A la question « Quel est votre sentiment sur Le grand débat, présidentielle 2017 ? », posée par MesOpinions.comà 5 584 internautes, 25% ont trouvé ce débat stérile tandis que seuls 6% des internautes ont qualifié ce débat de décisif. 57% des personnes interrogées ont une image négative de ce débat. Ces chiffres sont cruels pour les candidats qui peinent à convaincre une majorité de Français du bien fondé de leur programme.
Ces chiffres sont aussi cruels pour BFMTV et CNews qui avaient enfin donné la parole aux « petits candidats ». Ces derniers étaient invités et la démocratie y a gagné. En effet, soit on instaure des règles draconiennes pour faire acte de candidature à l'élection présidentielle (au risque d'instaurer une sorte de régime oligarchique), soit on accepte les règles actuelles et tous les candidats sont légitimes.
La parole des "petits candidats"
La parole des « petits candidats » aura apporté dans le débat de mardi de la « fraicheur ». Souvent spontanés, aux accents de sincérité et sans langue de bois, les « petits candidats » ont clairement marqué leur opposition aux « grands candidats ».
Certes, beaucoup de positions exprimées par ces « petits candidats » frappaient par une certaine forme de rhétorique « obsessionnelle » : Mme Arthaud a déclaré ne pas vouloir s’adresser aux Français mais aux travailleurs et aux travailleuses victimes des patrons et Philippe Poutou s’est affiché en opposition au patronat et aux riches et a néanmoins rejeté toute idée de protectionnisme pour se concentrer sur l’ennemi : l’austérité imposée par l’Europe. Le problème c'est que M. Poutou n'a rien de concret à proposer pour le pays. Gouverner un pays ne se fait pas entre potes, eussent-ils le cœur sur la main.
M. Asselineau a lui aussi son obsession : la sortie de l’Europe. Cela est normal, la critique de l’Europe est son sujet de prédilection. Le candidat a brandi l’article 106 du Traité « C'est en particulier sous la pression de l'article 106 du TFUE, qui nous impose progressivement de privatiser les uns après les autres tous les services publics à la française (…) » et de promettre une sortie, sans perte et fracas, de l’Union Européenne, de l’Euro et de l’Otan. Jacques Cheminade s’en est pris violemment à la finance. M. Dupont-Aignan se veut protectionniste. Jean Lassalle, avec un fort accent bougrement sympathique mais parfois inaudible, propose de se recentrer sur la France.
Comment expliquer l’inefficacité du débat à éclairer les Français ? Il y a surement plusieurs raisons à tout cela mais l’une d’elle, en lien avec la présence des petits candidats, mérite d’être proposée : il y avait chez tous les candidats des propositions de bon sens et des propositions dont on pressent la justesse et la nécessité.
Une dispersion des bonnes analyses
Autrefois, les campagnes électorales étaient de façon caricaturale le point d’orgue de l’opposition gauche/droite. Aujourd’hui, tous les candidats, y compris Mme Le Pen, ont des propositions qui transcendent ce vieux clivage et font une analyse de la situation qui est celle perçue, en partie, par les Français.
Mme Arthaud, en quelques mots, a rappelé à M. Mélenchon qu’il peut changer autant de fois qu’il le souhaite la numérotation de la République et les institutions que cela ne changera rien à la situation présente. Et c’est vrai, les problèmes actuels n’ont rien à voir avec les institutions mais tout à voir avec le mode de fonctionnement de l’économie mondiale. Mais M. Mélenchon a sa marotte ou plutôt son doudou. Pour lui, la solution est de changer la forme (les institutions) tout en ignorant provisoirement le fond (le modèle économique).
La plupart, si ce n’est tous les candidats, reconnaissent que la finance est un problème majeur dans le fonctionnement de nos sociétés. La dette ne peut pas s’analyser sur le seul aspect de son montant et des intérêts à servir. Il faut aussi se poser la question du financement des Etats, de leur indépendance vis-à-vis des banques et de la composition de cette dette (nature des créances).
