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Billet de blog 2 janvier 2019

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Chouard n'est pas un fasciste, mais...

Le gentil Chouard est en fait quelqu’un d’extrêmement dangereux parce que, en ces temps d’amalgames, de confusion des valeurs et des idées, où nombreux sont ceux en recherche de repères, il contribue à banaliser les thèses des fascistes et des antisémites.

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L’imprudente référence de François Ruffin à Etienne Chouard a remis en lumière ce personnage ambigu.

Etienne Chouard n’est pas un fasciste. C’est un naïf devenu un agitateur d’idées connu suite à son implication dans la campagne contre le TCE et les conférences qu’il donne depuis. C’est l’exemple parfait de ces individus sans véritable culture politique qui participent, dans cette période de crise comme dans les années Trente, à une effrayante confusion des idées. Mais un naïf, en politique, peut être dangereux.

Deux raisons de se méfier de lui.

a). Dans l'argumentaire qu'il déploie pour dénoncer l’état de notre système politique et faire valoir certaines de ses propositions, il n’hésite pas à reprendre à son compte les slogans des ligues fascistes des années Trente. Son "tous pourris" vise sans nuances tout le spectre politique. Et sa violente attaque contre le suffrage universel est digne des conservateurs les plus radicaux lorsqu’ils combattaient ce progrès. Il développe tout l'argumentaire des adversaires de la démocratie parlementaire. Il rejette toutes les propositions de réformes du mandat au motif qu'elles ne sortent pas du principe de la démocratie représentative dont il affirme que ce n'est pas la démocratie : ni la représentation proportionnelle, ni le suffrage universel obtenu après tant de combats douloureux, ni une conception du mandat interdisant tout cumul, limitant l’exercice d’un même mandat à deux ou trois mandatures, ni le référendum révocatoire, ne trouvent grâce à ses yeux. Avec des arguments poujadistes et des références historiques contestables, il défend une conception mythique et impraticable de la démocratie et s'en prend aux idéaux pour lesquels nos aînés se sont tant battus afin d'assurer la présence du peuple dans la représentation nationale.

Ce qui attire tant de gens, c’est qu’il se présente comme un simple citoyen indigné, à l’image de tous ceux qui, souvent à juste titre, ne se sentent plus représentés par nos représentants et il avance sur un ton de bon aloi des constatations et des propositions qui ont l’allure du bon sens, avec une posture pleine de gentillesse. C’est ainsi qu’il a abusé beaucoup de personnes qui ne se rendent pas compte que le discours de Chouard contribue à diriger les gens vers l’extrême droite.

b) ce qui est encore plus grave, c’est sa complaisance pour les thèses de Faurisson et de Soral. En invoquant le droit à l’expression, il estime qu’on a le droit de nier l’extermination des Juifs d’Europe par les Nazis. En cela, il partage la défense de Faurisson par Noam Chomsky, si apprécié dans certains cercles qui oublient que celui-ci fut à ce point aveuglé par son hostilité aux politiques des Etats-Unis qu’il a écrit tout un livre pour nier les crimes commis par les Khmers rouges au Cambodge au motif qu’il s’agissait de propagande. Les thèses de Chomsky ont été reprises par Jacques Vergès dans sa défense de Khieu Samphan, le chef de l’Etat cambodgien du temps de Pol Pot, qui vient d’être condamné pour crimes contre l’humanité et génocide.

Chouard trouve que certaines idées de Soral méritent d’être examinées. Il a recommandé le site de Soral sur son blog. Il refuse de voir qui porte ces idées. Malgré l’insistance conjuguée de Frédéric Lordon et de moi-même, il a accepté de s’exprimer dans « Minute » peu après la campagne contre le TCE. Nous avons rompu avec lui quand il a refusé de prendre ses distances avec l’extrême droite. C’est un chrétien naïf qui estime qu’il faut prendre les « bonnes » idées partout où elles s’expriment sans se soucier de qui les exprime et dans quelles perspectives elles sont exprimées.

Le gentil Chouard est en fait quelqu’un d’extrêmement dangereux parce que, en ces temps d’amalgames, de confusion des valeurs et des idées, où nombreux sont ceux en recherche de repères, il contribue à banaliser ce qu’il y a de plus dangereux dans une société qui veut rester libre et fidèle aux valeurs des Lumières et de Jaurès. Chouard n’est pas fasciste, mais il contribue à populariser les thèses des fascistes et des antisémites.

Réfléchissons et agissons.

L’Histoire ne repasse pas les plats, dit-on. Mais qui peut nier que la peste brune renaisse un peu partout en Europe, avec sa haine de tout ce qui est différent du petit blanc chrétien ? Et qui ne voit que les forces politiques qui devraient y faire le plus résolu des barrages sont, une fois encore, profondément divisées par de dérisoires querelles de préséance, d’appareil, d’ambitions personnelles ? Allons-nous, de scrutin en scrutin, être réduits au seul choix entre un Macron qui veut transformer la société française sur le modèle néolibéral américain et les disciples de Vichy, renforcés, faute d’une alternative démocratique, sociale et écologique crédible, par le nombre de plus en plus grandissant de ceux qui rejettent ce modèle ?

Raoul M. Jennar

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