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Billet de blog 10 avril 2017

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Frappes US sur la Syrie du 7 avril 2017 : le droit international mis à la corbeille

Les récentes frappes américaines sur la Syrie sont hélas au diapason de beaucoup d'autres interventions occidentales : un prétexte pour servir des intérêts différents de ceux affichés. Le cynisme en politique n'est pas nouveau, mais ici, il est lourd de conséquences pour la paix du monde. Le général Delawarde a produit une analyse fouillée de ces frappes et nous pousse à réfléchir.

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Dans un article fort bien documenté, le Général Dominique DELAWARDE (Ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique» à l’État majot interarmées de planification opérationnelle) est revenu sur les récentes frappes américaines en Syrie. L’auteur s’est étonné que M. Trump, « à l'opposé de ses promesses électorales et de ses 18 tweets critiquant l'engagement et les frappes d'OBAMA en Syrie », fasse « ce que Bush avait fait en 2003 :  agresser un pays souverain sans aval de l'ONU sur la base d'un très probable mensonge ou, au mieux, sur la base d'informations non vérifiées venant de sources extrêmement douteuses (OSDH, casques blancs) ».

Le général Delawarde nous rappelle le contexte de ces frappes (Avancée des  Forces armées syriennes appuyées par les Russes, les Iraniens et le Hezbollah, sur tous les fronts tandis que l'armée Syrienne libre et les Kurdes, appuyés par les forces de la «coalition occidentale», piétinent devant Rakka et utilisation de gaz par Daesh à plusieurs reprises face à ses ennemis), la nature et les résultats de ces frappes (59 missiles Tomahawk tirés, 23 atteignant leur cible et 36 autres ailleurs mais où ?, destructiond’un dépôt de matériel, de six à neuf avions MIG-23 et une station radar, 10 soldats de tués ainsi que neuf civils dont quatre enfants).

Le général s’interroge sur l’efficacité des frappes occidentales, leur intensité en plusieurs mois de guerre et sur la réelle intention de la coalition d’en finir avec Daesh puis il analyse les conséquences de ces frappes au niveau international. Le général Delawarde y voit un accroissement de l’insécurité « pour toute intervention de la coalition, occidentale dans le ciel syrien », la possible destruction « d’un avion de la coalition internationale dans l'espace aérien syrien au cours des prochaines semaines » et surtout redoute la mise en route d’un « engrenage pouvant conduire à un conflit multinational ».

Le Général Delawarde observe qu’au lendemain de la frappe, M. Trump a limogé son bras droit et ex-directeur de campagne Stephen Bannon et pourrait bénéficier de la situation sur le plan intérieur américain (faire confirmer son candidat à la cours suprême Neil Gorsuch par le Sénat).

En France, nous fait remarquer l’auteur, « Marine Le Pen, Asselineau, Dupont Aignan et Mélenchon désapprouvent une action conduite sur la base d'informations douteuses (…) et sans aval des Nations Unies », « Fillon s'interroge plus prudemment sur le bien-fondé d'une telle intervention », « Seul Hamon » applaudit des deux mains en reprenant la position de Hollande » et « Emmanuel Macron continue de penser, comme ses maîtres, sans enquête et sans preuve, que le principal responsable de ce qui est survenu est Bachar el-Assad et appelle à une action coordonnée «sur le plan international en représailles au régime de Bachar» ».

Pour le général Delawarde, ces frappes au bilan minimaliste avaient une utilité pour la politique intérieure américaine et pour le président Trump.

Cet article met en lumière le cynisme et surtout la légèreté de M. Trump : bombarder un pays étranger au risque de tuer de nombreux civils et de déclencher un conflit international pour calmer ses ennemis politiques intérieurs et obtenir un peu de marge de manœuvre politique. Cette légèreté n’est pas inutile pour tout le monde mais est-elle utile au peuple syrien et à la paix mondiale ? On peut en douter. On doit aussi s’interroger sur le droit à géométrie variable : comment reprocher à un dictateur de violer des traités internationaux et des grands principes reconnus par la communauté internationale (droit de l’homme) tout en violant soi-même le droit international ? Rappelons à M. Trump, et à M. Hamon, qu’il existe une Organisation des Nations-Unies (ONU) et des traités multilatéraux qui interdisent de frapper un pays étranger de façon légale. Fouler du pied l’ONU et le droit international n’est pas la meilleure manière de donner l’exemple.

Je vous invite à lire cet article extrêmement fouillé sur Irocblog. Je tenais à  partager cette analyse d'un militaire. En effet, il est toujours bon d'entendre ce que des professionnels ont à dire sur un sujet qui est leur domaine. La guerre et les opérations extérieures sont du domaine des militaires mais aussi des diplomates. Le général Delawarde nous communique son point de vue et ouvre ainsi le débat sur ces frappes, leur utilité, leur conséquence et les enjeux auquels elle peuvent répondre. Il serait intéressant de lire l'éclairage donné par des diplomates sur ces frappes du 7 avril dernier.

Régis DESMARAIS

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