Propos liminaires :
Les lecteurs de mon blog savent que j’aborde depuis mon premier article la problématique de la gouvernance et du contrôle des autorités administratives indépendantes. Dans ce cadre, j’avais cité pour illustrer mes propos un drame survenu au sein de l’Autorité de la concurrence. Bien mal m’en a pris ou le contraire. En effet, depuis la citation de ce drame, j’ai essuyé diverses interventions soit d’un vice-président de cette Autorité, soit du président même de cette Autorité. Ces interventions, loin de m’impressionner, m’ont donné l’occasion de vérifier ce qui était dit sur le blog de l’association des amis d’Alain Mouzon. Pire, j’ai constaté à quel point le président de l’Autorité de la concurrence s’enfermait dans une vision déformée du monde, une vision dominée par la certitude de son bon droit.
Je viens de lire le dernier article publié sur le blog de l’association des amis d’Alain Mouzon et j’ai décidé de répondre à l’invitation lancée à tous les lecteurs de ce blog : à savoir diffuser leur dernier article. En effet, ce que révèle l’association et ce que dit une journaliste de «L’OBS» dans un article intitulé « Bruno Lasserre, l’homme qui a fait peur à Martin Bouygues » est scandaleux et nécessite une large diffusion publique pour que chaque citoyen comprenne le mode de raisonnement de certaines «élites».
Vous trouverez ci-dessous l’article publié par l’association des amis d’Alain Mouzon dans sa presque intégralité.
« Bruno Lasserre espère-t-il vraiment manipuler l’opinion ?
Le 7 avril 2016, « L'OBS » a publié un article à la gloire de M. Lasserre. Le personnage est décrit comme un homme puissant, qui fait trembler les grands patrons, incorruptible et forcément intègre. Cet article est intitulé sobrement «Bruno Lasserre, l'homme qui a fait peur à Martin Bouygues». Un paragraphe de cet article a retenu l'attention et va nous servir à une impitoyable démonstration de manipulation d'un média et de l'opinion publique. Nous allons successivement examiner les mensonges colportés par cet article, la déformation de la réalité des faits qui ne peut que désinformer le lecteur et l'invention d’un fait qui ne peut que salir une victime. Nous savons de source sûre, d'une part, que l'intention de la journaliste n'était pas de blesser les proches de la victime, et d'autre part, que cet article ne fait que reprendre les propos de M. Lasserre. Mme Nora, auteure de cet article, L'OBS, notre association, les amis, les collègues d'Alain, sa famille et tous les lecteurs ont été abusés de façon intentionnelle.
Premier exemple de manipulation : l'évocation d'un blog « anonyme », qui en réalité n'est pas « anonyme ».
La journaliste, Dominique Nora, aborde la mort d'un agent de l'Autorité de la concurrence (ADLC) et le harcèlement moral évoqué à l'occasion de cette affaire. La journaliste nous apprend que ce qui a récemment empêché M. Lasserre de dormir est un blog « anonyme » qui l'a personnellement mis en cause dans l'affaire de cet agent victime de harcèlement moral. Le blog « anonyme » est en fait le blog visé dans le mémoire en observation produit par l'ADLC devant le tribunal administratif de Paris et qualifié d’« anonyme » par cette Autorité : il s'agit du blog des amis d'Alain Mouzon, du nom de l'agent décédé à l'âge de 46 ans en raison du harcèlement moral subi.
La journaliste a sans doute repris les propos de M. Lasserre mais de toute évidence elle a pris pour argent comptant les propos qui lui ont été tenus. Grave erreur et absence caractérisée de rigueur professionnelle. En effet, le blog « anonyme » visé dans cet article est le blog de l'association des amis d'Alain Mouzon. Il suffit alors de se rendre sur ce blog pour procéder à quelques constats : le blog est identifié dès sa page de garde comme le blog des amis d’Alain Mouzon. Par ailleurs, une page du blog présente un extrait des statuts de l'association des amis d’Alain Mouzon tandis qu'une autre page présente les objectifs de l'association. Enfin, il est proposé à tous les lecteurs du blog désireux de communiquer avec l'association, en dehors des commentaires aux articles, d'écrire à l'association en utilisant l'adresse courriel au nom de l'association. Une association est une personne morale dotée de la personnalité juridique. Le soi-disant blog « anonyme » est en fait le blog de la personne morale « Association des amis d'Alain Mouzon ». Vous en conviendrez, Mme Nora et vous lecteurs, qu'en matière de blog « anonyme » on fait mieux.
