
Comme beaucoup de mes ami.e.s sur Facebook, j’ai senti toutes ces années Paul Vecchiali à mes côtés. De loin en loin, un commentaire, un échange. Une pointe piquante ou un remerciement. J’ai appris hier sa disparition, comme sans prévenir. Profonde tristesse alors qu’on ne se connaissait qu'à peine. Et que je pense n’avoir vu qu’un seul de ses films : ROSA LA ROSE, FILLE PUBLIQUE. « Cinéaste frondeur », écrit Le Monde. « Icône confidentielle », écrit Libération. « Touche-à-tout spécialiste des mélodrames », écrit Le Parisien. « Cinéaste de l'extrême », écrit Télérama. « La passion et l'irrévérence de ne suivre aucune formule », écrit Il Manifesto...
Cinéaste de la diagonale du fou et du lubrique, des actrices et de l’ironie. Cinéaste réflexif et malicieux, qui se foutait du haut des marches comme de sa première cuite. Cinéaste qui aurait ri de voir cette scène où les tétanisés du système, en robe et costumes cintrés, font des drapeaux rouges du tapis rouge de Cannes. LES RUSES DU DIABLE, ENCORE ou BONJOUR LA LANGUE — hommage à ADIEU AU LANGAGE de Godard — passeront-ils bientôt dans une salle, sur une chaîne de télévision ?
Jusqu’à très récemment, nous avons échangé sur messenger. Des petits mots et des pouces bleus. Je lui avais proposé de voir mon premier film UN MOMENT SANS RETOUR, quatre années de travail sans aucune aide ni intérêt institutionnels. Un film que la profession et les bourgeois regardent encore de loin, comme ils ont vu les gilets jaunes. Un film qui met les pieds dans le plat de la lutte des classes. Le 6 novembre dernier j'annonçais à Paul Vecchiali la sortie nationale. « Bon courage ! » m'écrit-il. Moi : « Les murs de la forteresse sont hauts et épais mais peut être trouverons nous la brèche. Grâce aussi à vous… » Il me répond : « Je vous le souhaite. J'ai fait ce que j'ai pu pour ouvrir des brèches... Aujourd'hui, je résiste. » Moi : « Oui, on se demande d’où pourra venir un peu de lumière avant que le mur nous écrase tous. » Lui : « Il faut que ce [soit] de vous que vienne la lumière ».
Les petits mots de Paul Vecchiali étaient pour moi comme une tape amicale sur l’épaule, une sorte de : « Vas-y mon gars, fais confiance à ton désir. » Et puis la fatigue, je crois, les médicaments m’a-t-il écrit, l’ont empêché de voir mon film. Son dernier message sur messenger, le 31 décembre 2022 à 20h58, répondait à une petite vidéo en forme de vœux sous titrée « 2023 sera ce qu’on en fera. » Lui : « Oui, mais quoi ? » Moi : « Des films ? Des projections de films ? Des coups à boire ensemble ? Des coups de pied au cul pour ceux qui les mérites [sic] ? » Lui : « Vaste choix » Le 1er janvier 2023 à 1h33, je lui ai mis un pouce bleu, confiant que l’année nouvelle bousculerait enfin les forces de l’ordre des choses.
Et maintenant, c’est con, alors que mon train conduit par un jaune file vers le Finistère dans un paysage de neige, que des gilets jaunes qui m'accueillent samedi en ciné-débat m’attendent à l’arrivée à Quimper et que nous irons manifester contre la retraite des morts et pour la retraite des vivants, je pleure, les larmes me viennent en pensant à l’ami Paul Vecchiali.
#unmomentsansretour
