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Billet de blog 9 décembre 2015

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La crise démocratique : quels modes de résolution ?

La 5e République un régime à bout de souffle: c'est ce que signale le statut décroché par le FN de premier parti de France. Ce constat est à mettre en perspective à l’échelle internationale, le pays jouant un rôle tant dans l’Union européenne que dans les institutions francophones et de l’ONU.

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Ce statut s’est révélé brutalement avec le catapultage de trois événements dans la dernière période, l’organisation à Paris de la COP 21, les attentats djihadistes dans la capitale et la progression du FN aux élections régionales. La nature historiquement double de l’Etat français, à la fois impérialiste et social-droitdelhomiste s’est traduite par trois décennies d’alternance et de cohabitation des partis de gouvernement, UMP et PS.  De la crise systémique, induite par les pressions exercées par l’oligarchie politico-financière sur la conduite des Etats et des institutions internationales, résulte l’intrusion de ce troisième élément qu’est l’extrême-droite. Ce phénomène est inversement proportionnel à la marginalisation médiatique et politique de la gauche de gauche, quatrième pilier de la vie politique[1]. Ainsi, le mouvement social et écologique est-il une victime collatérale de l’état d’urgence mis en place pour sauver les institutions du péril djihadiste.

Les responsabilités propres de la gauche critique dans sa marginalisatio

Son décrochage peut être situé en 2005, la victoire du non au référendum sur le TCE n’ayant pas donné lieu à un contre-programme crédible, sur le terrain de l’altermondialisme et de la réforme de l’Etat-nation et de ses relations au monde. Antérieurement, la chute du mur de Berlin a été pour cette gauche une opportunité ratée suite à la destalinisation du mouvement social,  de se solidariser avec les peuples des suds en lutte contre l’impérialisme de son Etat, sur ce nouvel axe moteur des relations internationales qu’est l’axe Nord-Sud[2]. Entre autres, le génocide rwandais (1994) et la guerre civile en Côte d’Ivoire (2002-2010) n’ont pas donné lieu à des réactions significatives et d’envergure. Le bilan de la politique oligarchique -criminelle au sud et délinquante au nord- lors de l’aventure sarkozyenne n’a pas été véritablement établi. Effet d’un inconscient national perverti, c’est le FN qui se donne à ses heures, de manière opportuniste, l’image de pourfendeur de la françafrique.[3]  

 Depuis lors, la présidence Hollande a accentué les tâches régaliennes de l’Etat, en matière d’interventionnisme  et de maintien de l’ordre ancien (tâches militaires, policières et en matière de justice d’exception). Avec un objectif affiché de constitutionnaliser l’état d’urgence, cela au détriment des institutions de l’Etat social, quant à elles gérées sous l’angle austéritaire ou du maintien d’une gouvernance autoritaire. Le cas le plus probant étant la mise sous tutelle grandissante des personnels enseignants par une administration technocratisée, la division des personnels comme il a été montré lors de la réforme des collèges et le délitement inquiétant de l’Ecole et de l’Université, institutions soumises aux vents mauvais du clientélisme et des marchés[4].  En résulte le mal-être de la jeunesse avec sa cohorte d’incivilités et de violences, à la crise de l’emploi s’ajoutant celle des valeurs et repères  citoyens. En témoigne le nombre de jeunes recrues pour le djihad (des milliers); 35% des jeunes de 18 à 34 ans ont voté FN.

Les avancées du mouvement social sont certes effectives dans d’autres domaines, notamment écologique (avec notamment la mobilisation dans le cadre de la COP 21) et  dans le domaine des relations homme-femme. Elles ne sont pas suffisantes au regard  de l’importance stratégique des problématiques géo-politiques, auxquelles sont liés les questionnements identitaires et culturels. Sachant par ailleurs que sa marge de manœuvre traditionnelle sur le terrain des droits socio-économiques est largement minorée par les avancées oligarchiques.  Sur la base de ces différents manquements, le FN truste ses problématiques anti-libérales et conquiert ses terres électorales. L’activisme du FN concernant les questions sécuritaires, migratoires et d’intégration des descendants des immigrés, fait écho en « métropole » à l’interventionnisme militarisé exercé par la présidence Hollande, suite à celle de N Sarkozy. Il y a là une véritable démultiplication de l’hybris nationaliste, ego collectif et volonté de puissance manifestés de manière cocardière à l’occasion des hommages rendus d’une manière unilatérale aux seules victimes françaises du djihadisme, le 11 janvier et le 13 novembre 2015. 

