Déflation, croissance, réduction des déficits publics : les mauvaises nouvelles tombent les unes après les autres. La solution miracle martelée par le gouvernement depuis des mois semblait être le pacte de responsabilité, dont le volet social a été censuré par le conseil constitutionnel. Malgré tout cela, le gouvernement s'entête et Manuel Valls déclare aujourd'hui au Journal du Dimanche qu'il est hors de question de changer de politique économique, qualifiant même les frondeurs de gauche d'irresponsables. Mais une question demeure : où est passé le candidat Hollande ?
Il semblerait que François Hollande n'est jamais trouvé la porte de sortie du Bourget, ce 22 janvier 2012. Le candidat socialiste venait alors de faire un discours enflammé, s'attachant à lutter contre la finance sans foi ni loi, et semblait prêt à prendre tête à Angela Merkel et consorts pour renégocier le traité de stabilité européen, en y rajoutant une dose de croissance et d'emploi.
François Hollande est entre temps devenu président, et la version 2014 de l'ancien candidat socialiste doit lutter contre une spirale déflationniste et relever une France qui s'enlise dans une croissance atone et un chômage de masse. Sa solution, François Hollande l'a sorti de son chapeau le 31 décembre 2103 : il s'agit du pacte de responsabilité. Une baisse du coût du travail en échange de plus d'emploi et d'investissement, les désormais fameuses contreparties. Mais avec la censure du volet social de ce pacte (allègement des cotisations salariales pour les salaires allant de 1 à 1.3 SMIC) par le conseil constitutionnel, la solution miracle est en train de devenir une véritable épine dans le pied du président, du premier ministre et de son gouvernement.
Alors oui, comme Michel Sapin l'a récemment fait dans une tribune publiée par le journal Le Monde, il est temps de prendre un peu de recul et de lucidité : la situation économique française est très alarmante, entre un risque de spirale déflationniste, une croissance en stagnation depuis plusieurs mois, et un chômage qui bat chaque mois de nouveaux records. Mais ce serait mentir que de dire que François Hollande n'a pas été averti. Tout d'abord, par les grandes institutions, FMI en tête, qui ont fait machine arrière sur le rythme de réduction des déficits à adopter. Mais également par son propre camp, certains frondeurs de gauche n'hésitant même pas à ne pas voter les projets de lois de finance rectificatives (budget et sécurité sociale) en juillet. A Jérôme Guedj, Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, qui réclamaient la suspension immédiate du pacte de responsabilité, Manuel Valls a répondu aujourd'hui en taxant ce comportement d'inconscience. Complice de son premier ministre, le président s'entête donc dans une stratégie de baisse des charges des entreprises et oui, il s'agit bien de François Hollande, le candidat socialiste, celui-là même qui avait prononcé le discours du Bourget.
Manuel Valls répète (encore une fois) aujourd'hui, que les 41 millions de baisse du coût du travail vont véritablement entrer en oeuvre maintenant. Il est permis d'en douter, lorsque le ministère du budget affirmait lui-même fin juin à demi mots le contraire. Un pacte de responsabilité ? Pourquoi pas ! Mais avec des vraies contreparties, chiffrées,et un observatoire efficient dans une stratégie gagnant-gagnant. Avec également un volet social capable de passer la censure du conseil constitutionnel pour un principe aussi simple que l'égalité. L'économie française a besoin de l'investissement des entreprises et de la consommation des ménages. Les entreprises doivent restaurer leurs marges, devenir plus compétitive : la classe politique est unanime là-dessus !
Mais une question bien plus alarmante perdure : existe-t-il, en France, une alternative crédible ? Laissons de coté l'affaire Bygmalion et l'éventuel retour de Nicolas Sarkozy pour s'intéresser au programme économique de l'UMP. Et, sur-ce, toujours dans la même interview, Manuel Valls n'a pas totalement tort lorsqu'il déclare que l'opposition en réclame toujours plus. Plus d'économies, plus d'austérité ? Il est tout à fait logique de se demander si cela est bien raisonnable. Quand aux programmes économiques des extrêmes, de droite comme de gauche, ils relèvent de la gageure.
Alors, il y a-t-il une sortie de crise envisageable ? Oui, bien sûr, cela passe par une coopération européenne renforcée dont tout le monde a besoin : la preuve, même la locomotive allemande semble s'être momentanément arrêtée au deuxième trimestre, une vraie politique économique contra-cyclique keynésienne et un rôle prépondérant des institutions, BCE en tête. Mais cela prendra du temps et se fera sur le long terme, presque un gros mot en politique.