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Billet de blog 28 mars 2020

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The Omega Man et la crise du Covid-19

Didier Raoult et Emmanuel Macron sont deux acteurs majeurs de la crise sanitaire actuelle. Eloignés l’un de l’autre, très souvent seuls face à la multitude, ils ont pourtant entre leurs mains les clefs du monde de demain.

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Enfant, j’avais été fasciné par Charlton Heston dans le film The Omega Man. Un homme seul roule sur les autoroutes urbaines d’une ville américaine vide de sa population. Le scope rendait la scène belle et spectaculaire. Le film a fait l’objet d’un remake en 2007 (I Am Legend), très réussi, avec Will Smith. L’affiche de ce film, qui représente le héro marchant seul dans une ville déserte, a été détournée récemment sur les réseaux sociaux. A la place de Will Smith, on trouve le professeur Raoult, seul, dans un monde sans vie. Le film est devenu Mais putain Yarien.

Il paraît que cette affiche relookée a beaucoup amusé le professeur Raoult.

Celui ou celle qui a fait ce trucage, a bien vu les choses. Un homme seul dans un monde déserté. Il est à espérer que cette affiche et ce film ne soient pas prémonitoires mais uniquement métaphoriques. On est loin de cette situation mais après tout, il faut bien un commencement à toute chose, y compris à la fin.

Aujourd’hui, cette affiche est métaphorique : le professeur Raoult, seul contre ce fameux establishment parisien, ceux qui se cooptent aux postes prestigieux et sont adeptes de l’entre-soi. Si cet establishment n’avait pas la fâcheuse posture de se croire toujours au-dessus des autres et s’il ne passait pas son temps à monopoliser les médias et l’écoute du pouvoir, il ne poserait pas de problème. Hélas, cet establishment fait la pluie et le beau temps dans ce pays et semble avoir le dernier mot auprès du Président.

Aujourd’hui, il y a cette fixation de conduire des essais thérapeutiques comme si nous étions en temps normal et sans des milliers de morts chaque jour dans le monde. La seule idée d’inclure dans un essai une population prenant un placebo, et donc la condamner à une mort statistiquement probable, dépasse l’entendement sauf pour l’establishment. C’est aussi ce qui sépare les opposants du professeur Raoult à ses supporters : une question d’entendement. Les deux camps n’ont pas la même perception du traitement de l’urgence sanitaire et, plus grave, de la façon dont notre société dysfonctionne. Cela est plus grave car une fracture sépare de plus en plus les deux camps y compris hors temps de crise sanitaire. La société se scinde et l’impossibilité toujours plus grande de se parler et de se comprendre rend chaque jour plus utopique le recollement des morceaux.

Demain cette affiche pourrait être prémonitoire. Après tout que savons-nous exactement de ce virus et que savons nous des autres fléaux qui pourraient arriver ? Pas grand-chose en fait. L’humanité est fragile. Tout ce qui semblait solide peut, du jour au lendemain, s’arrêter. Qui aurait envisagé hier que le ciel ne serait plus pollué par ces immondes trainées que laissent les avions et qui balafrent l’azur ? Qui aurait imaginé Paris, les rues vides ? Cette crise sanitaire nous donne une bonne paire de gifles. Nourris du mythe marvelien des super héros immortels, nous nous découvrons si facilement et si soudainement mortels. Cette fragilité s’accompagne du constat de notre solitude et abandon. Confinés loin de nos parents et de nos amis, nous sommes seuls et envahis par la désagréable impression d’une vacance du pouvoir. Certes, les institutions sont toujours là et les hommes qui en occupent les postes aussi mais nous les découvrons, hésitants, incapables de trancher, versatiles (le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 est modifié tous les jours) et impuissants à réagir vite et efficacement. Le manque de masques témoigne de cette inaptitude à réagir vite pour affronter le réel. Bien sûr, le gouvernement vient de commander un milliard de masques à la Chine selon France Info, ce 28 mars 2020, mais cette commande est bien tardive.

Le sentiment d’avoir un Président dépassé par la situation présente a gagné une partie importante de la population. Est-ce la réalité ? Des injonctions contradictoires (allez au théâtre, allez voter, restez chez-vous, n’allez pas à l’enterrement de vos proches), une porte parole du Gouvernement calamiteuse dans sa communication, des ordres criminels (interdiction du port du masque pour les forces de l’ordre) ou l’absence de tests sur les personnes présentant des symptômes de Covid-19 montrent que le gouvernement de la France n’est pas à la hauteur, si ce n’est pire.

On entend dire que le Président aurait tout fait pour imposer le professeur Raoult dans les essais thérapeutiques pour lutter contre le Covid-19. Si cela est vrai, que faut-il penser de la mauvaise gestion de crise ? Notre président est-il mal entouré, mal conseillé, voire isolé ? Les couloirs du pouvoir seraient-ils fréquentés par des personnalités dangereuses pour la Nation ? La question doit se poser. Le mode de gouvernance de notre pays doit être remis à plat. Une chose semble sûre, le Président se laisse influencer facilement par de mauvaises sirènes.

Plus globalement, c’est notre système de production et de gestion de la planète qui doit être revu. Cette remise en cause ne doit absolument pas se faire sous la seule autorité et le seul contrôle de l’establishment qui, de par ses positions anciennes aux postes de pouvoir, a contribué au chaos actuel.

Si cette affiche est prémonitoire, demain, ou après-demain, nos villes resteront désertes. L’humanité aura quitté la scène du vivant. Sur bien des aspects, cet échec de l’humanité sera regrettable. Si nous échouons à remettre en cause notre système de gouvernance et de production alors c’est que nous sommes désespérément mauvais et bien incapables de chasser la part d’ombre qui est en nous.

Le Président a entre ses mains les pouvoirs que lui donne la Constitution. Peut-être est-il soumis à des pressions, économiques notamment, mais il ne doit jamais oublier qu’il a entre ses mains suffisamment de leviers pour chasser ses mauvais conseils. Le proche avenir et le nombre de morts à venir dépendent de la possibilité d’une réaction du Président pour fixer un cap et décider de ce qu’il faut faire. Il doit gouverner par lui-même et ne pas être gouverné par des conseillers, au mieux dépassés, au pire, au service d’intérêts obscurs.

Qui est The Omega Man, le professeur Raoult ou Emmanuel Macron ?

Régis DESMARAIS

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