     La nationalisation systématique des enjeux des élections régionales est une autre marque de violence culturelle, qui s’est ajoutée à  la recomposition des régions par l’exécutif, ces faits étant à mettre au compte du centralisme autoritaire du pays.  Entre autres composantes de la diversité discriminées, les régions d’outre-mer dont les résultats électoraux n’ont pas été délivrés au public… La République n’est-elle pas  une et indivisible ? Dans les faits -et ceci explique peut-être cela, outre le décalage horaire- ces scores sont contraires à ceux de la "métropole", avec un vote largement majoritaire pour les gauches (sauf à la Réunion) et un FN souvent inexistant[5]. A ces discriminations régionales, s'ajoute une citoyenneté à deux vitesses: combien d'immigrés n'ont pu voter ou se sont abstenus et n'ont pu freiner, ce faisant, la progression du FN? Cela pèse lourd dans la balance au final[6].

Une comparaison avec les gauches espagnole et grecque est éclairante, à en juger aux succès spectaculaires de Podemos et de la gauche alternative aux dernières municipales en Espagne (le 24 mai 2015): deux femmes ont été élues maires sur une ligne progressiste, dans les capitales, Madrid et Barcelone[7]. Le 25 janvier 2015, le peuple grec a préféré mettre au pouvoir Syriza plutôt qu’Aube dorée[8]. La différence de réaction entre ces peuples européens ne dépend-elle pas du degré d’impérialisme des Etats de référence ? Les  responsabilités propres des gauches françaises sont donc à réaffirmer en fonction du statut spécifique de l’Etat-nation dans lequel elles évoluent, Etat double comme écrit précédemment, et dont il reste à rééquilibrer les rapports de force inter-institutionnels comme intercommunautaires[9]. Il s’agit par exemple de prendre acte de la mobilisation des quartiers contre les politiques de racialisation comme  l’a montré la marche pour la dignité, en commémoration des révoltes des jeunes des quartiers en 2005. Il faut espérer que les contre-performances françaises (4 élections remportées par les droites depuis la présidentielle de 2012), suite aux revers du peuple grec face aux diktats de l’UE, n’influencent pas négativement le vote espagnol  pour le renouvellement de l'exécutif, le 20 décembre prochain[10].   

Un programme de réforme de l’Etat-nation en matière de démocratie et de paix civile

Cette prospective est d’autant plus urgente à établir, les peuples étant confrontés à l’émergence d’adversaires plus redoutables désormais les uns que les autres : oligarchie politico-financière, extrême-droite et djihadisme islamiste concourent chacun à leur manière à la montée inquiétante des guerres et des conflits intercommunautaires et in fine à un « choc des civilisations ». Cela fait suite aux déséquilibres géo-politiques et économiques grandissants entre pays du Nord et du sud, qui conduisent désormais aussi à des migrations de masse difficiles à gérer. Cette spirale devenue infernale de la régression politique  pourrait conduire l’an prochain à une présidence officiellement nationaliste et xénophobe en France, pays carrefour.
         Un programme de salut public s’impose donc, à négocier entre les différentes composantes qui se revendiquent d’une République solidaire et sociale et qui sont actuellement souvent divisées et décrédibilisées auprès des citoyen-ne-s et jeunes[11], parfois autant que les partis traditionnels de gouvernement. Il reste à construire une résistance citoyenne organisée à l'égard des dérives d'abord austéritaires, puis autoritaires et militarisées de la présidence Hollande, qui s’avèrent autant d'applications d'éléments de programme frontiste ou des droites, au motif ou au prétexte du combat anti-djihadiste. Est à saluer le rôle fédérateur des médias non dominants en ligne tels Mediapart, pour assurer l’information et l’éducation populaire sur des problématiques devenues incontournables, en matière de démocratie et de paix civile.  Celles-ci concernent notamment les secteurs suivants, jusqu‘à présent minorés pour certains:

Dans le domaine de la politique internationale

-gestion parlementaire et contrôle médiatique de la politique extérieure, militaire, de coopération et d’industrie militaire de la France et de l'UE....Arrêt des OPEX (en Côte d’Ivoire…) ou contrôle strict selon le cas

- réforme des relations Afrique-France en fonction du programme énoncé par les organisations africaines progressistes et par l’association Survie. Cas spécifique du Rwanda et de la Côte d'Ivoire pour lesquels des demandes de commission d'enquête parlementaires ont été formulées, concernant le rôle de l'armée française dans les crises politiques vécues par ces pays....

-arrêt de la diplomatie économique avec les dictatures pétrolifères du monde arabe : Arabie saoudite, Qatar…

-démocratisation des institutions européennes, promotion du Parlement européen et renégociation du TCE

-démocratisation de l'ONU, abolition du Conseil de sécurité et/ou ouverture à d'autres continents et pays ....

Dans le domaine des institutions nationales

-soutien des juges dans les dossiers de corruption concernant l’oligarchie politico-financière (syndicat de la magistrature)

-démocratisation de l’Education nationale et de l’Université, et promotion des savoirs et des cultures émancipateurs

-Promotion des services publics d’une manière générale

-démocratisation des médias publics, égalité de traitement des courants politiques et philosophiques

Dans le domaine des relations intercommunautaires

-médiatisation, sans censure ni désinformation, de l’actualité Afrique-France et des Dom-Tom

-promotion des instances territoriales (régions, Dom-Tom, quartiers populaires…) comme contrepoids culturels et politiques en matière de gestion des pouvoirs

-éducation à une citoyenneté altermondialiste. Promotion d’une politique éducative en matière de diversité et d’interculturel à l’Ecole et dans les médias. En complément de la législation laïque

-droit de vote aux élections territoriales pour les ressortissants non communautaires

-arrêt des politiques de racialisation (contre la population rom…) et lutte effective contre les discriminations de genre et d’origine (en matière d’emploi…)

-arrêt des contrôles au faciès et de l’impunité de la police dans les quartiers

-traitement digne des migrants économiques et réfugiés politiques

 Dans le domaine de la citoyenneté

-arrêt de la criminalisation des mouvements syndical, social écologique et citoyen

-arrêt de l’état d’urgence (ou stricte limitation de celui-ci au combat anti-djihadiste) et encadrement strict de la politique du renseignement

-développement de la démocratie d’opinion via les médias et le cyber espace, pour relier les archipels de résistance et les remobilisations citoyennes, en France (entre mouvements sociaux et des quartiers populaires notamment), en Europe et dans l’espace francophone.

Au vu du caractère passionnel de l’expression majoritaire, caractère instrumentalisé par les médias dominants sur des objectifs souvent irrationnels ou réactionnaires, un contre-choc d’envergure et organisé de cet ordre semble nécessaire[12]. C’est symboliquement important pour espérer inverser la donne.

« Sa refondation politique et programmatique (de la gauche) s’avère incontournable sous peine de marginalisation durable ou même de disparition pure et simple. Une telle refondation ne peut venir d’une force politique particulière. Elle ne peut être que l’objet d’un processus de débat, de confrontation qui dépasse les forces politiques existantes et implique les citoyen-nes. Il ne s’agit pas de nier l’importance des forces politiques existantes. Mêmes très affaiblies, elles restent un lieu indispensable de la vie citoyenne. Mais de simples accords d’appareils ne peuvent aujourd’hui créer la dynamique nécessaire pour reconfigurer le champ politique et construire une nouvelle offre politique à gauche. Il faut donc engager un processus inédit avec toutes celles et tous ceux, encartés ou pas, qui sont opposés à la politique actuelle et qui refusent les perspectives mortifères de la droite et de l’extrême droite. L’élection présidentielle de 2017 peut être un moment de cette refondation avec une candidate ou un candidat qui serait issu de ce processus. Plus facile à dire qu’à faire, mais le pire serait de ne pas le tenter. »[13]


