Le diocèse de Moscou a remercié le dirigeant du Parti Communiste de Russie Guennadi Ziouganov pour sa lettre ouverte au Patriarche Kirill intitulée « En finir avec l’antisoviétisme, pour désarmer les ennemis de la Russie ». Cette lettre de remerciement a été publiée sur le site du Parti le 31 mars 2015.
« Je suis certain qu’aujourd’hui, alors que se dressent devant le pays de nouveaux défis et de nouvelles menaces, par les efforts conjoints de l’Eglise Orthodoxe Russe, des autres religions traditionnelles de Russie, des pouvoirs politiques, des forces sociales et de tous les hommes de bonne volonté, nous pouvons construire un Etat Russe spirituellement fort, moralement sain et économiquement stable » écrit l’archiprêtre Chaplin.
Le 9 février Ziouganov avait publié une lettre ouverte dans laquelle il appelait l’Eglise à lutter avec les communistes contre « l’antisoviétisme ». « Nos partenaires occidentaux », selon le leader communiste, seraient en train de construire un front uni contre la Russie. « Les Etats-Unis et l’Europe s’opposent toujours plus clairement au droit de la Russie à former une Etat souverain » écrit Ziouganov.
« L’antisoviétisme est agressif, obstiné, plein d’imagination, et pour ces raisons très contagieux. Ses bacilles poussent le Pouvoir à draper honteusement le Mausolée de Lénine pendant les manifestations officielles sur la Place Rouge » est-il encore écrit dans la même lettre.
On voit que les popes et les communistes manient avec toujours aussi peu d’élégance la langue de bois des années cinquante.
Ziouganov est un étrange communiste qui ne se soucie jamais du régime de la propriété des moyens de production en Russie ni de l’impossibilité d’y développer des syndicats ouvriers libres, et ne veut retenir de l’expérience soviétique que le militarisme et la toute-puissance des services secrets.
Lorsqu’on avait débattu à Moscou de la possibilité de remettre place Liubianka la statue de Felix Dzerzhinsky, fondateur du NKVD (ensuite KGB, aujourd’hui FSB), le père Chaplin avait proposé, dans un souci d’apaisement, d’y placer plutôt celle de Vladimir Poutine. Le président avait modestement refusé.
Quant au Patriarche Kirill, fin théologien et encore plus fin politique, il a, il y a quelques années, justifié la transformation sous Staline d’un monastère orthodoxe en centre de recherche nucléaire, ainsi que la déportation de ses moines, de manifestation de la « Providence divine », qui , comme chacun sait, ne veut qu’une chose, la domination mondiale de la Russie , seule capable, serait-ce sous la forme du stalinisme, de conduire ce monde corrompu à la rédemption.
L’Eglise Orthodoxe Russe est en fait un paganisme obscurantiste national et le parti Communiste de Russie un élément de ce qu’on appelle « l’opposition systémique », un projet du Kremlin visant à siphonner les voix de l’opposition réelle pendant les élections. Une fois élus, ses députés jouissent des grasses prébendes du pouvoir et votent systématiquement toutes les lois qu’il leur présente, aussi socialement injustes fussent-elles.
« Spirituellement fort » veut dire « Orthodoxie, Autocratie, Patrie ». « Moralement sain » veut dire « patriarcal et hétérosexuel ». « Economiquement stable » veut dire redistribution de la manne pétrolière à la clientèle traditionnelle, militaires, policiers, services secrets et fonctionnaires corrompus. « Autres religions traditionnelles de Russie » veut dire islam à la Tchétchène, c’est-à-dire exécuteur des basses œuvres, comme l’assassinat de l’opposant Nemtsov l’a récemment montré…
Les croyances religieuses, politiques et patriotiques forment aujourd’hui en Russie un nœud de bêtise à la fois ridicule et terriblement inquiétant. La dégradation morale et intellectuelle de ses élites devient vraiment un problème.