Depuis, Emmanuel Macron a déclaré à l'Humanité que l'extrême droite n'était pas la bienvenue à la cérémonie d'entrée au Panthéon, qu'elle n'appartenait pas à l'arc républicain. Ce revirement est étonnant et j'aimerais y croire. Mais le président de la République est le président de cette République qui s'oublie en adoptant l'infame loi immigration de Gérald Darmanin, en fermant les yeux sur les violences racistes, y compris dans ses institutions, en ne tenant pas son rôle de protectrice des plus précaires. La panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian n'est qu'une première étape, j'en parlai en début du mois au Conseil de Paris.
Cette intervention a été faite le 6 février 2024 en Conseil de Paris.
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Monsieur le Maire,
Cher.e.s collègues,
Parfois certains mettent en doute l’importance d’avoir une politique de subvention associative ambitieuse, à même de préparer le futur de notre ville mais aussi de commémorer son histoire. Cette délibération nous prouve en quoi le soutien de notre collectivité est fondamental, que les choix que nous faisons en la matière engagent notre assemblée et même, osons l’assumer : une certaine vision de la France.
Car la DAC 246 propose de soutenir la mémoire de véritables héros et héroïnes, rien que ça.
D’abord l’association concernée, le Comité Parisien de la Libération, est l’héritière directe de la structure qui coordonnait et partageait les informations entre les différents réseaux de résistance parisiens, les organisations formelles et informelles, les partis et les syndicats. C’est depuis 1946 une association mémorielle, qui valorise et explicite la mémoire de la Résistance.
Dans quelques jours, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon. Je ne reviendrai pas dans le détail sur la biographie de Missak Manouchian car il est trop difficile de choisir des pans dans le parcours de ce réfugié, résistant, poète, amoureux, auteur, combattant… Missak Manouchian était de celles et de ceux qui démontrent ce qu’est une pulsion de vie. Et cette vie, il a résolument choisi de la partager, jusqu’au sacrifice ultime.
Il me paraissait donc important pour vous parler de Missak Manouchian de vous parler de son groupe. Et de citer leur nom.
l’Arménien Armenak Arpen Manoukian,
l’Espagnol Celestino Alfonso,
les Italiens Rino Della Negra, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarni, Antoine Salvadori et Amedeo Usseglio,
les Français Georges Cloarec, Roger Rouxel et Robert Witchitz,
les Hongrois Joseph Boczov, Thomas Elek et Emeric Glasz,
les Polonais Maurice Fingercwajg, Jonas Geduldig, Léon Goldberg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Marcel Rajman, Willy Schapiro et Wolf Wajsbrot,
et la Roumaine Olga Bancic.
22 camarades : 3 français seulement.
A l’époque, une seule femme. Mais déjà une idée de ce qu’est la fraternité universelle et même de ce que sera l’Europe face à l’obscurantisme et l’autoritarisme.. Ils étaient des étrangers stigmatisés dans une période sombre où l’Etat de droit avait été trop abîmé pour les protéger eux et tant d’autres, contre les forces de la haine. Nous devons nous souvenir et résister au danger qui vient.
C’est pourquoi, au nom des écologistes, je rejoins pleinement l’appel lancé dans Le Monde en novembre 2023, qui appelait à la panthéonisation de l’ensemble du groupe Manouchian. Je cite cette tribune : “Isoler un seul nom, c’est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser l’internationalisme qui les animait.”
Merci à Edwy Plenel, Delphine Horvilleur, Edgar Morin, Annette Wieviorka, Patrick Boucheron, Juanna Alfonso et tant d’autres pour cette initiative.
En rappelant la mémoire collective de cette résistance communiste, ouvrière, internationaliste et composée d’immigrées, nous nous souvenons aussi de la manière dont le fascisme les a poursuivis, torturés, exécutés… Et ensuite criminalisés. C’est la propagande nazie qui a rendu célèbre le groupe Manouchian, en essayant de salir leur mémoire et leurs combats. Cette opération a échoué, elle a au contraire créé un véritable soubresaut moral et politique.
Connaître cette histoire est d’autant plus important que cette mémoire antifasciste cristallise encore la haine et les violences. Encore aujourd’hui des organisations d’extrême droite détournent l’Affiche rouge pour cibler les militantes et militants du progrès, ou encore mettent en ligne des jeux vidéos invitant à chasser “les gauchistes et les antifas”.
Immigrés, gauchistes et antifas.
Certains les pourchassent, à Paris nous les célébrons !
Certains votent des lois qui nient leur dignité et précarisent leurs droits, nous sommes fièrement une ville refuge !
Leurs boucs émissaires sont nos modèles. Nous serons ravi.es d’accueillir l’exposition sur Missak Manouchian dans les espaces municipaux, en nous souvenant de ses mots :
« Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.”
Ce testament nous donne un devoir de mémoire, mais aussi de bonheur, de liberté et de paix. Soyons à la hauteur.