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Billet de blog 16 octobre 2012

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LA RECHERCHE- ACTION OUTIL MAJEUR DE LA REFONDATION

RAYMOND MILLOT

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Non  pas réformer mais refonder l’école » . Le projet est ambitieux et bienvenu.

Il se heurte déjà à des conservatismes de tous ordres.

Pour les surmonter, une stratégie est nécessaire.

LA RECHERCHE-ACTION

OUTIL MAJEUR POUR

LA REFONDATION DE L’ECOLE

« Recherche-action » : en 1986 lors d'un colloque à l'Institut National de Recherche Pédagogique (INRP, Paris), les chercheurs sont partis de la définition suivante : "Il s'agit de recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations".

En 2012, la refondation  de l’école  est à l’ordre du jour… action délibérée de transformation de la réalité !

S’il semble enfin évident que des mesures s’imposent pour rompre avec un système tout entier tourné vers la sélection, la méritocratie tout en évoquant le mythe de l’égalité des chances, il y a tout lieu de croire que les pesanteurs, l’incompréhension, le conservatisme rendront difficile leur mise en œuvre. C’est pourquoi nous pensons que les « connaissances concernant ces transformations » qui ont déjà été produites au cours de multiples recherches-actions  devraient être prises en compte.

Celles qui ont pour objectif  «l’ouverture de l’école » devraient retenir l’intérêt des   refondateurs car elles ont pour caractéristique de considérer le problème éducatif sous un angle  systémique, et qu’elles prennent en compte les complexes interactions qui le déterminent.

Des acteurs ont été longuement impliqués dans ce projet, s’y sont formés. Profitant ou exploitant certains espaces de liberté et durant un temps souvent considérable, ils estiment avoir, transformé la réalité et  produit des connaissances concernant ces transformations.

Ils ont aussi acquis un sentiment de responsabilité politique qui les conduit à refuser de voir leur expérience rangée dans les tiroirs de l’Histoire. Ayant pleinement conscience que notre époque vit un changement de paradigme aux plans écologique,  économique, culturel, ils estiment pouvoir et devoir contribuer à ce changement.

Ils souhaitent donc présenter ici les connaissances acquises, les transformations qui se sont avérées possibles et souhaitables, les obstacles à surmonter, les conditions à réunir, et surtout convaincre que la recherche-action, parce qu’elle génère une démarche formatrice,  créative, fructueuse, pourrait et devrait contribuer efficacement au projet de refondation.

Par cette action, ils remédient à ce que le Ministre Vincent Peillon déplorait le 20 septembre sur France-Culture, « l’absence de remontées des innovations et de mutualisation ».

L’OUVERTURE DE L’ECOLE, QUELQUES ETAPES

  • Vence

 Sous la IIIème  République, l’instituteur de village ne manquait pas « d’ouvrir » l’école sur le milieu naturel, culturel, social, mais prudemment, sans s’éloigner des « instructions officielles ». L’idée d’en faire une recherche visant à transformer l’institution aurait été déplacée, dangereuse pour l’ordre social. Pour preuve, quand Freinet, dans les années 20, inspiré par John Dewey, élabore une pédagogie qui insiste, sur le rôle du travail et de la coopération dans l'apprentissage, ainsi que sur l'insertion de l'école dans la vie locale, y compris politique, il se heurte au maire, est déplacé d'office  « dans l'intérêt de l'école laïque ».

Il n’a d’autre choix que de créer son école, ce qui devient possible en 36, grâce à l’arrivée au pouvoir du Front Populaire. Il y accueille en particulier des enfants de juifs allemands, qui fuient le nazisme ainsi que des enfants d'instituteurs espagnols fuyant la guerre civile. La réalité vécue par les enfants ne peut rester à la porte de l’école ! 

Le produit de ce qu’il est possible de nommer recherche-action est considérable, introduction du “vrai travail” à l’école, plan de travail, production de textes libres, imprimerie, individualisation du travail, enquêtes et conférences, ateliers d'expression-création, correspondance scolaire, éducation corporelle, réunion de coopérative (cf. Wikipedia). Ce qui ne se résume pas à de simples techniques pédagogiques : pour Célestin Freinet la fonction politique de l’école est évidente et se traduit dans les choix pédagogiques. La prétendue neutralité de l’école, qui enferme l’école dans un sanctuaire fait place à un examen critique des réalités qui la concernent, mais il est trop tôt pour admettre cette ouverture  peut être fructueuse…

  • Paris XXème

Quand, dans les années 60, pour faire face à l’échec scolaire dans les milieux populaires, l’inspecteur Robert Gloton ouvre ses écoles expérimentales du XXème  arrondissement de Paris. Soutenu par l’INRP ( Institut National de la Recherche pédagogique), il est convaincu qu’une pédagogie intégrant les idées de  l’Education Nouvelle dont celles de Freinet,  mais s’adaptant aux conditions d’un quartier populaire d’une grande ville, est de nature à donner du sens à l’école aux yeux des élèves et à modifier la représentation que s’en font les parents.

En grand pédagogue, il se garde de proposer aux volontaires qu’il recrute dans sa circonscription, une théorie ou des techniques. Il estime en effet que, comme les enfants, les adultes agissant dans une situation nouvelle, doivent construire leur savoir, s’approprier le savoir existant, en produire eux-mêmes. Il mise sur l’intelligence collective au service de l’objectif fixé  et à cet effet n’impose qu’une contrainte : le travail en équipe.

Le produit de cette ancienne recherche-action  répond déjà aux préoccupations actuelles, celles de la refondation comme celles exprimées par l’Appel de Bobigny.  Dès 1962, les équipes organisent la scolarité en cycles dans le souci d’étaler les apprentissages en fonction des rythmes individuels, opèrent un travail critique sur les savoirs académiques, innovent dans la didactique en lien avec l’INRP, explorent les possibilités de la coéducation et de  l’ouverture de l’école sur son environnement…

Inévitablement, les collègues inspecteurs de Robert Gloton ricanent et parlent d’une «pédagogie des folies bergères ». Les instituteurs de sa circonspection trouvent ses initiatives par trop dérangeantes et le font savoir. Le Syndicat National des Instituteurs s’insurge contre le recrutement hors mouvement de « volontaires » et contre des innovations pouvant être considérées par les collègues « comme un désaveu objectif » des pratiques courantes.

Les pesanteurs, le conservatisme, le sacro-saint centralisme républicain concourent à enfermer « l’expérience » dans un ghetto alors qu’elle vise à partager les connaissances acquises.

Le pouvoir du fonctionnement en équipe, l’ambition de son projet, ses liens avec l’INRP, avec l’Université, font que la recherche-action débutée en 61 se poursuit toujours dans une des écoles : Vitruve fête aujourd’hui ses 50 ans !

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  • Grenoble

Quand dans les années 70,  la Ville de Grenoble souhaite développer la logique de ses efforts en matière d’éducation extra scolaire, elle projette d’intégrer les « Maisons de l’Enfance » et l’école, mais aussi d’intégrer collège, formation continue,  institutions culturelles (médiathèque, théâtre, télévision locale). Et encore, d’intégrer étroitement et symboliquement les bâtiments scolaires et l’habitat, de créer un sentiment de continuité. Lutter contre la division sociale du travail.

Elle tente de réaliser cette utopie  en donnant carte blanche à de jeunes urbanistes et architectes pour édifier un quartier neuf, «Villeneuve de Grenoble ».

