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Billet de blog 26 octobre 2020

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Les Mollahs forment des patrouilles de choc dans les quartiers

À l'approche de l'anniversaire du soulèvement sanglant de novembre 2019, les opposants au régime des mollahs ont appelé à des manifestations dans les semaines à venir. De leur côté, les gardiens de la révolution (IRGC) ont annoncé leur intention de lancer « des patrouilles » prêtes à donner l’assaut en cas de besoin dans les quartiers.

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La tâche principale de ces patrouilles est de surveiller et d'être constamment présentes dans les quartiers pour contrer les noyaux de résistance qui forment les soulèvements dans les villes.

En mettant en œuvre ce plan, les IRGC espèrent réprimer les soulèvements populaires dès les premières phases avec l'aide des Basidj (forces paramilitaires) pour empêcher qu’elles ne se propagent dans différents quartiers et ne se transforment en soulèvement général dans les villes.

Ces patrouilles sont constituées de groupes de personnes hautement armées qui 24h/24 se déplacent en moto et en voiture ou à pied dans certaines zones. Ils ne suivent pas les règles habituelles de la police et sont sommés de faire face à toute protestation ou désobéissance sévère et violente. Par cette manœuvre, le pouvoir cherche à terroriser la société.

Au cours des trois dernières années, la République islamique a été confrontée à de très graves troubles nationaux, sans précédent depuis 1981.

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D'une part, le régime est de plus en plus impuissant avec l'intensification des crises structurelles et la détérioration de la situation économique et d'autre part, il assiste à une augmentation du niveau de mécontentement populaire.

Une situation qui conduit naturellement à des soulèvements et des protestations. Le projet de mise en place de « patrouilles de choc dans les quartiers » a été présenté dès 2017 pour contrer ces soulèvements. Dernièrement, il est entré plus sérieusement dans sa phase opérationnelle.

Mohammad Yazdi, le commandant des troupes « Mohammad Rassoulollah » à Téhéran, responsable de la protection de la capitale, a déclaré : « Les patrouilles de choc des IRGC dans les quartiers commencent à travailler en s’appuyant sur les Bassidj (les forces paramilitaires) dans chaque quartier dans le cadre du « maintien de la sécurité ».

Le système de sécurité du régime est axé sur les quartiers car, contrairement aux manifestations précédentes, qui étaient généralement confinées à la capitale et aux grandes villes sur des places ou des grandes rues, les manifestations de ces trois dernières années s’étaient formées dans les quartiers des différentes villes du pays, y compris la capitale.

Lacune dans le système de la répression

En novembre 2019, des manifestations ont eu lieu dans 200 villes et selon le gouvernement, dans 28 des 31 provinces du pays. Le réseau de répression de la République islamique (par ordre d'entrée sur la scène du conflit) comprenait les forces suivantes : police, police anti-émeute, les forces Basidj et enfin les gardiens de la révolution.

Mais dès le premier jour, le régime a été confronté à une grave pénurie de forces de répression pour contenir les manifestants. Dans le même temps, en raison de l'immensité des zones d’affrontement avec la population, la possibilité de déplacer les forces des IRGC et les unités spéciales entre les villes (et même à l'intérieur des villes) était devenue très difficile. De graves problèmes logistiques sont survenus.

Ces événements ont montré une importante lacune sécuritaire dans le système de répression. Pour la première fois dans certaines parties du pays, en particulier dans les provinces du sud, l'armée officielle a été appelée en renfort pour aider les IRGC.

Le régime a tué environ 1 500 personnes lors des manifestations qui ont commencé le 15 novembre de l'année dernière et ont duré environ deux semaines, selon Reuters.

Ces manifestations ont tellement effrayé les fascistes religieux au pouvoir en Iran que Mohammad Reza Bahonar, ancien vice-président du parlement iranien, a déclaré dans une interview à l'agence de presse ILNA le 26 octobre 2020 que si les responsables du régime n’avaient pas réussi à "réprimer" les événements de novembre 2019, le pays « allait vers une révolution" et serait devenu hors de contrôle ».

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photo: Agence de presse Tasnim

Le chef de l'Organisation de la « défense passive » a également déclaré : « La nature des menaces dans le pays a changé. Les menaces auxquelles nous sommes désormais confrontés sont des menaces produites par les masses elles-mêmes. Nous avons besoin d'un modèle complet avec une approche militaire et civile pour gouverner le peuple ».

Selon l'agence de presse Tasnim, le général Gholamreza Jalali, qui s'est exprimé lors d'une réunion spéciale sur la défense passive lundi 26 octobre, a souligné : « Les actions sociales des gens dans le calcul de l’ennemi sont devenues une nouvelle composante de l’arène politique. » 

La pandémie de Covid 19, alliée des mollahs

Bien évidemment, avec la pandémie de Covid19 qui frappe très durement l’Iran depuis février 2020, les vagues de soulèvements populaires très intenses de novembre 2019 et janvier 2020, se sont inévitablement taries. Le régime a saisi cette opportunité et a laissé le peuple sans défense face à cette maladie. Il a en effet adopté une stratégie visant à faire plus de victimes possibles parmi le peuple. Les opposants à la République islamique affirment que les mollahs ont utilisé la pandémie comme une arme de destruction massive contre le peuple.

 Jusqu'à présent, selon les annonces officielles gouvernementales, environ 32 000 personnes sont mortes du Covid19. Mais selon certains responsables de la santé en Iran, ce nombre serait quatre fois supérieur soit plus de 120 000 victimes, ce qui est l'un des taux les plus élevés au monde.

Cependant, il semble bien que cette opportunité de « souffler » touche à sa fin pour les mollahs. Il était illusoire d’espérer que le bilan de dizaines de milliers de morts qui résulterait de la pandémie pourrait perturber le dynamisme protestataire de la société iranienne.

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