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Billet de blog 4 septembre 2025

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Y a-t-il une Tibétophobie chez la France Insoumise et surtout chez Mélenchon ?

Comment une gauche qui se dresse contre toutes les formes d’impérialisme et défend les peuples opprimés peut-elle faire preuve d’une telle discrétion, voire d’une telle complaisance vers Xi Jinping, Poutine etc ? La critique de Pékin semble parfois éviter, par crainte d’être assimilée à un « alignement atlantiste » ou à une critique du modèle « non-libéral-capitaliste ».

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La France Insoumise, ou plutôt sa députée de Paris Sophia Chikirou, intime de Jean-Luc Mélenchon, est de nouveau dans la polémique. Interrogée récemment par l’émission «Quotidien», Sophia Chikirou l’assure haut et fort : non, « "la Chine  n’est pas une dictature" » et juge au passage que la liberté d’expression n’est pas plus menacée à Pékin qu’à Paris.

Il y a deux mois, Mme. Chikirou avait pondu un rapport parlementaire (N° 1588) sur les relations UE-Chine, présenté comme une proposition pour une « troisième voie » européenne, qui a été largement critiqué pour son ton excessivement conciliant envers Pékin.

Des observateurs et analystes ont relevé l’absence quasi-totale de mentions substantielles concernant les droits humains en Chine, ou la minimisation des préoccupations relatives aux oppressions. Si quelques lignes évoquent la nécessité d’un dialogue, la substance du rapport est perçue comme un outil de légitimation de la politique chinoise, bien loin des dénonciations habituelles de la gauche concernant d’autres régimes autoritaires. Ce « pragmatisme » affiché est interprété par de nombreux défenseurs des droits humains comme un sacrifice des valeurs fondamentales au profit d’intérêts économiques ou stratégiques à court terme.

Illustration 1

Jean-Luc Mélenchon lui-même n’a jamais caché son point de vue sur le Tibet. Il a notamment qualifié le Tibet pré-1950 de « système féodal » et a souvent ironisé sur la sympathie occidentale pour le Dalaï Lama, la liant à la lecture de « Tintin au Tibet ». Cette rhétorique, qui présente l’invasion chinoise comme une libération d’un régime féodal, reprend de manière troublante les arguments officiels du Parti Communiste Chinois. Il est d’autant plus interpellant de voir un acteur politique, ardent défenseur des peuples kurdes, palestiniens ou kanak, adopter un discours qui légitime la narration d’un régime dont l’objectif est précisément l’effacement de la culture et de l’identité tibétaines.

LFI aurait peut-être dû se rendre compte que soutenir le Tibet, c’est soutenir un peuple qui a été envahi, opprimé et colonisé, exactement comme ils dénoncent d’autres formes d’impérialisme. Mais apparemment pour les insoumis « la Chine, ce n’est pas pareil ». Cette position crée une apparente contradiction.

Comment une gauche qui se dresse contre toutes les formes d’impérialisme et défend les peuples opprimés peut-elle faire preuve d’une telle discrétion, voire d’une telle complaisance, lorsqu’il s’agit du Tibet ? La critique de Pékin semble parfois éviter, par crainte d’être assimilée à un « alignement atlantiste » ou à une critique du modèle « non-libéral-capitaliste ». Il en résulte une forme de « deux poids, deux mesures », où la dénonciation de l’impérialisme se ferait à géométrie variable.

Bref, pour La France Insoumise, le Tibet est un peu comme le dernier momo laissée sur l’assiette que tout le monde veut bien la manger, mais personne n’ose. Si ça ne rentre pas dans le cadre de l’anti-américanisme ou du révisionnisme géopolitique, tant pis.

Alors, peut-on dire qu’il y a un sort de Tibétophobie chez les insoumis ? Dans l’univers parallèle insoumis où l’anti-impérialisme est sélectif et où Pékin a toujours raison.

(Voilà, c’était mon petit coup de gueule du jour. À vous de me dire si, comme moi, vous trouvez qu’un peu plus de cohérence et de nuance dans les luttes politiques de la gauche française ne ferait pas de mal. D’ici là, on va peut-être retourner boire un thé tibétain avec des khabsés…ça reste un petit geste plus révolutionnaire que d’ignorer ce qui se passe vraiment au Tibet.)

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