Le département de l’INRDP travaillant sur le concept de « L’Ecole ouverte », soutient le projet et participe à sa préparation puis au recrutement des enseignants…

Les syndicats SNI et SNES  tout comme l’Inspection d’Académie n’apprécient pas que la Municipalité bouscule leurs prérogatives, mais le Recteur s’intéresse au projet et le soutient, d’autant plus qu’il converge avec la politique gouvernementale visant à développer les  « équipements intégrés » (avec des objectifs avant tout économiques : la « crise » était déjà là).

L’hostilité politique est quasi générale, de la bourgeoisie bien pensante aux maoïstes, ce qui rendra les débuts difficiles mais n’empêchera pas le projet de s’inscrire dans la durée (30 ans).

Les inspecteurs départementaux ont défilé, deux ou trois seulement s’y sont intéressés. Un Inspecteur d’Académie[1]* a été clairement favorable . Une très systématique inspection générale a formulé critiques et encouragements. L’INRP, a pu suivre certaines des innovations entreprises et y contribuer. Fait significatif, l’Ecole Normale qui deviendra IUFM, n’a accordé aucun intérêt à une « expérience » considérable riche d’enseignements qui se situait à proximité de ses murs, et qui intéressait de nombreux visiteurs (y compris le Conseil de l’Europe) !

Le Conseil National de l’Innovation et de la Réussite Scolaire qui, en 2000, se proposait de soutenir, évaluer et diffuser les initiatives prises dans les différents établissements scolaires aurait pu enrayer la « normalisation » en cours. Espoir déçu, le CNIRS, arrivant trop tard et sans réelle ambition,  n’en avait pas les moyens.

C’est l’hostilité administrative, la plus obstinée, qui est venue à bout de l’expérience. Les derniers îlots poursuivant le projet éducatif disparaissent en 2003.

                                                         __________________

La triste actualité qui met « la Villeneuve » à la une des medias appelle quelques précisions :

En 2002, la situation du quartier est déjà beaucoup dégradée. L’équipe Dubedout qui avait voulu « transformer les rapports humains dans la cité » misait sur le maintien d’une réelle mixité sociale et assurait un contrôle strict  de l’attribution des logements. Cette politique est abandonnée par Carignon à partir de 83. Au fur et à mesure qu’arrivent des familles « à problèmes », les classes moyennes quittent le navire. Le  parc, très belle réalisation de l’architecte paysagiste Corajoud, cesse peu à peu de favoriserla convivialité. Cette immense cour de récréation pour les écoles (19 hectares) a eu le temps de faire la preuve qu’elle n’engendrait aucun surcroît d’accidents, aucune indiscipline (ni cloche, ni sifflet pour signaler le retour en classe). Quand il est devenu impossible d’empêcher les rodéos de mobylettes dans les allées et autour des écoles, des barrières ont parfois été rétablies. La reconstruction du collège a rompu avec le projet d’ouverture à un moment où l’engagement des professeurs était lui-même très affaibli. La réactivation du plan vigie- pirate en95 a contraint les écoles à fermer les portes ce qui a nui au dialogue quotidien enseignants/parents.

Wikipedia a raison de constater :

  • (…) ni la      société française ni la société grenobloise ne sont les mêmes en 2009      qu’au milieu des années 1960. Aux « trente glorieuses » a succédé la crise. Les aspirations      d’ouverture et d’acceptation des différences ont fait place au repli sur      soi et à la hantise de la sécurité. À la croissance a succédé le chômage,      en particulier des jeunes, partie importante de la population dans ces      quartiers les plus jeunes de Grenoble.
  • (…) après la      période de création d’un mode de vie qui se voulait nouveau et      l’enthousiasme militant que cela impliquait, est venue      la période où la municipalité en place de 1983 à 1995 a considéré la      Villeneuve comme le quartier d’accueil privilégié des populations en      difficulté, entraînant un certain retrait des classes moyennes sur      qui reposait en grande partie l’ouverture sociale. L’abandon, dans      certains équipements, des programmes expérimentaux en ont changé la      perception, voire l’utilisation, par les groupes sociaux qui en avaient      porté la conception

Il serait donc malhonnête d’attribuer une quelconque responsabilité au projet éducatif, à son supposé laxisme. En réalité, les écoles sont longtemps restées un lieu de dialogue, de maintien du lien social. Leur « normalisation » a contribué à la dégradation du climat social.

Il serait dommage, pour toutes ces raisons, de ne pas tirer profit de cette « expérience » hors du commun qui permet de concrétiser et enrichir la définition de la recherche-action donnée par « les chercheurs de l’INRP ».

La recherche-action de grande ampleur entreprise à Grenoble, parce qu’elle s’est attaquée aux problèmes actuels, offre donc encore un objet de réflexion pour aujourd’hui.

Certes le cas de figure est exceptionnel : la Villeneuve, est non pas une ville mais un quartier « champignon » de 9OOO habitants, bénéficiant de la mobilisation d’une municipalité particulièrement novatrice. Le projet a précédé de quelques années les bouleversements de 68, en a tiré profit mais aussi supporté les retombées négatives. Nous proposons  néanmoins d’en examiner les caractéristiques les plus innovantes, les avancées susceptibles d’être reprises et améliorées par de nouvelles recherche-action et les connaissances concernant (les) transformations qui y ont été produites.

1 -  L’ouverture de l’école sous ses différents angles

1.1 Ouverture et bâti

A l’origine, le projet est confié à des urbanistes qui ont pour mission de créer un quartier favorisant le lien social, évitant la ségrégation, rapprochant les emplois, favorisant les commerces de proximité, densifiant l’habitat pour dégager un vaste parc au pied des immeubles etc.

Les jeunes architectes chargés des écoles (5 groupes scolaires) consultent les enseignants des écoles du voisinage, notamment du Village Olympique (quartier déjà novateur par divers aspects). Ils font des voyages d’étude au Danemark en Grande Bretagne, au Québec, visitent des écoles ouvertes et « à aire ouverte », accompagnés de militants associatifs (Peuple et Culture, Francas). Ils en reviennent très influencés par l’idée de casser le cours magistral,  favoriser le travail en petits groupes,  rompre avec l’école caserne, l’école sanctuaire, et ils s’efforcent de traduire ces intentions dans les murs.

Les enseignants  vont avoir à gérer une situation  très inhabituelle. Ils connaissent et approuvent la volonté des concepteurs de « transformer les rapports humains dans la cité. L’objectif essentiel (consistant) en la prise en main par les usagers des divers équipements socio-éducatifs et socioculturels qui sont mis à leur disposition ».

  Pas de cours de récréation, mais un parc de 19 hectares ! Les portes des classes donnent sur le parc et la rentrée se fait sans mise en rang, sans sifflet ! Chaque classe comporte deux WC pour que les besoins naturels cessent d’être codifiés. La preuve a été faite que c’est possible, sans danger et humainement satisfaisant.

Certaines dispositions pourraient être reprises dans des écoles  nouvelles et traduites partiellement dans les anciennes.

L’ouverture qui est ici en questionse fait d’abord en direction des parents .Elle s’inscrit dans le concept plus large de coéducation, et se traduit dans la pédagogie du projet.

1.2- Ouverture et coéducation

L’idée figure dans le « projet de Charte » qui a effectivement servi «  de base à l’engagement contracté par chacun des participants à l’action éducative entreprise dans la Villeneuve de Grenoble ».

L’organisation du quartier était d’emblée fondée sur les interactions entre les différents secteurs : action sociale, santé, culture, sport, liaisons petite enfance/cycle 1 (maternelles), école/collège, temps de loisir/ école,  formation des adultes, etc.

