Hier l’oligarque opposant à Poutine Mikhaïl Khodorkovski, réfugié en suisse depuis sa libération, proposait que les journaux russes aient aussi le courage de publier les caricatures du prophète pour manifester leur solidarité avec les journalistes de Charlie Hebdo et leur attachement à la liberté d’expression. Le seul à répondre fut le président Tchétchène Ramzan Kadyrov qui déclara Khodorkovski ennemi personnel, ennemi de tous les Russes et de tous les musulmans et lui promit que se trouvaient en Suisse suffisamment de bons croyants pour le faire répondre de ses paroles. Il lance aujourd’hui une nouvelle fatwa contre le rédacteur en chef de la dernière radio d’opposition moscovite, Echo Moskva, Alexeï Venediktov. Il faut dire que ce dernier avait eu le culot de s’interroger publiquement sur l’opportunité de publier de telles caricatures. Il semble que le Père Ubu du Caucase et l’ami personnel de Depardieu perde de plus en plus le sens de la mesure. Au mois de décembre dernier il avait réuni dans un stade de Groznyï 30000 militaires, policiers et agents des services secrets tchétchènes, tous en armes et en barbes, auxquels il avait fait promettre d’être comme lui les « fantassins de Poutine » et d’aller combattre l’OTAN en Ukraine s’il le fallait. En fait quelques centaines de Tchétchènes combattent déjà au Donbass au côté des séparatistes russophones. Toujours en décembre 2014, à la suite d’un attentat commis au centre de Groznyï qui s’était terminé par une fusillade de plusieurs heures au centre de la ville et dans laquelle avait péri une dizaine de policiers, des membres des familles des « terroristes » avaient été exécutés ou exilés sans jugement et leur maison rasée. Interrogé lors de sa dernière conférence de presse sur cette justice expéditive et sur ces exécutions extra-judiciaires perpétrées sur le territoire de la fédération de Russie, le président Poutine avait trouvé toute sorte d’excuses à son protégé. En fait, on ne sait plus qui protège qui. Il est certain que Poutine a rendu possible l’arrivée au pouvoir du jeune Ramzan après la mort de son père Akhmad Kadyrov. Ce dernier avait été assassiné par les indépendantistes qui ne se résignaient pas à la fin de la deuxième guerre de Tchétchénie. Lors de la première (1994-1996) Akhmad Kadyrov et son fils avaient combattu les fédéraux. Lors de la deuxième (1999-2000), ils avaient changé de camp, en échange du pouvoir. Cela permettait à Poutine de faire semblant d’avoir gagné la guerre, la tribu la plus puissante se ralliant à la Russie et se chargeant d’elle-même de mettre les autres tribus ou clans au pas. Mais cela commence à coûter très cher. Il a d’abord fallu reconstruire Grozny, qui ressemble aujourd’hui à un Dubaï cheap. Heureusement ce sont les entreprises de BTP des proches du président qui ont bénéficié des chantiers de reconstruction. Ensuite le budget de la République est abondé à 99% par le budget fédéral, ce qui est un record absolu, même le Daghestan coûte moins cher. En clair cela veut dire que la grande Russie paie la dîme à un tyranneau local pour que la guerre ne reprenne pas. La Tchétchénie ne produit strictement aucune richesse mais parasite celle que produisent des régions russes placées dans des conditions climatiques infiniment moins favorables. Cela coûte aussi de plus en plus cher en termes d’image. La Charriât est désormais appliquée sur le territoire d’une fédération théoriquement laïque. Les femmes, largement émancipées sous la période soviétique, ont remis le voile et sont rentrées à la maison. Les journalistes critiques comme Anna Politkovskaïa ou les militantes des droits de l’homme comme Natalia Estemirova ont été assassinées sur les ordres de vous savez qui. Les populations russophones, que Poutine est toujours si prompt à défendre quand elles habitent dans les pays baltes ou l’Ukraine, ont fui la région ou survivent dans les conditions les plus précaires. Enfin, alors que le monde entier est horrifié par l’attentat commis hier contre des journalistes et la liberté d’expression, c’est encore un protégé de Poutine qui trouve le moyen de se sentir plus proche des assassins que des victimes…
Billet de blog 9 janvier 2015
Kadyrov inspiré par les frères Kouachi
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