« Aujourd’hui il semblerait que le Mexique soit un pays qui a mal partout, malade de sa corruption, infecté par la violence, mais lorsqu’on ausculte le cœur, on entend un battement si énergique qu’il le fait vibrer tout entier : c’est celui de sa jeunesse ». L’écrivaine mexicaine Elena Poniatowska a célébré la jeunesse mexicaine lors de ses 80 ans, elle qui a chroniqué le mouvement étudiant de 1968 au Mexique.
Ce billet marque le début d’une série sur les élections mexicaines du 1er juillet.
La jeunesse mexicaine est en effet venue troubler à la mi-mai, une campagne présidentielle écrasée par le rouleau compresseur médiatique du candidat du vieux Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) qui a régné sans partage sur le pays jusqu’en 2000. Entre clientélisme et autoritarisme, le PRI poursuit ses bonnes vieilles méthodes consistant à corrompre individus et corps intermédiaires pour conquérir le vote.
Le candidat de ce parti, Enrique Peña Nieto, dont nous avions déjà ici dressé le portrait (lire "Peña Nieto, le "beau gosse" sera-t-il le prochaine président du Mexique?"), a toutefois actualisé les méthodes de contournement démocratique dont son parti est coutumier, en mettant l’accent sur l’achat d’espace publicitaires et en achetant les journalistes (nous reviendrons en détail sur ce sujet). Il est en tête des intentions de vote.
Mais la machine s’est grippée le 11 mai dernier lors d’une visite aux étudiants de l’université Iberoaméricaine. La conférence dans cet établissement privé situé dans le quartier cossu de Santa Fe dans l’ouest de Mexico a viré au cauchemar. Les étudiants l’ont d’abord questionné sur la brutale répression qu’il a ordonnée à Atenco en 2006 lorsqu’il était gouverneur. Puis, en quittant la salle, une manifestation l’a acculé dans les toilettes de l’université où il s’est réfugié, le visage terrifié, comme en témoignent les images. Il a ensuite accusé les étudiants d’être des partisans du candidat de gauche, une accusation relayée abondamment par les télévisions du pays. Et les journaux. Comme en témoignent ces unes de journaux locaux du puissant groupe de presse OEM, unanimes jusqu’à la caricature : « Succès de Peña Nieto, malgré un boycott planifié ».

Fureur sur les réseaux sociaux : 131 étudiants de la Ibero ont mis en ligne une vidéo dans laquelle ils affirment leur indépendance d’esprit, en montrant leur carte d'étudiant. Quelques jours plus tard, avec d'autres universités privées, ils ont mené une manifestation contre l’ordre médiatique. Las des journaux télévisés dans lesquels il est difficile de faire le tri entre l’information et les publireportages en faveur de tel ou tel candidat, les étudiants ont manifesté devant Televisa, premier groupe audiovisuel du pays, pour exiger un traitement honnête de l’information. Au Mexique, contrairement à la France, les candidats ont en effet le droit d’acheter des espaces publicitaires dans la rue, à la télévision et à la radio.
C’est la nouveauté de cette campagne : le réveil d’une jeunesse éduquée et parfois politisée des quartiers riches, qui échappe à l’emprise médiatique grâce à des réseaux sociaux venant fracturer le monopole informatif.
Autre nouveauté, dans plusieurs villes du pays, des jeunes, souvent réunis grâce aux réseaux sociaux ont mené une manifestation contre la personne d’Enrique Peña Nieto. Manifestations souvent horizontales et sans porte-parole. Dont la spontannéité tranche avec les meetings politiques où les partis offrent des paniers garnis aux participants.
« Je respecterai toutes les opinions qui existent au Mexique », a répondu le candidat du PRI, tout en affirmant qu’elles étaient convoquées « par la gauche ».
Un demi siècle après la brutale répression du mouvement étudiant mexicain de 1968, la jeunesse mexicaine touchée en plein cœur par le chômage et qui ne doit rien aux élites corrompues du pays va-t-elle se réveiller ? C’est l’une des clefs de cette élection où voteront 3,5 millions de primo-votants, sur un corps électoral de 79,6 millions d’électeurs.
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