Mais le pire n'est pas là. Seul M. Lasserre a pu faire à la journaliste une confidence intime sur ses troubles de sommeil et le motif de ces troubles, à savoir les mises en cause de ce blog « anonyme ». Or nous touchons la à une forme d'irrespect de la journaliste : comment M. Lasserre peut-il se plaindre d'un blog « anonyme » alors que le 4 décembre 2015, ce personnage a écrit, via son conseil juridique, au président « anonyme » de l'association « anonyme » qui gère un blog « anonyme » le tout à une adresse « anonyme » ? La réponse est simple, M. Lasserre a sciemment fait écrire une contre-vérité à une journaliste qui ne vérifie pas les informations données, car le 4 décembre 2015, M. Lasserre a envoyé une lettre en R/AR au président de l'association des amis d'Alain Mouzon pour exiger un droit de réponse sur le blog qui trouble ses nuits de sommeil. Certes, on peut supposer que la journaliste a déformé les propos de M. Lasserre ou a mal interprété la parole de « l’homme qui a fait trembler Martin Bouygues ». C’est peu probable étant donné que ce genre d’article est lu et relu, notamment par celui qui en est le sujet. Une telle erreur aurait été détectée avant publication. Nous sommes donc face à un vilain mensonge, vilain procédé et détestable manipulation de la presse.
Deuxième exemple de manipulation : la déformation de la réalité.
Mme Nora évoque succinctement l'affaire ayant conduit au décès de l'agent de l'ADLC et parle en ouvrant les guillemets et sans doute en citant M. Lasserre de l'existence d'un « manager toxique ». Le problème est que cette expression n'apparait dans aucune pièce du dossier, y compris dans l'étude sur les risques psycho-sociaux au sein de l'ADLC. La vrai expression est « management toxique » et même « management toxique et disqualifiant » et non « manager toxique ». La différence de sens est capitale. Ce qui a été dénoncé par la médecine de prévention, par les spécialistes sur les risques psycho-sociaux et par la justice est un « management toxique ». Ce qui est en cause dans cette affaire, ce n'est pas uniquement les méfaits bien réels d'un seul homme mais un contexte général de management « toxique et disqualifiant ». Le rapporteur public du tribunal administratif de Paris évoquera même les dysfonctionnements de la chaine de commandement hiérarchique. L'utilité de la déformation de l'expression « management toxique » en « manager toxique » saute immédiatement aux yeux : il s'agit de préserver M. Lasserre en faisant porter la responsabilité du mal-être des agents sur un seul homme : l'ancien chef du service juridique de l'ADLC. En effet, depuis la condamnation de l'Etat par le tribunal administratif de Paris en raison du harcèlement moral subi par l'agent décédé et le défaut de protection dont il a fait l'objet - jugement que Mme Nora oublie de citer pour des raisons mystérieuses -, M. Lasserre ne cesse de déclarer qu'il ne savait rien de ce qui se passait depuis presque deux ans sous ses yeux. La déformation de l'expression « management toxique » en « manager toxique » est donc bien utile pour modifier la réalité des faits et la faire correspondre avec la théorie du chef d'administration qui ne savait rien de ce qui se passait dans un service qui lui était par ailleurs directement rattaché : vilain mensonge, vilain procédé et détestable manipulation de la presse.
Troisième exemple de manipulation : l'invention qui salit la victime.
