Avant même d'être projeté dans les salles obscures "Zin li Fik" *( "Much Loved"),le film de Nabil Ayouch crée déjà une méga polémique au Maroc. En cause: un extrait particulièrement choquant que le réalisateur a pris soin de choisir pour présenter son film au Festival de Cannes .
Le passage en question qui dure quelques minutes met en scène trois actrices dans un taxi sur fonds de musique khaliji qui jouent à merveille leur rôles de prostituées en usant d'un langage on ne peut plus vulgaire pour décrire leurs mésaventures orgiaques.
Il fallait bien évidemment oser. Loubna Abidar, qui incarne ce rôle qui lui sied si bien de patronne qui n'a pas sa langue dans sa poche, a franchi le pas. Son langage est celui du milieu sans tabous, sans fards et sans détours de femme libérée qui n'a pas froid aux yeux, qui assume sa sexualité débridée et qui dit tout ce qui peut lui traverser l'esprit quitte à choquer ..
Loubna Abidar utilise le lexique des prostituées marocaines un peu pour combler les scènes de nu qui caractérisent les films érotiques ou classés X. De fait, à aucun moment dans le film, on n'aperçoit des scènes hard... On reste dans le registre du suggestif souvent plus choquant, plus vulgaire qu'un film porno.
Nabil Ayouch a eu le mérite de s'attaquer à un sujet tabou qui mine non seulement la société marocaine mais toutes les sociétés arabes qui se complaisent dans l'hypocrisie et qui refusent d'appeler les choses par leur nom.
Ayouch est le seul réalisateur arabe à avoir consacré avec autant de culot tout un film au plus vieux métier du monde. L'accueil du public arabe risque d'être explosif. À cela, la seule crainte est qu'on mette toutes les femmes marocaines dans le même panier.
Personne ne peut nier l'existence de ce phénomène dans le pays. On notera une forte concentration de péripatéticiennes dans certaines régions de Khemissat, Khenifra, d'Al Hajab où les passes s´ y négocient à 2 ou à 4 euros. Pas de quoi faire vraiment fortune ...
En parler ne serait-ce que dans un film commercial qui s'inspire largement de la réalité ( pour les besoins de son scénario, faut-il le préciser?, Nabil Ayouch s'est entretenu avec environ 300 prostituées) c'est déjà une façon d'affronter la réalité en vue peut-être de la changer, qui sait ?!
La pauvreté, la misère, le chômage, la délinquence, on ne s'en doute pas, expliquent en grande partie ce genre de déviance sociétale . Pour attaquer le mal, il vaut mieux s'attaquer aux racines du mal. Si la cause cesse, l'effet cessera. Nul besoin d'une baguette magique.
Gare néanmoins aux confusions et aux amalgames parfois intentionnels de certains ennemis du Maroc qui se sont déjà empressés de sauter sur l'occasion pour décrire le pays comme si c'était un vaste bordel à ciel ouvert...
Qu'on se le dise, qu'on se le répète, ces dames qui ont choisi la voie de la facilité en troquant ce qu'elles ont de plus cher contre parfois une poignée de dirhams n'ont pas grand chose à avoir avec les bonnes femmes marocaines racées, de nobles lignées, dignes, à l' éducation irréprochable et respectueuses de notre bonne morale ancestrale.
Les femmes marocaines sont généralement respectueuses et respectables, pudiques et pleines de fierté. Elles sont majoritairement très nombreuses à travailler dignement et durement, se plaçant au plus haut de la hierarchie sociale souvent bien mieux que la gente masculine, en occupant parfois des postes de grande importance.
Le film de Nabil Ayouch est là pour nous livrer une nouvelle lecture du phénomène de prostitution présent parmi une toute petite partie de la population. Il n'est pas là pour conforter les préjugés et les clichés bien trop réducteurs pour être vrais.
Nb: "Zin Li Fik" est un titre en darija marocaine qu'on peut traduire en français : "Avec la beauté que t'as .."