Pour  les écoles, le premier objectif de la coéducation a porté sur le dialogue et la coopération avec les parents et leurs associations (FCPE, Confédération Syndicale des Familles). Tous les modes de relations ont été  explorés. La pratique des réunions a vite montré ses limites (confiscation de la parole par les « intellectuels », découragement des parents de milieu populaire). Des modes de relation pluriels ont été mis au point.

« L’élargissement de l’équipe éducative » a été un des sujets de recherche associant les terrains et l’INRP.

Parents…Ce qui s’est avéré satisfaisant et mérite d’être retenu :

-           les parents peuvent entrer dans l’école et les classes pour y chercher leurs enfants, des espaces d’expositions de travaux,  journaux, enquêtes, annonces petites et grandes, leur permettent d’avoir un regard sur les activités éducatives et scolaires. Les enseignants restent présents et disponibles pour s’entretenir avec les parents qui le souhaitent.

    -      les grandes rencontres se produisent lors des fêtes, spectacles, expo-ventes de livres etc.

-           les rencontres individuelles avec chaque famille sont organisées systématiquement plusieurs samedis matin y sont consacrés (au cours des 1er et 2eme trimestres). Ce n’est pas du temps perdu pour l’enseignement : les échanges avec les parents, la confiance qui en résulte, retentissent sur le comportement des enfants ; les difficultés des enfants peuvent être abordés sereinement, les conflits peuvent être traités convenablement. Ces échanges ne portent pas seulement sur le travail des enfants mais sur leur comportement, l’éducation scolaire et familiale. Déconstruction et reconstruction des  représentations s’opèrent, celles de l’école par les parents, celles des parents, de leurs conditions de vie, de leur culture, par les enseignants. Ainsi, l’abandon des notes et des devoirs peut être justifiée et comprise (ce qui est loin d’être le cas aux premiers jours de la refondation !).

Cette mesure qui satisfait les parents, les enseignants et les enfants ne nécessite qu’un accord administratif.

Des rencontres peuvent être organisées sur un sujet précis. Un processus d’Education Populaire se construit.

-      La participation des parents à diverses activités vise à en faire non pas des supplétifs mais  des coéducateurs, par exemple dans l’encadrement des classes de nature, des sorties culturelles ou sportives, l’organisation de manifestations, de spectacles.

Cette pratique nécessite un assouplissement des règles administratives qui cherchent avant tout à prévenir les risques et font obstacle à toute innovation.

-      Un cahier de vie permet aux enfants et aux parents de noter, illustrer,  des évènements qui  ont eu lieu soit à l’école, soit dans la famille, occasions d’un dialogue dans la famille et dans le groupe classe et de découvrir les fonctions mémoire et échange de l’écrit.     

Les parents ne sont pas les seuls « coéducateurs »,  divers professionnels agissant dans le domaine de la lecture, des loisirs, des arts, des sports, jouent directement un rôle dans l’éducation et doivent s’efforcer de décloisonner leurs activités. Ce qui est évidemment plus facile quand les divers animateurs partagent les mêmes locaux. L’idée d’intégrer halte-garderie et maternelle, maison de l’enfance et école a été adoptée à la Villeneuve à cet effet. Dans les cas plus courants, il est possible, au prix d’arrangements matériels de partager les locaux de l’école, ce qui se fait parfois pendant les vacances. Il est surtout intéressant que les projets scolaires et de loisirs se croisent, que les connaissances acquises lors d’une sortie, d’un camp de vacances, un match (etc.) fassent à l’école l’objet de réflexion, de valorisation, de commentaires. Des échanges enrichissants peuvent alors s’établir entre enseignants et animateurs.

Ces intentions sont aujourd’hui développées au sein des « Villes éducatrices ». Reste à convaincre les élus locaux, à accorder aux enseignants les libertés nécessaires, à persuader  les animateurs périscolaires, qu’ils contribuent à un projet éducatif commun.

D’autres acteurs de la vie sociale et économique peuvent jouer un rôle dans le processus éducatif, à condition que l’école s’ouvre et que des projets s’y développent.

C’est ainsi que peut prendre corps l’idée d’une société éducatrice.

1.3 - Ouverture et pédagogie du projet 

L’idée même d’ouverture de l’école sur l’environnement, le quartier, sa vie sociale, culturelle, matérielle, la gestion de ses équipements, implique le développement d’une « pédagogie du projet » et élargit son champ de possibilités. L’école présente alors des situations  fonctionnelles où les apprentissagesprennent sens (et par là même, les objectifs de la scolarité).

La pédagogie du projet constitue de ce fait un outil décisif dans la lutte contre l’échec scolaire qui touche les enfants de milieux « populaires ». On sait que ces enfants, comme les autres, arrivent à l’école avec une disponibilité, une appétence au savoir… qui se dilue progressivement en ennui, voire en  désaffection et en rejet. Les sociologues Dubet et Duru-Bellat décrivent ce qu’il en advient au collège : « Non seulement les élèves oscillent entre la violence et l’apathie parce que  l’école les enfonce dans une image négative d’eux-mêmes,  mais les autres,  ceux qui travaillent bien, ne semblent guère plus intéressés par leurs études : ils travaillent pour la note ». Les élèves en échec  «  ne font qu’éprouver au collège leur indignité scolaire, leur incapacité, leur faiblesse, leur nullité ».

L’ouverture de l’école sur son environnement, les évènements locaux ou mondiaux qui intéressent ou préoccupent les enfants, la vie de l’école, sa gestion, ses productions, offrent de multiples occasions pour les enfants de s’impliquer  dans des projets grands et petits qui mettent en œuvre des apprentissages  intellectuels, manuels, sociaux, culturels et à la fois scolaires. 

Une des écoles de la Villeneuve s’est efforcée de produire collectivement une brochure « Vivre à l’école en citoyens » (édition Voies Livres) qui s’efforce de rapporter l’ensemble des projets à la pratique de la vie citoyenne des adultes. Elle met ainsi en relief tout ce qu’il est possible de faire quand les enfants sont considérés comme des personnes pensantes et capable de prendre des responsabilités. Une véritable éducation à la citoyenneté s’opère.

Il est généralement facile de rencontrer des situations fertiles en projets, les propositions pouvant venir des adultes ou des enfants.

Certains projets peuvent s’imposer, par exemple quand une classe prépare une « classe nature »  autogérée. Il s’agit de trouver le lieu agréé, de s’informer des ressources, de préparer les enquêtes, d’organiser l’emploi du temps, rechercher des accompagnateurs (parfois gérer les menus)  puis rendre compte du séjour sous différentes formes.

Quand  une classe de mer organise une réunion de tous les parents, en soirée, quand les parents assistent à la présentation des diapos, du journal quotidien, de sketches sur la vie collective,  entendent des exposés sur la navigation, la pêche, le musée, ils découvrent les possibilités cachées de leur enfant et comprennent sans avoir besoin de discours le bien-fondé de la pédagogie du projet. Les enfants sont conscients de l’enjeu : faire comprendre que leur plaisir d’aller à l’école ne s’explique pas parce qu’on s’y amuse, mais parce qu’on fait des choses « pour de vrai », qu’on les respecte en tant que personnes.

Des projets exceptionnels peuvent se présenter  par exemple l’aménagement de la cour de récréation entraînant, réalisation d’une maquette avec l’architecte de la ville, recherche des équipements, étude des coûts, etc.