La plupart, si ce n’est tous les candidats, reconnaissent un déficit démocratique dans notre pays. Le peuple ne peut pas être convoqué tous les 5 ans avant d’être renvoyé dans la pénombre. La possibilité d’un référendum populaire (la Suisse applique ce système et ne s’en porte pas plus mal), la possibilité de la révocation de certains élus, le renouvellement du personnel politique en limitant les mandats ou la reconnaissance du vote blanc paraissent de plus en plus comme des revendications légitimes.
La plupart, si ce n’est tous les candidats, reconnaissent que l’Europe est un échec démocratique et doit être repensée. Constater que l’Europe fonctionne mal n’est pas très difficile. Proposer un "New deal institutionnel" européen est un autre défi.
Des « grands candidats » sur la réserve
Les « grands candidats » ont souvent paru sur la réserve. Jean-Luc Melenchon s’est dit prêt à exercer la fonction présidentielle (on s’en doute) puis il a justement rappelé la triste vérité des 2 000 personnes qui meurent dans la rue chaque année. En cet instant, difficile de ne pas penser à l’admirable combat de Geneviève de Gaulle-Anthonioz et de ne pas se désoler de cette situation de faillite humaine et sociétale.
Benoît Hamon se veut un président honnête (on s’en doute) et veut en finir avec les hypocrisies…on le comprend tant ce dernier a vécu ces derniers jours les pires trahisons de ceux qui prétendent encore avoir un destin national.
Marine Le Pen s’est un peu empêtrée avec son histoire de crèche dans les mairies. A chaque débat nouveau, elle apparaît comme une sorte de matrone qui entonne la même chanson au refrain connu.
François Fillon, très (trop) maître de lui a dressé un portrait dramatique de la situation économique de la France (chômage, dette) et a reconnu la nécessité de « sauver l'Europe qui est à la dérive ». François Fillon a les idées claires sur ce qu’il veut faire « D’ici 10 ans, mon objectif est de faire de la France la première puissance européenne. Il faut de la force pour gouverner la France. Cette force je l'ai et je veux la mettre au profit de notre pays ». Cette déclaration d’intention est doublée par le rappel des mesures fortes à prendre et de la définition d’exemplarité d’un président qui ne doit pas cacher l’état du pays aux Français ni les solutions nécessaires au redressement et doit, au terme du mandat, rendre le pays plus fort et plus solide. François Fillon assume le côté impopulaire de certains de ses propos mais changer la politique c’est aussi cesser de promettre aux Français des lendemains radieux sans faire le moindre effort.
Un favori des sondages institutionnels toujours sans profondeur
Emmanuel Macron, droit et le regard fixé sur un horizon au-delà des caméras, semblait jouer au président déjà éluet déjà loin des autres candidats. Posture de plus dans la panoplie de M. Macron. Globalement M. Macron a professé des banalités et certains l’auront taclé sur ce vide (M. Dupont-Aignan). De façon plus « comique », M. Macron a déclaré vouloir proposer une véritable alternance. Drôle d’alternanceque de reconduire au pouvoir M. Hollande via M. Macron ainsi que de nombreux membres du Gouvernement de M. Valls, y compris ce dernier. Rappelons que pour prendre des mesures fortes, il faut une majorité à l’Assemblée nationale. Or, l’aréopage hétéroclite qui entoure M. Macron laisse augurer une débandade d’un quinquennat Macron et non un quinquennat d’alternance.
Le problème de M. Macron est de vouloir incarner l’alternance alors qu’il est le soutien et le produit des banques tant décriées dans le débat et qu’il est la continuation de la politique de M. Hollande. Ces contradictions, entre ce qu’il est et ce qu’il prétend vouloir incarner, l’amène à prononcer des lieux communs et des phrases creuses. « Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur » disait Montesquieu. (Pensées diverses. Œuvres posthumes 1798).
C’est sans doute la confirmation, à chaque débat, de cette absence de profondeur du supposé favori à l’élection présidentielle et le constat que la vrai alternance se fera par le biais de mesures douloureuses mais nécessaires qui conduisent les Français à avoir une opinion négative de la portée du débat de mardi soir.