[1] Du fait du matraquage des médias dominants qui ont alimenté la paranoïa sécuritaire, toutes les listes n’ont pas été logées à la même enseigne. Les organisations politiques les plus favorables à un redoublement sécuritaire et guerrier ont  enregistré des hausses de popularité inversement proportionnelles à leur degré de responsabilité dans les passifs déplorés. Force est de constater que les règles du jeu ont changé et sont en partie pipées.   

[2] Dès 1989, une série de conférences nationales ont été convoquées par les peuples des pays d’Afrique francophone pour en finir avec les dictatures françafricaines. L’échec relatif de cette mobilisation d’envergure tient notamment au carcan exercé par les structures néo-coloniales et impérialistes. Les printemps arabes, qui se sont exprimées par la suite, ont subi des revers de cet ordre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rences_nationales_en_Afrique_francophone

« Entre février 1990 et août 1991, le gouvernement du Bénin, suivis par les gouvernements du Gabon, du Congo, du Mali, du Togo, du Niger, et du Zaïre ont organisé leurs propres conférences nationales suite aux demandes des forces pro-démocratiques. Au cours de cette période, les groupes d'opposition en République Centrafricaine (RCA), au Cameroun, en Madagascar, au Burkina Faso, en Mauritanie, et plus tard au Tchad ont demandé des conférences nationales, avec des résultats variés. Aussi longtemps qu’ils l’ont pu, les autocrates assiégés ont résisté aux conférences nationales parce qu’ils connaissaient la suite. »

[3] http://survie.org/billets-d-afrique/2015/252-decembre-2015/article/le-front-national-contre-la-5053

[4] Quelles responsabilités de la communauté éducative pour une sortie de crise?
https://blogs.mediapart.fr/refondation-ecole/blog/181015/quelles-responsabilites-de-la-communaute-educative-pour-une-sortie-de-crise

[5] http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015/resultats-elections/region-guadeloupe.html (89% pour les gauches)

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015/resultats-elections/region-guyane.html(89% pour les gauches)

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015/resultats-elections/region-martinique.html (42% pour les gauches; 39% pour une liste autonomiste)

 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015/resultats-elections/region-la-reunion.html (33% pour les gauches)

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015/resultats-elections/region-corse.html(34,5% pour les gauches)

[6] Le moindre score du FN en Ile de France (18%) doit s'expliquer notamment par l'importance des populations immigrées dans cette région. A noter que ce critère de vote (l'origine), de même que la différence du vote majoritaire dans les Dom-Tom, n'a pas été donné par les experts. C'est sur cet inconscient ethnocentré que surfe le FN.

[7] http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/25/elections-en-espagne-percee-historique-des-indignes_4639655_3214.html

[8] http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/01/25/grece-victoire-historique-du-parti-de-gauche-radicale-syriza_4563125_3214.html

[9] https://paris-luttes.info/marche-pour-la-dignite-et-contre-3749

[10] http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/espagne-vers-des-elections-generales-indecises-533359.html

[11] Un exemple de stratégie d’unité gagnante est celui de la liste « Nouveau monde en commun » qui a réuni en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées plusieurs organisations de la gauche critique : EE Les Verts, PCF, PdeG, Ensemble, Partit Occitan, sur des objectifs clairs de démocratisation. Cette liste a obtenu le meilleur score de la gauche de gauche, 10%.
http://nouveaumonde-encommun.net/
http://nouveaumonde-encommun.net/Charte-ethique-et-democratique

[12] La Stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre (titre original : The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism) 2007, Naomi Klein
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Strat%C3%A9gie_du_choc

[13] https://blogs.mediapart.fr/pierre-khalfa/blog/081215/refonder-l-espoir

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