D’autres s’inscrivent dans la durée et peuvent avoir un retentissement dans la vie du quartier comme le « Festival de création enfantine », ou encore « Des Enfants s’En Mêlent »,  journal au titre significatif diffusé périodiquement dans les familles et par le marchand de journaux, vendu à la criée sur le marché, ou les enfants expriment leur avis sur les évènements du quartier, de travaux de l’école, des sujets qui les concernent.Projet collectif concernant toute l’école et illustrant, aux yeux des citoyens, ce que peut produire l’ouverture de l’école.

Cette pédagogie n’a aucun coût. Pour qu’elle soit efficace et qu’elle ait du sens, il faut seulement qu’elle soit portée par une équipe,  qui dialogue avec les parents et autres « coéducateurs »,  qu’elle échange avec d’autres équipes en recherche pour traiter les problèmes ayant trait à l’évaluation, la réalisation des programmes officiels.

 N.B. Projets d’école, projet de classe, projets d’apprentissage, l’usage du mot projet est devenu fréquent et même officiel. Il est souvent vidé de sens. La place que le projet prend dans la classe est généralement secondaire : le projet ne motive pas les apprentissages scolaires, le statut de l’enfant en tant que personne responsable  n’est que provisoire. Il ne s’agit alors que d’une parenthèse dans la vie scolaire, sans  pouvoir transformateur.

1.4 - Ouverture et pédagogie de l’écrit

La maîtrise de la langue écrite a été retenue dès le début de l’expérience comme un objectif majeur. Le souci de la fonctionnalité des apprentissages a immédiatement croisé les travaux de l’INRP. Les écoles de la Villeneuve font partie du petit groupe qui a réalisé les premières BCD (Bibliothèque Centre Documentaire) et qui ont utilisé les logiciels d’entraînement à la lecture sur ordinateur (ELMO, puis IDEOGRAPHIX, ELSA).

Les enseignants et les élèves sont devenus grands connaisseurs de la littérature jeunesse grâce à l’apport des bibliothécaires. Dans les expo-vente de livres jeunesse, ce sont les enfants qui guident les acheteurs. Un projet intitulé Lector a transformé des enfants particulièrement experts en « conseillers » dans les rayons de la FNAC et de Carrefour dans la période de Noël.

Un autre projet a permis la rédaction et l’édition par l’OCDL d’une série de livres écrits pour les enfants du cycle 1 par des élèves du cycle 3.

L’expertise acquise a permis de faire fonctionner  dans une des écoles des « classes lecture » pendant plusieurs années avec le concours de l’INRP et de l’Association française pour la Lecture (AFL). Durant deux semaines, des classes du quartier ou des quartiers voisins (accompagnées de leur enseignant ainsi en formation) consacrent tout le temps scolaire à explorer, analyser, comparer les livres de littérature jeunesse, à s’informer sur les éditeurs, sur les auteurs (et à en rencontrer), à utiliser et gérer une BCD, à s’entraîner à la lecture sur ordinateur (avec réflexion sur la nature des exercices et sur les résultats), à rédiger un journal quotidien dit « en circuit court » obligeant à une analyse critique des travaux effectués, permettant aussi à chaque enfant de s’exprimer sur le vécu du groupe, y revenir le lendemain grâce à la lecture du journal.

On sait par ailleurs que l’école ne peut pas effacer les inégalités et que le rapport des parents à l’écrit est souvent déterminant. Travailler ce facteur  peut faire l’objet d’un projet réunissant plusieurs coéducateurs.

Le cahier de vie  qui a déjà été évoqué, contribue à éclairer un des rôles de l’écrit et à rendre les parents acteurs de l’apprentissage.

L’opération « Je Lis Tu lis, Elle, Il Lit » : pour donner un sens au travail de l’école sur l’écrit, les familles recueillent pendant une semaine toutes les occasions de rencontres (usage ou embarras) avec l’écrit du quotidien. La moisson recueillie par les enfants fait l’objet d’échanges collectifs à l’école et d échanges « tupperware », organisés par la Confédération Syndicale des Familles. La parole est ainsi facilitée, les liens sociaux se tissent entre voisins, l’opération révèle la fonctionnalité de l’écrit, son usage fréquent. Les familles de milieux populaires découvrent l’importance vitale de la lecture qui ne peut se réduire à l’activité scolaire.

Les expo-ventes de livres jeunesse permettent d’en montrer d’autres usages également fonctionnels ayant trait à la réflexion, l’imagination, la poésie, l’humour.

Ces réalisations sont évidemment le fruit d’un travail en équipe à long terme, d’une mutualisation, d’un travail critique avecla Recherche Pédagogique.

Elles peuvent inspirer de nouvelles recherches-action.

Il est utile de mentionner des réalisations qui sont directement dérivées des classes-lecture de la Villeneuve, et qui s’attaquent de la même manière aux inégalités sociales devant l’écrit.

La ville voisine d’Echirolles a fait vivre pendant plusieurs années les «Vacances Lecture» en faveur d’enfants en difficulté. Tous les matins sont consacrés à un travail sur l’écrit utilisant les techniques mises au point dans les classe-lecture. De plus, un contrat engage les parents à participer à la journée de clôture. Les enfants et les parents en petits groupes discutent de livres choisis et travaillés qui posent des problèmes dans lesquels les parents se reconnaissent. Les parents découvrent à la fois les « compétences » insoupçonnées de leurs enfants et le pouvoir de l’écrit qui les oblige à s’interroger sur des problèmes qui les concernent.

 Les liens établis à cette occasion ont donné naissance au projet « Histoires de vie ». Des parents souvent étrangers, parfois analphabètes, contribuent à la rédaction de petits livres visant à faire connaître leur histoire à leurs enfants. Les liens familiaux  s’en trouvent souvent transformés, les familles se sentent socialement reconnues, valorisées et, avec leurs enfants, elles découvrent une des fonctions de l’écrit qui jusque là n’était pour eux qu’une activité scolaire.

Il s’agit encore de recherches-action qui relèvent de l’Education Populaire et qui ont fait à ce titre l’objet de publications (par l’ADATE, la Maison des Ecrits et de l’Image, l’AFL). Elles sont aussi le produit d’un travail intense de réflexion avec l’INRP, l’AFL, la Maison des Ecrits et de l’Image, les bibliothécaires et les services culturels de la municipalité.

Rien n’empêche qu’une politique ambitieuse des villes, en collaboration avec des équipes scolaires, des associations d’Education Populaire, s’inspire de ces réalisations qui contribuent au développement du lien social...

1.5 - Ouverture et hétérogénéité

L’organisation en cycles expérimentée à Paris, dans le XXème, a été adoptée dès l’ouverture des classes en 72, àla Villeneuve. Les écoles n’avaient pas été conçues en tenant compte de ce choix. Dans les écoles qui s’y prêtaient, le cycle1 a concerné les enfants de 2-3-4 ans, le cycle 2 ceux de 5-6-7 ans, le cycle 3 ceux de 8-9-10 ans.

Chaque école a expérimenté diverses formules, mais l’intérêt porté à l’hétérogénéité des publics  a conduit majoritairement, au bout de quelques années à adopter la classe « multi-âges ». Cette organisation aide les enseignants à rompre avec la pratique du cours magistral, favorise les interactions et désamorce les relations de rivalité au sein du groupe. Elle permet de renouveler un tiers de la classe chaque année : les arrivants sont accueillis par les anciens, le tutorat des petits par les plus grands s’organise. La relation enseignant/enfants est facilitée, les ruptures et angoisses annuelles évitées. Les éventuelles incompatibilités sont traitées par des décisions de l’équipe.

