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Billet de blog 24 août 2015

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Avec ou sans nucléaire, le sort du régime iranien est scellé

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’accord nucléaire conclu avec le régime iranien qui, affichant aussi bien une certaine incohérence de la part des responsables Occidentaux à différents niveaux que leur compréhension incomplète de la nature véritable de la République islamique,  a déclenché également au niveau du pouvoir interne de la République iranienne un nouveau cycle de crise d'hégémonie.

 Bien que le régime iranien ne soit pas étranger des sanglantes suppressions et conflits internes au  sein de son appareil, cette fois, les principaux acteurs, touchés par l'échec stratégique et le manque d'équilibre créés par l’accord nucléaire, savent très bien que les perdants de ce bras de fer interne n’auront aucune chance de rester au pouvoir.

Cependant, toutes les factions au sein du pouvoir en Iran, en dépit des graves et croissants conflits internes, ont une préoccupation commune et principale : le débordement dans la rue de ces conflits au sein du régime.

Leur principale préoccupation est que le régime se scinde en deux, il y aurait alors un espace qui permettrait à la population d’exiger une réponse à leurs demandes économiques ou sociales ainsi qu'à la question des droits de l’Homme.

  L'opinion publique iranienne a qualifié  l'accord nucléaire du régime iranien avec les pays du groupe 5+1 de calice de poison qui souligne avant tout la faiblesse extrême du régime iranien. (Calice de poison est une métaphore utilisée par Khomeiny lui-même quand il a été forcé d'accepter le cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre irano-irakienne).

 La préoccupation du régime iranien n’est d’ailleurs pas illusoire. Dès le lendemain de l'accord, des milliers d’enseignants sont venus de loin se rassembler devant l’assemblée nationale à Téhéran pour protester contre les arrestations et les conditions de vie. Plus de 200 d’entre eux ont été arrêtés par les forces de sécurité qui ont été obligées de les libérer le soir même. Des enseignants ont ainsi montré qu’ils n’avaient pas peur d’être emprisonnés, d’une part, la position du régime n’est plus la même que celle de 1988 et qu'il ne pourra plus recourir au massacre en masse des prisonniers et des protestataires.

Des manifestations et la grève massive des infirmières ces derniers jours est un autre signe de changement dans l'espace de la société iranienne. Il y a toujours eu des grèves de travailleurs protestant contre leur salaire non payé mais la grève dans les secteurs de la santé et l’éducation est un fait sans précèdent.

   Les droits humains éclipsés par les relations commerciales

 Le régime iranien, qui ne se maintient que par une répression constante et quotidienne, craint que la question des droits de l’homme soit soulevée par la communauté internationale après l’accord nucléaire. A plusieurs reprises et par la voix du Guide suprême, Ali Khamenei, a ouvertement exprimé sa profonde préoccupation de voir les occidentaux soulever ces questions. Mais les déplacements en hâte en Iran de nombreuses délégations économiques, qui n’ont pas de raison de cacher leurs appétits insatiables, a très bien montré que ses préoccupations semblent injustifiées.

 Le voyage du vice-chancelier d’Allemagne, de la haute représentante de l'Union européenne pour la sécurité, du ministre des Affaires étrangères de la France, et de celui de la Grande Bretagne, entre autres, vers Téhéran et l’invitation faite à Rohani de venir à Paris a rappelé au peuple iranien une fois encore qu’il ne faut pas compter sur les gouvernements pragmatistes et complaisants pour défendre les violations des droits humains en Iran.

Certains responsables politiques qui éludent toute question sans lien direct avec l’investissement dans les secteurs du pétrole, du gaz, de la pétrochimie etc. …envoient ainsi ouvertement des signes au régime iranien de ne pas se soucier des droits humains. Nul n’ignore pourtant que ce régime a été condamné plus de 60 fois par les différentes instances des Nations Unies pour les violations flagrantes des droits humains. De plus les ministres européens, tout occupés qu'ils étaient par leurs relations commerciales avec le régime iranien au cours des dernières semaines, ont ignoré le communiqué d'Amnesty International qui fait part d’une  forte hausse des exécutions en Iran. Près de 700 condamnés ont été mis à mort depuis le début de l’année, dont près d'une centaine depuis la signature de l'accord.

 La réponse du ministre des Affaires étrangères américain à certaines critiques des Sénateurs concernant l’accord nucléaire déclarant que cet accord n’a pas le devoir de changer l’attitude de la République islamique a bien montré que l’espoir d'un changement d’attitude du régime iranien est totalement sans fondement. Par conséquent la virulence et l’intensité du conflit entre le régime et le peuple n'iront pas en diminuant.

En ce qui concerne la principale opposition au régime iranien l’espoir d'un changement démocratique est toujours aussi vif. Le régime iranien devient très affaibli et vulnérable après avoir bu le calice de poison.  La devise de la résistance iranienne reprise sur les affiches clandestines dans les villes d’Iran est claire : "Avec ou sans l'accord sur le nucléaire, Khamenei doit être renversé". Quoi qu’il arrive, avec ou sans nucléaire, le sort du régime iranien semble scellé. C’est peut être le facteur le plus décisif à tenir compte dans les relations futures avec ce régime.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.