Delenda est Ruthena putinesca

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Billet de blog 29 janvier 2022

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La Pologne est-elle orpheline de la Russie ?

Quelques mots sur les douleurs fantômes qui habitent la conscience collective des dirigeants russes et expliquent partiellement la très inquiétante crise diplomatique actuelle.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a quelques jours le site de l’ambassade de Russie au Royaume-Uni publiait sous une photo du pit-bull qui sert de ministre des Affaires étrangères à la Russie la déclaration suivante : “L’OTAN est devenue un projet purement géopolitique qui vise à reprendre le contrôle sur des territoires orphelins du Traité de Varsovie et de l'Union Soviétique." 

La réponse des malheureux orphelins ne s’est pas fait attendre par le compte twitter de l’ancien ministre des Affaires Etrangères polonais Radoslav Sikorski : “Mettez-vous bien ça dans le crâne, une bonne fois pour toutes, à l’Ambassade de Russie, et dans le seul langage que vous pouvez comprendre. Nous ne sommes pas orphelins de vous, parce que vous n’avez jamais été notre papa. Plutôt une sorte de violeur en série. Voilà pourquoi vous ne nous manquez pas du tout. Et si vous essayez d’y revenir, vous allez vous prendre un coup de pied dans les couilles.” 

La polémique ne vole pas haut dans sa forme mais elle témoigne d’un trait de mentalité répandu chez les dirigeants russe et qui explique une part de la grave crise diplomatique actuelle : le deuil de l’empire n’est pas fait. L’adhésion au régime soviétique n’a jamais reposé sur une adhésion aux idéaux socialistes, mais sur un patriotisme exacerbé qui consolait le citoyen soviétique de la médiocrité de son niveau de vie par la fierté d’appartenir à une grande puissance, sentiment entretenu par le sport, la conquête de l'espace et les parades militaires. Ce ne sont pas les nations de l'Europe orientale qui sont orphelines de l’Union Soviétique, mais la population russe. Le régime poutinien reprend les vieilles recettes de la propagande brejnévienne, à la différence près que la grande puissance n’existe plus et que le discours politique dominant devient de plus en plus surréaliste. 

Par exemple hier la télévision publique se gargarisait des terribles contre-sanctions que la Russie s’apprête à prendre contre des fonctionnaires de l'OTAN ou de la Communauté Européenne : ils ne pourront plus venir faire du tourisme en Russie et se livrer à des opérations financières en roubles. On imagine leur tristesse. 

Il y a quelques jours Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, la chambre des députés russe, mais aussi chef de la délégation russe au Conseil de l'Europe, déclarait que la Russie ne devait pas se contenter de réclamer un retour aux frontières de l’URSS mais à celle de l’Empire Russe d’avant 1917 et tout particulièrement réintégrer la Finlande. 

Et on voit là tout le génie politique de Poutine : il engage une terrible crise diplomatique pour faire reculer la menace de l’OTAN sur les frontières de la Russie et tout ce qu’il obtient c’est que deux pays traditionnellement attachés à leur neutralité comme la Suède et la Finlande se posent de plus en plus sérieusement la question de leur adhésion à l’Alliance. 

Quant au seul pays qui volens nolens s’est placé sous la protection russe, l’Arménie, on peut voir comment elle a bien été défendue contre l’agression de l’Azerbaïdjan et de la Turquie. Et on imagine combien la Finlande, les Pays Baltes ou son voisin géorgien envient son sort. 

Ou le sort des autres petits protectorats otages de la Russie, Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du sud, Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lugansk, livrées aux mafias et à la misère. 

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