Il est certain que les esprits sont majoritairement et depuis longtemps convaincus de l’intérêt supposé de la division du travail, et donc de la nécessité d’aller toujours plus avant dans l’homogénéité des publics scolaires. Cette conviction peut aller jusqu’au choix de « classes faibles et de classes fortes » dans les écoles, de « classe de niveau » au collège, puis au rejet du collège unique et au projet de rétablissement du concours d’entrée en 6ème. La recherche a prouvé, sans convaincre, que les tentatives de regroupements « homogènes » aboutissent toujours à la dispersion du public sur une courbe de Gauss.

Le choix de l’hétérogénéité n’est donc pas évident. Il suppose une réflexion approfondie sur son sens social et culturel. C’est un choix politique.

En ce sens, l’organisation en cycles est devenue la règle, portée par  la loi d’orientation de Lionel Jospin en 89 (quelques 27 ans après la première expérimentation !).

Faute d’avoir été construite par les intéressés, elle a subi le sort de bien des réformes et s’est transformée, très majoritairement, en caricature plus ou moins hypocrite.

L’hétérogénéité n’a pas de coût et est possible partout où des enseignants font le projet de travailler en équipe, de rechercher des modes de fonctionnements plus satisfaisants pour les enfants.

1.6  - Ouverture et enfance handicapée

A l’époque évoquée, on parlait encore de handicaps culturels. On vient de voir que cet aspect du problème de l’échec scolaire était au cœur de l’organisation scolaire et de la pédagogie, élargie à « l’éducation populaire ».

Le choix de l’hétérogénéité impliquait l’accueil des enfants porteurs de handicaps physiques et mentaux dans la mesure des possibilités d’accueil mais avec une volonté d’ouverture maximum. Les possibilités d’intégration ont souvent été étonnantes Les écoles bénéficiaient des moyens habituels : psychologue scolaire, classes de perfectionnement, SEGPA. Dès la seconde année, dans les écoles comme au collège, les structures classiques sont abandonnées. Les moyens sont utilisés dans les classes, sans effets discriminants et portent sur la réalisation des objectifs communs.

C’est semble-t-il la solution que favorisent aujourd’hui les enseignants spécialisés des ex RASED.

1.7 -  Ouverture et refondation de la fonction enseignante

Le produit de la recherche-action évoquée ne se limite évidemment pas à la pédagogie explorée et mise en œuvre. S’y trouvent transformées formation, statut, fonction sociale.

La formation des enseignants qui en résulte ne peut évidemment être le fruit d’un enseignement universitaire  par des professeurs qui n’ont aucune expérience de la vie de classe !  Le refus de l’Ecole Normale, puis de l’IUFM, de s’intéresser à une expérience pourtant voisine en témoigne. L’incapacité de ces institutions à faire de cette expérience un sujet de réflexion pour les étudiants est affligeante.

Il est significatif que les instituteurs de la Villeneuve aient exigé (et obtenu !) de pouvoir bénéficier de la formation continue sous la forme de stages d’équipe autogérés, leur permettant d’analyser leurs pratiques, de les théoriser en faisant appel à des chercheurs, des syndicalistes, des associations. Ce qui leur a permis de produire plusieurs brochures faisant le point  sur la pédagogie du projet, sur la coéducation, à l’intention de leurs collègues, des associations de parents (et de la direction de l’Ecole Normale !).

Le statut de l’enseignant, passe de celui de fonctionnaire exécutant infantilisé, sous la surveillance d’une hiérarchie plus ou moins compétente à celui d’enseignant chercheur coresponsable d’un projet collectif bénéficiant de l’apport d’une hiérarchie compétente. Il passe aussi de celui de l’artisan seul maître à bord dans sa classe, à celui de membre coopérant d’une équipe.

La fonction sociale de l’enseignant se transforme fondamentalement. Il est spécialiste des apprentissages scolaires, coéducateur, contributeur de l’Education Populaire, du vivre ensemble et de la citoyenneté. Il « institue la République ».

La logique du projet conduit à la modification d’une fonction : l’inspecteur doit ou devrait devenir accompagnateur, questionneur, facilitateur. L’existence d’un « leadership » ne peut être niée mais n’a pas à se traduire par une note : dans une équipe de volontaires, on attend « de chacun selon ses moyens ».

Dans le cas étudié, les « volontaires » qui se sont engagés dans la recherche-action en acceptant le contrat (la Charte*) n’ont bénéficié d’aucun privilège. Dans la durée, ils ont témoigné que les contraintes du travail en équipe, de la coéducation, sont supportables par des enseignants en rien exceptionnels, parce qu’elles sont compensées par des satisfactions relationnelles entre collègues et avec les enfants, par l’estime des parents, par un enrichissement intellectuel culturel et social. Le soutien d’une municipalité est essentiel et permet d’affronter les difficultés le plus souvent d’ordre administratif.

Des enseignements devraient en être tirés en faveur non seulement d’une refondation de la fonction  enseignante, mais aussi des objectifs éducatifs, des programmes et d’une évaluation devant prendre en compte les effets à long terme d’une telle refondation.

 1.8-  Ouverture : l’éducation « affaire de tous »

L’élaboration du projet éducatif  a fait l’objet d’une large participation de la «société civile » C’était en 1972. Il s’agissait d’imaginer comment traduire concrètement  la volonté municipale de « transformer les rapports humains dans la cité. L’objectif essentiel (consistant) en la prise en main par les usagers des divers équipements socio-éducatifs et socioculturels qui sont mis à leur disposition ».

Il est possible, aujourd’hui, d’évoquer la « démocratie participative » à propos du processus d’appropriation du problème éducatif adopté.

Le Recteur ouvre un débat public pour que la société civiles’empare du projet. Grande assemblée au CRDP. D’emblée, les syndicats s’indignent du fait de ne pas être les seuls interlocuteurs mais le chantier est ouvert. Des commissions regroupent pendant trois mois de 120 à 150 personnes. Elles élaborent un « projet de Charte »* avec une double préoccupation : trouver les bases pour la constitution d’équipes véritablement engagées dans l’expérience ; rechercher des conditions favorables à un fonctionnement cohérent du travail en équipe et à la concertation.

 Il y est ainsi considéré que : « Le problème du recrutement des différents personnels se pose donc en tout premier lieu. Ce recrutement, compte tenu des conditions de travail particulières, prévisibles ou imprévisibles, qui vont se créer, compte tenu des contraintes inévitables, ne peut se faire sur les bases habituelles. Il doit présenter un caractère de volontariat qui peut se traduire, selon les secteurs professionnels, sous différents aspects.

Tous les candidats devront être pleinement informés sur les finalités poursuivies, les conditions matérielles et les règles de fonctionnement qui les lieront au projet et aux autres participants.

Tout acte de candidature constituera une approbation des objectifs fixés et un accord sur les grandes lignes d’action proposées. » 

Une autre considération qui a été vérifiée dans la pratique (et dans les conflits) : « Les équipes sont majeures et responsables dans leur action pédagogique et éducative. Elles effectuent le contrôle continu de l’adéquation entre les objectifs fixés et la pratique dans des réunions au niveau de chaque établissement ou de l’ensemble des établissements Villeneuve.

Elles travaillent en collaboration étroite avec la recherche pédagogique et universitaire et les responsables hiérarchiques (dans la mesure de leur disponibilité).

Dans cet esprit, la direction et la gestion des établissements sont assurées par les responsables en titre selon les décisions de l’équipe, élargie aux enfants et aux parents, dans le respect des finalités définies. »

Deux dispositions qui, aujourd’hui, semblent correspondre aux intentions  du quinquennat précédent : autonomie des établissements, contrat. Ce qui pourrait suffire à les excommunier si le lecteur n’avait déjà compris que l’esprit qui les anime n’a rien à voir avec l’intention de transformer les établissements en entreprises dotées d’un manager !

