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Manifestation du Jeudi 26 Mai 2016 contre la Loi Travail. Paris, Porte de Vincennes.
La démocratie est en état d'urgence. Un gendarme jette une grenade à l'aveugle sur des manifestants et court se mettre à l'abri... Le blessé, un journaliste indépendant grièvement touché à la tête, est actuellement en soins intensifs à l'hôpital de la Salpêtrière. Selon "Le Parisien", il souffre d’un enfoncement de la boîte crânienne. Son pronostic vital est engagé.
La démocratie est en état d'urgence. Ce gendarme - et ses collègues qui l'accompagnent et le protègent - est-il conscient ou inconscient au moment de lancer cette grenade ? Pense-t-il, ne serait-ce qu’une petite seconde, affolé peut-être par l’enchaînement d’événements sur lesquels il n’a pas de contrôle, que son geste risque de tuer ? Jouit-il des émotions que procurent, paraît-il aux soldats enrôlés, les théâtres de la guerre qui finissent par vous briser ? Ressent-il ces montées d’adrénaline que les publicités et clips du ministère de la défense mettent en scène pour vendre le métier ? A-t-il en tête les coups de menton et les propos martiaux à l’Assemblée Nationale des ministres qui défendent la Loi Travail ?
La démocratie est en état d'urgence. Au-delà du cadre de la fin d’une manifestation - et des échauffourées spontanées ou organisées qui requièrent des opérations de maintien de l’ordre – cet homme en habit de gendarme est-il vraiment en guerre pour défendre la Loi Travail ? Quel territoire de la République défend-il au moment d’user d’une arme potentiellement mortelle ? Les manifestants, les journalistes, les passants, sont-ils ses ennemis ? Obéit-il à des ordres auxquels il ne peut se soustraire et qui iraient à l'encontre de sa conscience ? Ou bien, au contraire, son embrigadement idéologique, ses opinions politiques, le pousse-t-il à "bouffer" du manifestant, du journaliste, du passant ? Le courage fait-il partie des valeurs que lui ont transmises ses aînés ?
La démocratie est en état d'urgence. Plus tard, le soir, une fois chez lui, débarassé de son armure et des effluves de gaz lacrymgène, fatigué comme après une séance de sport, que pense-t-il en apprenant que sa victime se trouve entre la vie et la mort ? Que ressent-il en voyant ces images d’un jeune homme de son âge, qui ne l’avait ni insulté, ni menacé, ni violenté ? Le main d’un jeune homme a blessé gravement à la tête celle d’un autre jeune homme sur le sol français : Du sang coule entre les pavés. Des personnes accourent pour secourir le blessé, des photographes et des caméras documentent la scène. Quand il voit ces images, le lanceur de grenade n’est plus gendarme. Il est un homme, qui souffre peut-être, l’une des voix du peuple souverain, instrumentalisée par ceux qui dégoupillent la violence en ayant le mot de « démocratie » à la bouche.
La démocratie est en état d'urgence. Mais lui a-t-on enseigné ce qu’est la démocratie sociale ? Sait-il que pas une conquête sociale de ce pays ne s’est faite sans un jour de grève, sans le blocage des trains, des université etdes usines ? Que la sécurité sociale et la possiblité de vieillir à l’abri de la retraite n’ont vu le jour qu’au prix des sacrifices et des combats d’honorables résistants ? Que la réduction du temps de travail, le code du travail lui-même, les lois qui protègent les salariés contre les abus de pouvoir de ceux qui ont droit d’emploi ou de mort sur la vie des humbles, sont le fruit de luttes sociales acharnées contre les puissants et leurs troupes aux ordres.
La démocratie est en état d'urgence. Nous sommes tous requis pour la défendre et la protéger de ceux qui font profession de la guerre. "Opérations extérieures" qui ne disent pas leur nom de guerre. "Opérations intérieures" qui font courir le risque d'une guerre civile. De ceux qui instrumentalisent le pouvoir que leur a conféré le peuple souverain pour que le peuple lui-même se fasse la guerre. Pauvres contre les pauvres. Partisans d'une société plus juste contre petites gens qui protégent de maigres bénéfices. Journalistes aux ordres contre journalistes indépendants. Jeunesse qui veut vivre autrement qu'en esclaves contre tauliers qui gèrent la pénurie organisée de l'emploi.
La démocratie est en état d'urgence. Des cyniques politiciens proclament contre toute évidence qu'il n'y aurait "qu'une seule politique possible". Contre cette folie mortifère, nous proclamons qu’il y a de nombreuses alternatives. Contre le TINA de Thatcher et de Hollande, nous brandissons un TAMA, There Are Many Alternatives ! Car nous aspirons collectivement, résolument, imaginairement, à construire d'autres mondes possibles. Ici et ailleurs, maintenant et pour longtemps.
La démocratie est en état d'urgence. Nous, utopistes debout, peuple bigarré et plein de lumières, nous avons assez les pieds sur terre pour comprendre ce qui se joue autour de la Loi Travail. Le déchaînement de la violence, comme celle qui a tué le malheureux pacifiste Rémi Fraisse à Sivens, a un but politique. Il s’agit d’une lutte de civilisation, d’une lutte de classe, d’une lutte d'imaginaires. Entre ceux qui veulent prendre le contrôle de nos vies pour leur seul profit, d'argent ou de gloire. Et nous, qui avançons ensemble à mains nues, sûrs que nous détenons en commun les clés du monde.

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