Quand un homme de moins de quarante ans surgit dans le microcosme politique, mène tambour battant une campagne présidentielle et se retrouve élu au poste de président de la République, on attend de lui quelque chose qui sorte du commun, un nouveau style et la mise en œuvre d’une politique qui s’émancipe des règles, vocabulaire et méthodes jusqu’alors utilisés et parfois usés jusqu’à la corde.
Emmanuel Macron, dans la crise engendrée par le Covid-19, a montré ses failles dont la plus remarquable est celle de sa soumission aux dogmes méthodologiques que récitent par cœur certains représentants des « sociétés savantes ». Dogmes dont la brutalité est presque inhumaine dans le cadre de cette pandémie. On évoque les malades comme s’ils étaient des variables statistiques. On trouve naturel de sacrifier un groupe placébo, le dépossédant ainsi de son humanité.
Cette confrontation entre les attentes suscitées par l’élection d’un jeune président et le triomphe d’une pensée figée dans des règles méthodologiques érigées en lois sacrées et indépassables s’est révélée cruelle pour le Gouvernement, le président et pire encore, pour les victimes mal soignées du Covid-19.
Ce que l’on attendait d’un jeune président (l’émancipation par rapport à des règles figées) est venu d’un chercheur plus proche de la retraite que de son entrée dans la vie active. Le professeur Raoult, est celui qui a dénoncé « une certaine conception de la science arraisonnée par la technique statistique et les process administratifs » ainsi que le précise Arnaud Benedetti dans un excellent article publié dans le Figarovox/Tribune du 9 avril 2020.
Emmanuel Macron doit s’adresser aux Français lundi prochain. Pour préparer cette intervention, le président a décidé de consulter des scientifiques de tous bords. Le président visiblement veut se faire sa propre idée sur les suites à donner à la crise actuelle. Ces consultations ne pouvaient pas omettre Didier Raoult, l'homme qui fait preuve d’une si grande indépendance par rapport à des règles méthodologiques dont il dénonce le caractère inapproprié dans la lutte contre la pandémie. La visite du président de la République au professeur Raoult, si elle ne cautionne pas ses travaux, ainsi que s’est empressé de le dire l’entourage du président, est sans conteste emblématique de la prise de conscience par le président d’une nécessité d’agir.
Faut-il rappeler aux Français, et au président, que sur le plan politique et institutionnel, le vrai patron, en France, c’est le chef de l’Etat car c’est lui que la Constitution désigne comme le maître du jeu politique. Ceux qui décident, ce ne sont pas les sociétés savantes ou les comités Théodule. A n’appliquer que docilement leurs recommandations, les ministres ou le président renonceraient à être des politiques pour se transformer en de simples gestionnaires voire singes savants à force de répéter au mot près ce que disent les « sociétés savantes ».
Tous les Français ne peuvent espérer qu’une chose de toutes les consultations actuelles du président : que ce dernier devienne un vrai homme politique qui prend en charge la chose publique et s’émancipe des conseils prodigués par des hommes formatés par des règles sacralisées ou pire, des hommes soumis à des intérêts privés. Il est tout de même assez curieux de voir au côté du premier ministre et sur les plateaux télé une chef de service d’un hôpital parisien qui est liée à plusieurs laboratoires pharmaceutiques lesquels la rémunèrent pour diverses prestations. Le président doit enfin gouverner par lui-même et prendre des décisions, peut-être en rupture avec les habitudes, mais des décisions dont lui seul est l’auteur et qui servent l’intérêt général.
C’est dire si l’intervention de lundi prochain sera le moment de vérité. Au regard de la crise actuelle et du climat social, le président va jouer son avenir politique et peut-être celui du pays. Si Emmanuel Macron se saisit des maux qui frappent le pays, si le président sait reconnaître les fautes de son Gouvernement dans la gestion de la crise, si le président affiche un volontarisme fondé sur des choix clairs et pertinents, alors il marquera l’histoire de façon positive. Si le président parle aux Français comme il l’a fait jusqu’à présent, il est à craindre que dans ce pays des fractures profondes séparent durablement une fraction importante des Français de leurs dirigeants et de ceux qui les soutiennent. Les uns ne comprendront plus les autres et les rejetteront. Quel avenir aura alors notre pays s’il est désuni ?
Il est urgent de redonner sens à la parole politique et cela ne sera possible que si cette parole prend en compte la réalité du terrain et ce que vivent les Français. Cette parole politique sera de nouveau entendue si elle se libère des formatages multiples qui étouffent la créativité, la prise de risque et les possibilités de rupture.
A lundi !
Régis DESMARAIS