Je traduis ici un article d’Andreï Kouznetsov paru le 16 octobre 2015 sur le site rbc.ru
Un nombre record de citoyens russes a demandé cette année un titre de séjour permanent aux Etats-Unis. Plus de 265000 d’entre eux prétendent à 4000 green-cards. Et plus de 75000 ont obtenu cette année le droit de s’installer définitivement en Europe.
Le nombre de Russes désirant émigrer aux Etats-Unis atteint un record en 2015 selon l’agence Bloomberg qui s’appuie sur les chiffres du Département d’Etat. L’administration américaine a reçu cette année 265086 demandes de Russie pour l’obtention d’une green-card, qui donne le droit de séjourner en permanence aux Etats-Unis, alors même que le quota attribué à la Russie pour ce genre de document est cette année de 4000 seulement.
Bloomberg ajoute que selon les statistiques du Département d’Etat 245638 Russes ont reçu des visas de travail ou d’étude qui leur donnent le droit de séjourner provisoirement sur le territoire des Etats-Unis, deux fois plus qu’il y a dix ans. Par ailleurs l’année dernière un droit de séjour permanent a été accordé à 3622 citoyens russes au titre du rapprochement de famille, et 56 en échange d’un investissement direct supérieur à 500000$.
Toujours selon Bloomberg 75300 permis de séjour permanent ont été accordé l’année dernière à des Russes par la communauté européenne et la Suisse, soit 25% de plus qu’en 2010. Les citoyens russes choisissent le plus volontiers de vivre en Angleterre, en Allemagne et en Espagne. Enfin le nombre des citoyens russes demandant la citoyenneté israélienne a augmenté de 30% en 5 ans.
Marina Fuchsmann, juriste new-yorkais spécialiste des questions d’immigration qui s’est installée aux USA en provenance de ce qui était encore l’URSS, explique à Bloomberg que de plus en plus de Russes aisés voient dans les Etats-Unis un refuge où on peut « installer ses capitaux, son conjoint et ses enfants ». Selon elle les Russes moins riches veulent juste y gagner plus d’argent et se portent candidats aux programmes qui accordent des visas professionnels aux spécialistes.
« La politique du Kremlin place la classe éduquée devant un choix difficile : se mettre au garde-à-vous sous la bannière de la lutte contre l’Occident, ou bien partir », déclarait à Bloomberg en septembre le politologue moscovite Alexandre Morozov, qui venait de s’installer en Allemagne. L’agence de presse fait remarquer que dans les conditions d’isolement international croissant de la Russie, de déclin économique et d’augmentation du contrôle politique dans tous les domaines, la fuite des cerveaux s’est encore intensifiée. Beaucoup de chercheurs et de spécialistes dans le domaine des technologies de pointe, du droit et de la finance quittent le pays. Le Technoparc Skolkovo, qui devait devenir la Silicon Valley russe et un incubateur de start-up, est devenu selon son ancien directeur du développement Maxime Kiselev un « incubateur de candidats à l’émigration ».
Une enquête récente de l’agence « Levada-Tsentr » a montré que 18% des Russes sont prêts à quitter le pays, soit 4% de plus que l’année dernière. Ce qui n’empêche pas qu’un nombre record des interrogés expriment des sentiments négatifs à l’égard des Etats-Unis et des valeurs occidentales : 71% d’entre eux évaluent négativement le rôle des Etats-Unis dans le monde et 45% rejettent la manière de vivre occidentale contre 30% en 2008. Il y a six ans 46% des sondés partageaient les valeurs occidentales et 30 les rejetaient.
Je confirme que le désir d’émigrer n’est pas un gage d’adhésion aux valeurs occidentales. Beaucoup de ceux qui s’installent aux Etats-Unis regrettent que les noirs y jouissent du droit de vote. Et si la France n’est plus un Terre Promise pour les Russes, c’est parce que selon beaucoup d’entre eux on y trouve beaucoup trop de « nègres et d’arabes ». C’est encore moins une marque d’amour : je me souviens que quand je vivais au Maroc, la proportion entre les green-cards accordées par tirage au sort et les postulants était plus mince encore. Et les déçus grossissaient sans cesse les rangs des plus fanatiques ennemis de l’Amérique. Certains d’entre eux doivent combattre aujourd’hui pour Daesh.
Il est même probable que parmi les agités rouges-bruns qui multiplient les commentaires rageurs sur MDP beaucoup se sont vu refuser l’entrée des Portes du Paradis. Je compte sur eux pour nous expliquer pourquoi quand 275000 Russes demandent à ne plus être les sujets du président Poutine, un seul citoyen américain demande la nationalité russe, et même à s’installer en Crimée. Il s’agit d’un vieux boxeur sonné que Poutine lui-même reçoit au Kremlin pour annoncer à tous les russes ébahis qu’au moins un homme de cette planète, après l’ineffable Depardieu, a été capable de se libérer des préjugés et de comprendre où se trouve la liberté, la justice et le bonheur (NdT).
 
                 
             
            