Il n’empêche qu’elles posent des problèmes qu’il s’agit de traiter, aménager le mouvement, la centralisation, décaporaliser les rapports hiérarchiques.

1.9 – Evaluation 

Ce problème important est dans tous les esprits et n’a pas trouvé de réponses satisfaisantes, du fait du caractère exceptionnel du projet au sein d’un système rigide et conservateur. Du fait aussi que l’INRP qui accompagnait l’expérience n’avait ni le projet, ni les moyens de d’organiser son évaluation sous ses différents angles.

Les coordinateurs, avant tout pour  rendre des comptes aux parents, avaient élaboré un outil permettant de noter, au moment où elles se manifestaient les compétences concernant les domaines, scolaires, sociaux, culturels, comportementaux, etc. Proposé trop tôt, alors que la pédagogie, les concertations, la coéducation, l’ouverture, les conflits administratifs absorbaient les énergies, son usage est apparu trop lourd et n’a malheureusement pas été repris quand les écoles ont atteint leur vitesse de croisière.

Le projet éducatif étant partagé avec le collège, la liaison était institutionnalisée, mais s’est révélée peu satisfaisante. Elle aurait pu, dû, déboucher sur une évaluation à moyen terme, et sur des modifications des programmes pour mettre l’accent sur tel objectif et simplifier tel autre en mathématique comme en Français.

Convaincus de la nécessité de ne pas se laisser enfermer dans un ghetto, les acteurs de l’expérience se sont mobilisés pour rédiger plusieurs ouvrages : « Une voie communautaire » éd. Casterman et « Ecoles en rupture » éd .Syros, sans pour autant pallier l’absence d’une évaluation sérieuse, objective et globale…

L’évaluation n’était pas le problème de l’administration ni de la municipalité, pourtant partie prenante de l’expérience. Heureusement peut-être, si l’on en croit Bertrand Schwartz, expert du problème, qui, dans la préface du premier livre cité, mettait en garde contre une évaluation « menace si souvent brandie pour tuer la novation, l’évaluation qui devrait être « formative », c’est-à-dire destinée à améliorer et changer, et non « sommative » …destinée en fait à « assommer ».

Un suivi des parcours scolaires au collège, après le collège aurait dû faire l’objet d’une évaluation à long terme. A défaut, c’est d’une manière sauvage qu’une initiative individuelle a permis de retrouver quelques dizaines d’anciens élèves ayant fait tout ou partie de leur scolarité à la Villeneuve sans pouvoir en tirer d’enseignements significatifs, tout au plus un intérêt marqué pour la vie sociale.

Dans ce domaine,  aucun acquis n’est présentable, en revanche il convient de souhaiter que l’évaluation de nouveaux projets soit précisément formative, porte sur la globalité des objectifs, implique les différents coéducateurs, et envisage les moyen et long termes.      

 1. 10 – Ouverture et engagement citoyen 

Le caractère volontairement systémique du projet a eu, entre autres  conséquences, un engagement citoyen et « politique », au sens large du terme, des acteurs qui y ont contribué.

Une contribution à la mixité sociale mérite d’être mentionnée : suite à la politique désastreuse mentionnée, certaines « montées » d’immeubles comportant de nombreux grands logements réservés aux familles nombreuses, ont vu se dégrader à la fois les relations de voisinage, de convivialité, le respect des espaces communs. Il en est résulté une paupérisation du public scolaire d’une des écoles. L’école voisine, au contraire, bénéficiait pleinement de la mixité sociale et même attirait des demandes de « dérogations » pour des enfants d’autres quartiers de Grenoble. Une concertation animée par les équipes enseignantes et par les parents concernés (surtout les « privilégiés) a abouti à modifier la carte scolaire locale pour rétablir le maximum possible d’égalité sociale. Les égoïsmes naturels ont ainsi été surmontés d’une manière exemplaire..

Le journal Des Enfants S’en Mêlent, dont il a été question plus haut a réalisé des dossiers sur des questions à caractère socio-politique : le traitement médiatique d’un fait divers (avec enquête sur les faits et sur leur traitement médiatique), enquête sur les habitants qui ne quittaient pas le quartier pendant les vacances d’été, ou sur les relations entre les enfants et les jeunes hommes de la cité… Notons aussi plusieurs campagnes à propos de la propreté et des dégradations dans l’espace public.

Il faut peut-être noter que la Villeneuve est toujours le quartier de Grenoble votant le plus « à gauche ». Certains adversaires du projet trouvant là une raison supplémentaire d’hostilité.

L’engagement citoyen conduit à vouloir faire bouger « l’idéologie dominante »…

La recherche-action oblige à s’interroger sur la nature des obstacles qui s’opposent à son bon fonctionnement. Deux constats sont évidents :

-         le système, syndicats compris a du mal à supporter l’existence  d’anomalies  (l’intention normalisatrice de l’administration est constante, tempérée parfois par les idées intimes de tel ou tel inspecteur frondeur),

-         le conservatisme naturel de l’opinion, parfois fondé « c’est l’école de la République » (entendez la tradition scolaire) qui m’a fait monter dans l’échelle sociale » parfois paradoxale « j’ai échoué mais c’est par ma faute, il suffirait de serrer la vis ».

La logique du travail en équipe au service d’un projet commun (et non pas celui d’une autorité sur le mode entrepreneurial) conduit naturellement à s’interroger sur l’inadéquation du système. Selon l’engagement et les disponibilités des membres de l’équipe, une forme d’autogestion peut conduire à se répartir chaque année les tâches de direction, les quelques heures permettant (plus ou moins) de les remplir, et de partager l’indemnité directoriale. Ce qui débouche sur une « direction tournante » fort mal appréciée par la hiérarchie.

L’acceptation par les parents d’une école qui respecte les enfants et les parents, évite  la compétition et son cortège d’humiliations, où les enfants sont heureux de se rendre et d’apprendre ne peut constituer un facteur suffisant pour transformer les représentations dominantes.

Pour faire bouger celles-ci, il faut multiplier les exemples prouvant que c’est possible et même satisfaisant pour toutes les parties (enfants, coéducateurs, collectivité locale, administration).

Cette idée est portée depuis longtemps par les innovateurs souvent isolés, par divers chercheurs  de l’INRP, par des personnalités* de l’éducation ; elle a été ressentie comme indispensable par les acteurs dela recherche-action Villeneuve, pour sortir du ghetto.

Des enseignants et parents refusant  la résignation ont, dans cette perspective, fondé localement  une association pour le « Développement d’Ecoles de Collèges, de Lycées d’Initiative Citoyenne » : DECLIC (reprenant le sigle d’un projet de collège « d’initiative citoyenne à Montreuil).

Son premier objectif répond à l’urgence : défendre le projet éducatif de la Villeneuve, enrayer l’entreprise de normalisation déjà bien avancée, en intervenant auprès de la ville, du CNIRS, du Directeur de l’INRP. Sans succès.

Elle cherche aussi à promouvoir de nouvelles expériences, notamment en négociant avec la « cellule  innovation » du Rectorat et avec des élus Grenoblois la transformation d’un collège en reconstruction (Les Eaux Claires)  en collège innovant. Peine perdue : la ville n’est pas assez mobilisée  alors qu’un des objectifs portait sur le maintien de la mixité sociale, et l’inertie administrative joue comme à l’ordinaire.

