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Billet de blog 10 octobre 2011

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Rencontre avec Leonardo Padura

De passage en Europe pour présenter son roman L'homme qui aimait les chiens (voir article de Mediapart ici), l'écrivain cubain Leonardo Padura nous a offert une belle rencontre au début du mois d'octobre à la librairie Millepages à Vincennes.

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De passage en Europe pour présenter son roman L'homme qui aimait les chiens (voir article de Mediapart ici), l'écrivain cubain Leonardo Padura nous a offert une belle rencontre au début du mois d'octobre à la librairie Millepages à Vincennes.

Auteur d'un roman qui raconte la vie d'un Trotsky exilé de l'URSS par le stalinisme cruel, Padura raconte parallèlement l'ascension de Ramón Mercader, un militant espagnol -l'homme qui aimait les chiens- et qui un jour de 1940, en arriva à tuer celui qui fut le père de la révolution russe.

On se demande parfois ce qui a conduit un écrivain caribéen, plus connu pour ses romans de détective privé (les aventure de l'inspecteur havanais Mario Conde), à pondre un pavé de 700 pages relatant la vie de Trotsky avec une précision d'horloger.

La réponse tient précisémment dans sa "cubanité". Qui d'autre qu'un Cubain aurait pu écrire en 2011 un roman sur les dérives du communisme ? Qui d'autre -à part les Cubains- vit dans un pays où les médias officiels (c'est à dire tous les médias), l'Etat et les panneaux de propagande urbaine ânnonent encore des paroles qui ne sont révolutionnaires que parce qu'elles le proclament ?

Leonardo Padura fait partie de ces écrivains qui vivent à Cuba, avec tout ce que cela implique. Son dernier roman, L'homme qui aimait les chiens a été tiré à environ 4000 exemplaires mais il était quasiment introuvable sur l'île. Et dans un de ces paradoxes d'ouvertures dont l'île a le secret, le roman L'homme qui aimait les chiens a finalement reçu le prix de la critique du gouvernement ! Signe des temps, un livre à charge contre les excès idéologiques du communise est officiellement récompensé.

Voici quelques fragments de la présentation que Leonardo Padura a faite au public de la librairie de Vincennes:

1. Du roman noir au "biolivre" historique:

"Je n'aime pas spécialement les romans historiques. Ce que j'ai voulu faire, c'est aller dans l'histoire pour expliquer le présent. Dans le processus de préparation et l'assassinat de Léon Trotsky, on voit toutes les caractéristiques de la perversion de l'utopie communiste. Cela a à voir avec la mentalité maladive, le délire, de certaines personnes, comme Staline dans le cas présent. Dire que Staline était un grand malade est banal aujourd'hui, je pense que nous sommes -presque- tous d'accord sur ce point.

Mais il faut se rappeler qu'en France notamment, il y avait un parti communiste important et qui suivait de près le PC russe."

2. Le socialisme et les hommes:

"L'une des personnes embarquées dans tout cela fut Ramón Mercader (ndr: l'assassin de Trotsky). C'était l'un de ces nombreux militants obéissants qui pensait que toutes les méthodes de lutte étaient bonnes. Mais je me pose une question: faut-il en passer par l'assassinat pour parvenir à la révolution ? La réponse du livre c'est que lorsqu'on en arrive à ce point-là, c'est qu'un autre niveau de perversion a été atteint.

C'est donc en essayant de comprendre Ramón Mercader que j'ai écrit ce livre. La grande et la petite histoire se rencontrent.

Fidel Castro a expliqué qu'on avait voulu créer le socialisme du XXe siècle sans avoir de modèle pré-établi. Le problème c'est que créer le socialisme, ce n'est pas comme créer une nouvelle race de vache pour avoir plus de lait. Tout notre destin s'en est trouvé impliqué."

3. La réception du prix de la critique littéraire (je vous en parlais ici récemment)

"Le livre a été publié à Cuba, mais pas massivement. Toutefois, cela indique combien les choses ont changé à Cuba. Il y a 20 ans, on n'aurait jamais imaginé un livre comme cela. Il y a cinq ans, on n'aurait jamais publié un livre comme cela. Et il y a six mois, un livre comme celui-là n'aurait pas pu gagner le prix de la critique.

Ce sont des symptômes du changement réel de la société cubaine. Des changements qui ne suivent pas une ligne droite. Il y a des avancées, des reculades, mais la société cubaine a bougé."

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