjournent.
Grâce aux études de l'Ademe, nous savons aujourd'hui que l’hospitalité aux autres personnes de passage est moins carbonée et, contrairement aux idées reçues, aussi importante pour l’économie locale et l’emploi que celle touristique. En 2022, le secteur touristique a réduit ses émissions de 16% à l’échelle nationale tout en maintenant son impact économique au niveau de 2018. Cette performance remarquable s’explique par l’accueil de clientèles plus proches et des transports moins polluants.
Fort de ces connaissances et pratiques, nous refusons de choisir entre attractivité économique et justice sociale, entre dynamisme touristique et préservation de l’environnement et de notre cadre de vie. Ces objectifs sont liés et peuvent être conciliés par des politiques innovantes et courageuses.
Cette vision n’est ni idéaliste ni utopique. Elle assume lucidement que Marseille n’a pas toujours été accueillante pour toutes et tous et que l’accueil digne de tous nécessite des politiques publiques volontaristes et courageuses. Elle reconnaît que l’hospitalité reste à construire patiemment ensemble, en dépassant les discriminations persistantes.
Elle part du constat documenté que avons déjà tout ce qu’il faut pour faire de Marseille une ville hospitalière : dispositifs, tiers de confiance, hôtes, savoirs, savoir-faire et savoir-être.
La fragmentation actuelle regrettable des acteurs et actrices de l’hospitalité et le manque de coordination constituent l'un des obstacles majeurs à l’émergence d’une politique cohérente d’hospitalité. La fédération des acteurs publics, privés et associatifs autour d’une vision partagée nécessite simplement de créer des instances de gouvernance inclusive et participative, de prendre en compte la diversité des hôtes, accueillants et accueillis, ainsi qu’une mobilisation équitable d’une partie de la taxe de séjour.
Le collectif Marseille HospitalitéS demande la création d'une délégation municipale à l’hospitalité, la transformation du comité des acteurs du tourisme en Comité des acteurs de l’hospitalité et la mobilisation de la taxe de séjour à hauteur a minima de 20% comme le permet la Loi.
Marseille est aujourd’hui face à un choix clair : continuer à miser sur la course à la montée en gamme touristique – portée par l’aérien et la croisière – ou assumer une autre voie, plus juste, plus sobre et plus fidèle à son identité : celle de l’hospitalité oú chaque personne se sente désirée, attendue, bienvenue et dignement accueillie à Marseille, qu'elle vienne pour un motif touristique ou tout autre.
A jamais les premier•es?
Le collectif est né il y a deux ans au Musée d’Histoire de la Ville de Marseille. Il se compose d’habitant·es, d’associations locales, d’acteurs économiques, d'universitaires et d’acteurs civiques et souhaite que la question de l’hospitalité s’inscrive dans la politique publique locale et soit portée par la campagne municipale.
Il a présenté en décembre 2025 un carnet des hospitalités marseillaises, fruit de nombreuses visites croisées et d'enquêtes sur les hospitalités marseillaises qui ont mobilisé une centaine d'acteurs et d’actrices.
A ce jour quatre partis politiques ont répondu favorablement à l'invitation du collectif Marseille Hospitalités de discuter de ce choix politique pour les élections municipales.
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