Autre ouverture…

Sortir aussi du ghetto local. Avec des militants de la région parisienne, organisation d’un colloque national : « Le collège unique, outil de la promotion collective » (nov.2003)  De nombreuses associations participent, mais bien peu sont à même de donner du sens au concept de promotion collective, pourtant adopté dans le titre...  DECLIC s’efforce de prolonger le débat* sans succès.

Sortir du cadre institutionnel et miser sur des forces  travaillant la société d’une manière innovante et de ce fait, susceptibles d’être plus attentives  à ses propositions. Ainsi :

- 2002 Sur la base des travaux du Forum Mondial de l’Education de Porto Alegre, DECLIC  lance un appel titré «  Oui, un autre monde est possible…pour le construire une autre école est indispensable »*. La date de lancement coïncide volontairement avec une attente politique nationale : 22 avril !

De nombreuses et significatives signatures…la défaite de la gauche explique, partiellement, que les signataires n’aient pas donné suite.

Cette défaite casse les espoirs de voir s’affirmer avec plus d’ambition le Conseil National de l’Innovation et ouvre une période de traversée du désert. En dépit de quoi,  la réflexion se poursuit. Une cinquantaine de numéros d’ « Arguments » sur les sujets d’actualité  publiés, avec pour objectif l’armement théorique des militants, une analyse critique des modes traditionnels de fonctionnement de la réflexion collective aboutit au texte : « Pédagogie, Politique, Démocratie Participative » * et à l’expérimentation d’une méthode d’animation permettant une réelle démocratie participative.

-  2007  nouvelle mobilisation à la veille des présidentielles, publication dans « Libération »* d’un article rédigé par des membres de DECLIC, de l’INRP, de l’école Vitruve, de la Villeneuve, d’un directeur et d’un professeur d’IUFM, d’un professeur d’université :  « Pour mettre du neuf dans le système, les enseignants doivent devenir des chercheurs…  IDEE FOLLE POUR REINVENTER L’ECOLE »  

Nouvelle défaite qui n’efface pas l’urgence du changement et qui conduit  à miser sur un nouvel évènement porteur :

-  2009   conférence internationale de  COPENHAGUE sur le changement climatique.

Prenant  au sérieux, contrairement aux grands de ce monde, les conséquences prévisibles de cette menace, DECLIC invite à se mobiliser sur un constat semblant d’évidence.

Lancement d’une réflexion collective qui entend « contribuer, dans le champ éducatif, à la mobilisation qui s’impose. Car ce sont les enfants d’aujourd’hui qui ont pour horizon les années 2050, date de référence pour tous les dangers. Un nouveau projet éducatif devrait les préparer à y faire face. »*

L’hypothèse que cette nouvelle raison de changer l’école pourrait être retenue, sinon par les enseignants du moins par les parents et grands-parents semblait logique. C’était compter sans  le phénomène de « dissonance cognitive »* !  

Un certain nombre de militants politiques et pédagogiques s’engagent dans cette réflexion. Certains sites s’y réfèrent ou le publient. Des rencontres nationales en discutent : pourquoi 2050 ? La transformation de l’école a-t-elle besoin d’être motivée par le « catastrophisme » ? La décentralisation…certains l’imaginent comme une atteinte à « l’école de la République », la soupçonnent de marche vers la privatisation… Tout au long de l’année le débat est fructueux :

-  2010  lancement de l’appel suivant, plus que jamais d’actualité, sous forme d’un :

PACTE POUR

UNE SOCIETE EDUCATRICE DECENTRALISEE

  • Les      personnes et associations signatrices partagent l’analyse suivante :

-   la crise économique démasque le vrai visage du capitalisme.

-   la crise écologique  dévoile des menaces nombreuses et bien réelles qui sont liées au gaspillage des ressources, aux changements climatiques, etc.

-   l’opinion publique commence à admettre que nous devons sortir de l’ère du profit, source commune de ces deux crises, à s’indigner des inégalités sociales qui progressent dans tous les pays et entre les pays.

  • Elles considèrent :

-  que la mobilisation de toutes les intelligences, et en particulier celles de la jeunesse, va constituer la principale solution pour affronter les immenses difficultés et les changements profonds dans les modes de vie qui se profilent.

-  que cette mobilisation ne peut s’opérer dans un  système éducatif tout entier tourné vers la compétition, la sélection, l’individualisme, la course aux diplômes pour les uns et l’exclusion pour les autres En conséquence, qu’il faut :

-   mettre en recherche les volontés de changement existant dans le système éducatif actuel et celles existant dans la société civile

-   utiliser tout le potentiel éducatif des activités gérées ou soutenues par les collectivités territoriales, et particulièrement celles qui inventent des réponses aux changements en cours et à venir.

-   impliquer les enfants (écoliers, collégiens, lycéens) dans ces activités et dans ces réponses et ainsi donner du sens à leurs apprentissages dans la transformation du présent, développer  le sens de l’intérêt collectif et en conséquence redonner à tous, le désir d’apprendre,

Sur la base de ces objectifs, dans la perspective d’une

              Société Educatrice Décentralisée

  • Elles demandent

-  qu’un projet de recherche national de grande ampleur favorise le lancement  de multiples « recherche-action » associant des collectivités territoriales intéressées et des enseignants volontaires, facilite leur mise en réseau et les fasse connaître afin d’y intéresser un nombre croissant d’enseignants et de collectivités

 -  que ces recherche-action  soient suivies et évaluées d’une manière décentralisée associant divers partenaires locaux (élus, associations de parents, universitaires, éducateurs, équipe enseignante, responsable institutionnel)

-  que la destruction systématique  des services publics et particulièrement de l’école  doit se combattre en se tournant résolument vers l’avenir et non en mythifiant le passé et en rêvant d’une nouvelle « réforme ».

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Partie prenante de cet appel, DECLIC ouvre un site    www.pacte-educatif.org , développe

 la notion d’implication*qui y est capitale, élabore un scénario pour illustrer comment, d’une manière très réaliste, pourraient se traduire les idées que peut  recouvrir une Société Educatrice Décentralisée*.  Dans les débats, notamment lors d’un Forum de Libération à Grenoble, DECLIC présente le pacte et souligne qu’il est porteur de « propositions réalistes »* propose des modalités de mise en œuvre de la recherche-action sur la base de l’expérience.

Les signatures de parents, de citoyens isolés, de militants (en particulier appartenant aux mouvements d’Education Populaire) de personnalités, sont recueillies. De nombreux textes sont diffusés  par messagerie Internet. Peu de signataires les discutent. Puis les signatures se  tarissent, témoignage du pessimisme ambiant.

-2011 - 2012

Dans la perspective des élections,  les appels se multiplient et souvent confortent l’idée d’une société éducatrice :

ATD Quart-Monde prenant le parti des plus défavorisés semble croire qu’un dialogue école parents, en permettant à ces derniers de comprendre les objectifs et de s’y associer, assurera « la réussite de tous ».

L’AFEV qui s’efforce d’aider  les jeunes des « quartiers » en difficulté,  est bien placée pour s’inquiéter devant « le nombre très important d’enfants en situation de souffrance » et appelle à « repenser le système éducatif français  (…) afin  que chaque élève en sorte avec les compétences nécessaires pour son futur parcours ». Le « pacte national » qu’elle propose « se concentre sur la question de l’échec scolaire ».

La FNAREN (associations de rééducateurs») estime que « que l'école ne peut plus remplir sa mission de faire réussir tous les enfants qu'elle reçoit ». Elle’esquisse le projet   d’une école « humaniste » et appelle des Assises Nationales ou des Etats Généraux de l'Education visant la « refondation de l’école républicaine ».