Mme Nora parle alors de la victime devenue « alcoolique »... ah bon ? Mais où donc Mme Nora est-elle allée chercher cette information inexacte ? Rappelons à cette journaliste que la victime absorbait effectivement de l'alcool mais à un unique moment : au moment le plus fort des phases de dépression. En dehors de ces phases, la victime ne buvait pas. La prise d'alcool au moment de la phase aiguë d’une dépression est médicalement documentée et par ailleurs expliquée par le médecin qui suivait la victime : cette prise d'alcool, circonscrite dans le temps, était un substitut médicamenteux lors de troubles anxieux sévères. Il est remarquable que ni la commission de réforme (composé pour moitié de médecins) qui a reconnu l'imputabilité au service du décès de la victime et le caractère professionnel de la maladie de la victime, ni les ministres de l'économie et des finances qui ont repris les avis de la commission de réforme, ni les juges de Paris, n'ont parlé d'alcoolisme de la victime. Alors Mme Nora où avez-vous trouvé cette information inexacte ? « Alcoolisme » de la victime : vilain mensonge, sordide procédé et détestable manipulation.
Quatrième exemple de manipulation : l'affirmation selon laquelle M. Lasserre a réagi avec célérité.
On reconnaît le leitmotiv de M. Lasserre : « dès que j'ai su, j'ai réagi avec célérité ». Rien n'est plus faux. Mme Nora, vous auriez dû lire le jugement du 17 mars 2016 dont visiblement vous ignorez l'existence. En lisant ce jugement, vous auriez appris que « c'est au vu des alertes répétées des acteurs de la médecine de prévention et des organisations syndicales que l'administration a engagé les actions requises par la gravité de la situation ». La célérité n’est pas spontanée car il a fallu des alertes …répétées avant que les choses ne bougent. Mme Nora vous auriez aussi pu constater que M. Lasserre a donc réagi (sous la pression des syndicats et des acteurs de prévention) mais que s'il a démis, en mai 2013, le chef du service juridique de ses fonctions, ce dernier est encore resté 9 mois dans les locaux ! Pendant 9 mois, harcelé et harceleur ont continué de se côtoyer. Le tribunal relève même que dès septembre 2012, l'administration, lors d’un CHSCT, a été informée des problèmes vécus par un service et un agent sans que cette administration, si prompte à réagir avec célérité, ne cherche à savoir quel était le service concerné et quel était l'agent en souffrance. Rappelons à Mme Nora que le président du CHSCT est Bruno Lasserre ainsi, dès septembre 2012, ce dernier avait été informé de graves dysfonctionnements dans ses services. Si Mme Nora avait fait un vrai travail de vérification des informations données, elle aurait appris que dès 2009, M. Lasserre savait que le futur chef du service juridique posait problème et que des faits de harcèlement moral étaient déjà évoqués. Quelle a été la réaction de M. Lasserre à l'époque ? Avec célérité, il a nommé celui qui était encore son chef de cabinet et dont la réputation était douteuse au poste de chef du service juridique…
Enfin, nous apprenons que M. Lasserre a été blessé par cette tragique affaire ... car il ne se reconnait pas dans ce portrait de patron insensible... Pour les proches et les amis de la victime c'est la douche froide ! Ce qui a blessé M. Lasserre ce n'est pas la mort dramatique d'un homme à l'âge de 46 ans en raison du harcèlement moral subi et du défaut de protection dont il a fait l'objet, ce n'est pas la peine d'une mère qui a perdu son unique enfant, ce n'est pas la peine des amis et collègues de la victime. Non, ce qui a blessé M. Lasserre c'est le portrait peu flatteur qui est dressé de lui à l’occasion de ce décès. Je reste persuadé que Mme Nora, au fond d'elle même, aurait trouvé ce portrait juste, car il faut être bien insensible, narcissique et emprisonné dans la fausse image de sa gloire pour n'être blessé que par la mauvaise image donnée de soi et rester de marbre face au décès tragique d'un homme. Comme écrivait Paul Valéry « Le glorieux se doit de considérer les autres hommes comme moindres - comme sujets à l'erreur - faibles - sauf en ce seul point, qu'ils ne se trompent pas en le jugeant supérieur à eux. Il les trouve sots en tout, excepté en cela.». Du point de vue de la morale et de l’humanisme, il y a peu d'espoir à entretenir car le motif de la « blessure » de M. Lasserre en dit long sur ce que représente à ses yeux la victime de ce drame.
