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Billet de blog 13 décembre 2015

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Le "fief"

Le vocabulaire n’est jamais innocent. Et le choix des mots par les médias en fournit une illustration spectaculaire. Les mots utilisés appartiennent à un discours global qui conforte le système en place.

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Le vocabulaire n’est jamais innocent. Et le choix des mots par les médias en fournit une illustration spectaculaire. Les mots utilisés appartiennent à un discours global qui conforte le système en place. Je n’invente rien. D’autres ont analysé le phénomène mieux que moi.

En ce jour d’élections, c’est à profusion que les médias parlent du «fief de Valls à Evry », du «fief de Hollande à Tulle », du « fief de Juppé à Bordeaux», du « fief d’Estrosi à Nice », du «fief de Bertrand à St-Quentin », etc.

Ce recours à un vocabulaire féodal signifie parfaitement ce qu’est devenue notre République : un agglomérat de baronnies où des élus font carrière, quadrillent l’électorat et l’entretiennent au prix d’un clientélisme rendu possible par des liens de plus en plus étroits avec le secteur privé. Tant il est vrai que le processus régionaliste entamé sous Mitterrand a recréé les féodalités de l’Ancien régime. Et les pouvoirs considérables conférés aux maires, présidents de conseil départemental, présidents de région en ont fait autant de barons, de comtes, de ducs. Un phénomène que la réforme territoriale va encore accentuer et nous aurons ce soir, en France métropolitaine, 13 grands ducs, jaloux de leurs prérogatives et attachés aux égoïsmes locaux.

A qui, ce soir, appartiendra le comté d’Artois ? A Robert III ou à sa tante Mahaut ? Pardon, à Xavier Ier ou à Marine ? Un décalque du  XIVe siècle. On appelle ça la modernité.

Ce n’est plus la République de la solidarité qui a inventé la péréquation, c’est une république des égoïsmes parce qu’elle est devenue morcelée et affaiblie ; une république de la concurrence. On se frotte les mains à Bruxelles. Tout ce qui affaiblit la République est le bienvenu à la Commission européenne.

Même si ce soir, il y a quelques pourcents de plus de votants, cela ne change rien à l’essentiel à savoir qu’au moins 20 millions des votants refusent d’apporter leur appui au système. Précisément, parce le système n’offre plus d’alternative et que l’alternance se réduit à changer le discours et les personnes sans changer les orientations politiques fondamentales.  La professionnalisation du mandat, la présence pendant 10, 20, 30 ans de la même personne à la tête d’une commune, d’un département ou d’une région, cumulée le plus souvent avec un mandat national, tout cela détourne du sentiment qu’il est encore possible d’infléchir le cours des choses et conforte l’idée que voter ne sert plus à rien.

L’usage médiatique d’un vocabulaire bien précis banalise une pratique qui est au cœur du comportement massif des électeurs inscrits qui ne votent plus.

Afin que plus personne ne soit le propriétaire d’un fief, une nouvelle féodalité est à abattre, celle des partis politiques. Face à la crise de la démocratie française, ils ne font pas partie de la solution. Ils sont le problème.

 rmj

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