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Billet de blog 25 octobre 2015

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Chômage des jeunes, retard technologique et délitement du lien social en Russie

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Je traduis ici un article d’Olga Volkova paru le 24 octobre sur le site rbc.ru

Iaroslav Kouzminov, le recteur de l’Ecole Supérieure d’Economie de Moscou, estime que la Russie pourrait être confrontée à un haut niveau de chômage des jeunes très prochainement. Dans l’avenir la Russie pourrait devenir un pays caractérisé par des technologies dépassées et un lien social fragilisé.

Dès 2017-2018 selon lui la Russie se heurtera au même problème de chômage réel parmi les jeunes que celui que connaît l’Espagne. L’expert s’exprimait vendredi 23 octobre à l’occasion du 25ème anniversaire de l’Institut d’économie politique Egor Gaïdar.

Selon les données d’Eurostat le taux de chômage parmi les jeunes espagnols de moins de 25 ans atteignait en août de cette année 49%, le pire chiffre parmi les pays de l’Union Européenne. Selon les données de Rosstat en août 2015 le niveau de chômage chez les jeunes russes de 15 à 24 ans atteignait 16,5%, pour un niveau de chômage global de 5,3%.

« Il est évident que la situation économique telle qu’elle se développe actuellement chez nous ne pourra pas permettre la croissance de l’emploi dans le secteur formel » affirme Kouzminov. Il fait remarquer que les entreprises se « délestent » de leurs employés, d’une manière d’ailleurs « très russe », en baissant brutalement les salaires sans procéder à des licenciements. Selon les mots de l’économiste, dans quelques entreprises les réductions de salaire atteignent déjà 15 à 20%. « Je pense qu’à partir d’un certain moment nous verrons qu’on n’embauche plus de nouveaux travailleurs. »

Alors même que ceux qui terminent aujourd’hui leurs études et arrivent sur le marché du travail constituent « la classe sociale la plus exigeante » selon l’expert. Ils vont donc nécessairement se heurter à un sérieux problème d’insuffisance des offres d’emploi.

Kouzminov ajoute que la structure de l’offre sur le marché du travail va profondément se modifier dans les 15 ans qui viennent. Selon lui 70% des moins de 30-35 ans posséderont un niveau d’éducation supérieur, et ce sont des gens qui ne sont pas prêts à accepter des travaux manuels ou une réglementation étroite de leur activité. « S’il n’y a pas d’offres d’emploi dans le secteur formel, que feront tous ces gens ? » se demande-t-il. Là-dessus viendront s’ajouter des changements essentiels dans la structure des secteurs de l’économie.

Dans les deux ou trois ans qui viennent la Russie va se développer grâce à des secteurs pour lesquels il n’y a plus d’investissements. Combien de temps peut-on soutenir une telle croissance ? C’est un très gros problème, souligne Kouzmine. Il est convaincu qu’il faut surmonter l’exclusion du pays à l’égard du marché global des capitaux et l’absence d’instruments en Russie permettant de capitaliser les revenus de la population. Sinon, faute d’une source stable d’investissements, dans 25 ou 30 ans la Russie ressemblera à l’un de ces pays que caractérisent trois particularités : une espérance de vie réduite, un retard technologique de 10 ans ou plus et un capital social de faible niveau.

Ce dernier est déjà extrêmement bas aujourd’hui, remarque l’expert. Cela touche tous les niveaux de confiance : à l’égard du pouvoir et des lois, entre les personnes privées, business-to-business. L’économiste pense que cette confiance ne pourrait être reconstruite qu’en accélérant le développement du secteur non marchand (les organisations non commerciales orientées vers le social). Il estime que la répartition des services sociaux opérée seulement par des institutions publiques conduit à la baisse de leur qualité. De fait, selon les mots de Iaroslav Kouzminov, la Russie se dirige vers un modèle de strict libéralisme social avec un bas degré de confiance interindividuelle, des garanties minimales de la part de l’Etat et un régime du type « chacun paie pour soi ». Que signifient ces garanties sociales minimales ? Le recteur de l’ESE énumère : « une école de mauvaise qualité, comme au début des années 2000, une école maternelle comme une garderie dans laquelle on amène son enfant avec son sandwich, un hôpital dans lequel on doit apporter ses médicaments… »

Dans le programme de développement économique jusqu’en 2020, dont Kouzminov est l’un des auteurs, on misait sur le capital humain et les infrastructures. L’économiste fait remarquer que le gouvernement continue officiellement de soutenir ce point de vue, cependant les priorités budgétaires sont tout autres : « Nous continuons à soutenir des secteurs de productions non viables et développons sans cesse le financement par l’Etat des activités les plus diverses, et pas seulement, loin de là, celles qui concernent sa défense. »

Pendant ce temps la sphère sociale rencontre des difficultés toujours plus grandes. Le recteur apporte l’exemple suivant : « nous imposons au système de santé des standards pour la réalisations desquels nos collègues européens, ceux dont le type de financement de la santé est semblable au nôtre, dépensent quatre fois plus. Et chez eux le revenu par habitant est deux fois supérieur au nôtre. Au regard de nos malheureux 4% ils dépensent 8 ou 9% de leur PNB pour la santé. Formellement pourtant les garanties médicales annoncées sont les mêmes. »

Selon lui cela crée les conditions pour qu’augmente la part des dépenses des ménages dans la sphère sociale, « en désespoir de cause ». « Ou alors il faudra soumettre la structure des dépenses de la population à un autre instrument. L’instrument principal, c’est bien sûr un nouveau système de retraite. Ou alors nous nous retrouverons sans source d’investissement, et sans moyen civilisé de développer la sphère sociale », résume Kouzminov.

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