En quelques lignes, une campagne de désinformation, d'irrespect du journalisme et des lecteurs a entaché l'image d'un hebdomadaire sérieux. Ce dernier ne doit pas laisser passer ce genre de pratique. Une absence de réaction de « L'OBS » signifierait que cet hebdomadaire cautionne des pratiques de désinformation, ce qui parait impossible eu égard à ce que représente cet organe de presse. Nul doute que « L’OBS », à son insu, a été utilisé par M. Lasserre pour tenter d’échapper à l’opprobre que suscite la mort tragique d’Alain Mouzon.
Outre la tragédie de cette mort, le tragique se loge aussi dans le peu de considération pour la victime affichée par le chef de l’administration dont elle dépendait hiérarchiquement, chef d’administration qui semble faire de cette affaire une guerre personnelle pour défendre son image alors que toutes les actions de l’association et de la famille du défunt ont eu pour seul et unique but la défense des droits et de la mémoire d’Alain Mouzon. / (…) » (Association des amis d'Alain Mouzon)
Commentaires :
En lisant l’article publié dans « L’OBS », je me suis demandé si Mme Nora et Bruno Lasserre ne visaient tout simplement pas mon propre blog. Toutefois, je ne crois pas à cette hypothèse pour les raisons suivantes :
1°) mon blog n'est pas anonyme puisqu’il est à mon nom ;
2°) le blog qui a porté sur la place publique cette affaire est le blog de l’Association des amis d’Alain Mouzon. C’est un blog riche de nombreux articles documentés. L’association continue de veiller à la mémoire de l’agent décédé en répondant aux propos de M. Lasserre. L’article que je viens de reproduire est un parfait exemple du dynamisme de leur blog ;
3°) l’Autorité de la concurrence, qui ne se renouvelle pas beaucoup dans son argumentation, avait déjà qualifié le blog de l’association de blog anonyme dans son premier mémoire en observation produit devant le tribunal administratif de Paris.
Je souhaite conseiller à l’Association des amis d’Alain Mouzon de demander un droit de réponse dans L’OBS et sur son site internet. Ce droit de réponse doit nécessairement être accordé à l'association qui gère le blog dit « anonyme », afin que l'exactitude des faits soit rétablie. J’invite donc cette association à demander au plus vite ce droit de réponse.
Enfin, comme le souligne l’association dans la dernière partie de son article, non reproduite ici, M. Lasserre ne sait visiblement pas tourner la page de ce sinistre drame. La famille de l’agent décédé et l’association ont obtenu justice devant le tribunal administratif de Paris. Leur combat est désormais clôt. M. Lasserre a désormais tout intérêt à se faire modeste et à accepter le jugement qui reconnait les fautes de l’ADLC et à travers elles, celles de la hiérarchie de cette administration. Or M. Lasserre fait exactement le contraire. Il s’entête à ne pas accepter la réalité des faits et, de façon assez sordide, il se fait presque passer pour une victime… son sommeil est troublé et c'est grave et peu importe que la vie soit enlevée à l’un de ces agents. Il est vrai, n’importe quel lecteur qui lit que M. Lasserre se déclare « blessé par cette tragique affaire ... car il ne se reconnait pas dans ce portrait de patron insensible » ne peut qu’être atterré par cette mentalité narcissique. Entre le tragique de la mort d’un homme et le tragique d’une image écornée, M. Lasserre se déclare blessé par le portrait qui est dressé de lui. Ce que ne comprend pas M. Lasserre c’est qu’il est le premier à dresser ce portrait de patron insensible par son comportement, ses réactions et ses propos.