François Fillon ne renonce pas à sa candidature pour l’élection. Pour beaucoup, sa détermination peut surprendre. Les plus naïfs prendront sa démarche pour une forme d’obstination et d’entêtement. Les plus observateurs salueront le courage de cet homme que la justice, les médias, la finance et une partie du monde politique poussent hors de la vie publique.
Sur France Info, les journalistes ont immédiatement commenté les propos tenus par François Fillon. Jean-Michel Aphatie et les autres ont fait preuve d’un autisme remarquable et habituel. François Fillon parle de la présomption d’innocence et les journalistes ne relève pas cet élément fondamental du droit français. Le concept est sans doute trop compliqué pour eux. Ils font comme s’ils n’avaient pas entendu les paroles du candidat et foncent bille en tête sur ses fautes, ses erreurs et sa culpabilité. François Fillon parle d’assassinat politique, et les journalistes, en cœur et entre soi, reprennent le refrain du complot. Bien entendu, la sortie inopinée de cette affaire, le tir groupé de la presse, les méthodes retenues par le parquet national financier pour diffuser ses dépêches un vendredi soir à 20 heures, tout cela leur parait normal, naturel et coordonné par la main invisible du seul et vertueux hasard.
Le vice-président du TGI de Pontoise, invité des journalistes de France Info, ironise à demi-mots sur les propos de François Fillon. Tous ceux et toutes celles qui ont eu affaire à la justice pénale, notamment toutes les victimes qui ont déposé une plainte, savent à quel point les décisions du Procureur de la République peuvent être longues à venir et une fois une information ouverte, à quel point l’instruction est longue et l’audition des premiers témoins tardive. François Fillon a raison d’en appeler aux français. Tous ceux qui attendent que leur dépôt de plainte soit instruit et qu’une instruction soit enfin effective doivent admirer avec fascination l’heureux hasard qui a fait que, dans le cas de M. Fillon, les délais de réaction de la justice se sont mesurés en heures puis en semaine. On se moque un peu de nous dans cette affaire mais visiblement se moquer des français est devenu une habitude si naturelle qu’elle se fond dans le paysage.
François Fillon a reconnu que le recrutement et la rémunération de ses proches sur une enveloppe budgétaire dédiée au paiement des assistants d’un parlementaire n’était plus une pratique voulue par les français. Il s’en est excusé. Force est de constater que si les salaires versés ont été élevés, cela était rendu possible par des dispositions légales qui instituaient ces crédits budgétaires alloués aux parlementaires. L’appréciation de chacun sur ces rémunérations devient donc une appréciation personnelle qui ne peut pas avoir force de loi, force de morale, force de vertu.
François Fillon est incontestablement un homme blessé par la méthode cynique qui vise à faire de lui un homme à abattre. Sa blessure est d’autant plus grande que son épouse et ses enfants sont mêlés à ce lynchage médiatico-politique. François Fillon est un homme blessé mais il fait face car, si moralement on peut lui faire des reproches concernant l’affaire (reproche de ne pas avoir été en phase avec l’air du temps qui réprouve une pratique légale), il devient chaque jour davantage une victime de la fureur de ceux qui veulent le faire partir. Une victime a pour habitude de se défendre !
Les Français sont observateurs. Ils regardent. Ils écoutent. Ils se souviennent des autres affaires bien plus graves qui ont éclaboussé la vie politique française. Ils sont, pour certains, dans l’attente d’une justice tout aussi rapide qu’elle a pu l’être vis-à-vis de François Fillon, mais dans une attente vaine. Les Français, à la différence de nombreux journalistes, se rendent compte que quelque chose ne va pas dans cette affaire ou au contraire va trop bien et trop vite. Les Français assistent à la mise à mort politique d’un homme dont le courage est indéniable car il faut être courageux pour reconnaître ses erreurs et se présenter face à eux tandis que la meute des acharnés aboie et sort les crocs.
Ce week-end, j’étais à Bruxelles. Sur la devanture d’un marchand de journaux, la une de Paris-Match consacrée à Pénélope Fillon était affichée. Assis dans un tramway, mon regard a brièvement croisé le visage de Mme Fillon qui est resté devant mes yeux, comme une image flottant sur un écran imaginaire. Il y a beaucoup de noblesse dans le regard de Pénélope Fillon. On y perçoit une forme d’appréhension du monde extérieur et de fragilité intérieure. Le fait que cette femme subisse avec son mari un tel déluge de quolibets, de telles attaques de toute part ma parait disproportionné au regard des faits reprochés. La violence de ce qui se passe est même inquiétante quand on perçoit cette fragilité de Mme Fillon. La France, dans son passé, a parfois basculé dans des violences incontrôlées vis-vis de certains individus. Il ne faudrait pas que l’irrationalité de ce déchaînement contre François Fillon aille au-delà du raisonnable. Le sentiment de l’excès de ces attaques, de la nécessité de laisser une justice rapide faire son enquête et de laisser aux français le soin de trancher par le vote s’insinue de plus en plus en nous. Aujourd’hui, il faut manifester la volonté de revenir au vrai débat politique, celui des idées et des projets et mettre un terme à la violence subie par M. Fillon et surtout par ses proches.
François Fillon, dans son discours aux Français, a aujourd’hui incontestablement revêtu les habits d’un homme d’Etat. "On n’imagine pas le général de Gaulle mis en examen" avait dit François Fillon, en oubliant que le général de Gaulle avait été condamné à mort par les tenants d’un certain ordre. Ne nous faisons pas d’illusion. Aujourd’hui, le général de Gaulle aurait surement été mis en examen pour quelque chose car indéniablement sa vision de la France aurait dérangé les faiseurs de roi. François Fillon sera mis en examen car il dérange. Il revient désormais au peuple français de faire en sorte que François Fillon ne soit pas condamné à mort médiatiquement et politiquement.