Et surtout, l’Appel de BOBIGNY  qui  précède tous les autres. Fruit d’un travail collectif réunissant la plupart des  mouvements d’Education Populaire et Pédagogiques, des syndicats enseignants et généralistes, il entreprend de repenser le système d’une manière plus approfondie que ses successeurs et propose un grand nombre de mesures en rupture avec le fonctionnement actuel du système éducatif. « Quel citoyen veut-on préparer ? Quelle capacité à vivre ensemble dans une société solidaire et plus juste voulons-nous forger ? Quelles connaissances, quels savoirs, quelles compétences et quelles qualifications seront indispensables aux jeunes pour cela ? Quelle place auront-ils dans la construction de leur propre avenir? »,

De son côté, le RFVE (Réseau Français des Villes Educatrices) relaye  l’Appel de Bobigny, donne son sens à l’idée de décentralisation,  et des perspectives pour une Société Educatrice qu’appelle le pacte éducatif impulsé par DECLIC.

 2012… La refondation est mise en chantier !

Les intentions sont ouvertes et positives, la démarche fondée sur le dialogue. Des invités débattent. Un site ministériel est ouvert pour permettre à chacun de s’exprimer en quelques lignes, ce qui en  limite l’intérêt.

 L’association DECLIC estime pouvoir contribuer et choisi de rédiger une brochure.

Il ne s’agit pas d’offrir un modèle à imiter mais de mettre en relief ce qui est possible de faire, immédiatement et à moindre coût et de tenir compte de la situation. Celle-cine permet pas d’escompter un élan citoyen capable de révolutionner un système et oblige à prendre en compte l’état de l’opinion et du corps enseignant.

Même si l’idée d’un changement fondamental commence à avancer, le réalisme exige d’envisager les moyens favorisant la transition : on sait aujourd’hui que le changement ne se décrète pas. En conséquence, les propositions du pacte pour une Société Educatrice Décentralisée sont toujours d’actualité :

Il s’agit de favoriser des évolutions progressives dans les conceptions et les pratiques du plus grand nombre d’enseignants.

Il s’agit aussi et surtout de «  mobiliser toutes les intelligences », « mettre en recherche les volontés de changement… » en dotant le système d’un dispositif ambitieux de recherche. Ce dispositif devrait envisager au moins deux types de recherches responsabilisant les acteurs :

-  recherches-action  engageant les écoles et les collèges organisés en équipe d’établissement, mises  en réseau à l’échelle nationale, visant, entre autres objectifs, à réduire l’inégalité qui caractérise le système éducatif.

-  recherches-action visant une transformation fondamentale du système éducatif partout où des collectivités locales se réclament d’une société éducatrice, s’affirment co-éducatrices à part entière et s’organisent en conséquence.

A charge de l’Education Nationale  d’assurer à ces recherches :

les libertés (accordées depuis longtemps aux écoles privées sous contrat !) en terme     d’autonomie, de constitution d’équipes,

la liberté pédagogique permettant, notamment, de mettre en œuvre l’implication des enfants dans les réalités de leur environnement.

La recherche en éducation  aurait alors trois missions essentielles :

- susciter, soutenir dans la durée et mettre en réseau un nombre conséquent de pôles innovants répartis dans toutes les régions,

- développer un dispositif interne d’évaluation à moyen et long terme,

- faire connaître par les moyens modernes de communication les réalisations, les difficultés et les ajustements aux réalités locales afin de permettre une analyse collective.

Cette  recherche serait dotée des moyens indispensables et d’une autonomie de gestion qui la dégage de l’étroit corset administratif ; l’objectif étant bien de capitaliser une diversité assumée (et non concurrentielle) afin de produire ensemble des savoirs et des pratiques nouvelles confrontés à la réalité.

Les formateurs de formateurs, y compris les corps d’inspection et les universitaires, auraient alors pour mission de s’impliquer dans ses recherches-actions par et avec leurs étudiants, qui se formeraient pour l’essentiel dans des lieux de recherche. A terme, les enseignants du primaire et du secondaire, comme ceux du supérieur, pourront ainsi investir le statut d’enseignants- chercheurs, qui plus encore qu’un statut est une manière d’enseigner et d’apprendre.

Ces mesures contribueraient à faire pénétrer l’idée de changement dans une société crispée sur des apprentissages formels, peu intégrés, sans finalité  cohérente.

Réorientation du métier qui constituerait sans doute aussi un levier pour sortir du récurrent « malaise enseignant ».

                                        __________________

Les rédactrices et rédacteurs de cet appel, membres de DECLIC, ont la conviction d’apporter une contribution non négligeable au projet de refondation.

Militants associatifs et anciens acteurs de la Villeneuve, ils pensent ne pas avoir la notoriété suffisante pour espérer être entendus, c’est pourquoi ils se permettent d’indiquer que des  personnalités comme

Pierre-Gilles de Gennes, Antoine Prost , Louis Legrand, Albert Jacquard, Jean-Pierre Rosenczweig, Guy Vermeil, Roger Uberschlag, Bruno Defrance (…)

étaient déjà, en 1998, signataires d’un « MANIFESTE POUR LA CREATION DE SITES PILOTES DE L’EDUCATION NATIONALE » consultable sur internet où ils décrivaient une situation déjà très dégradée et débouchaient sur des propositions presque identiques :

(…) il faut :
1. favoriser les initiatives pédagogiques d’équipes locales qui vont dans le sens d’une véritable pédagogie active et coopérative inspirée des nombreuses expériences des mouvements d’éducation nouvelle ;
2. faire connaître ces innovations notamment aux parents d’élèves et, d’une manière générale au grand public, de façon à diffuser une information méconnue et à susciter une réflexion constructive sur l’École.

Seule une forte volonté politique du Gouvernement et principalement du Ministre de l’Éducation Nationale peut déclencher la dynamique nécessaire en reconnaissant officiellement aux initiatives locales précitées la qualité de sites pilotes de l’Éducation nationale.

L’une des conditions premières d’un site pilote est que les enseignants-éducateurs travaillent effectivement en équipes pédagogiques motivées et décidées à progresser en s’adaptant toujours aux besoins. La constitution de ces équipes impose que les nominations des enseignants dans les sites pilotes se fassent hors barème selon des modalités à préciser pour chaque type de site.

Une autre condition de réussite est que l’information circule constamment entre les sites pilotes : les enseignants-éducateurs doivent pouvoir se rencontrer à l’occasion de colloques et stages organisés durant les congés scolaires. Leur action doit être coordonnée : l’I.N.R.P. aurait vocation à organiser sur le terrain cette coordination, avec les soutiens suivis, évaluations et publications nécessaires (…).

Ces sites pilotes doivent s’insérer le plus possible dans la vie locale, notamment par une coopération avec les associations culturelles et sportives du village, du quartier, de la ville. Ils doivent être les pivots d’une véritable éducation permanente que les Collectivités locales et territoriales seront invitées à soutenir activement parce qu’elle représente à la fois un service public d’intérêt national et un important potentiel d’emplois nouveaux dans le secteur des services non marchands. L’éducation permanente consiste notamment à informer le public non spécialiste des problèmes de l’éducation : le site pilote constitue un cadre privilégié pour que le dialogue nécessaire s’instaure au seul niveau fructueux, le niveau local.

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Pour DECLIC :

A. Béranger - E. Buffin-Moreau - R.et R. Millot - M. Plisson - A. Sousbie

                                                                                       Grenoble  OCTOBRE 2012

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[1] Certains termes, certains textes cités, sont marqués d’un astérisque.

Ils seront développés ou présentés ci-après, dans la brochure en préparation.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.