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Billet de blog 10 août 2025

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Une goutte d'eau dans un océan d'indifférence

Ces quelques lignes représentent une goutte d'eau dans un océan d’indifférence et de cynisme. Un crime de génocide se déroule actuellement à Gaza. Nous n'osons plus dénombrer depuis combien de jours, des enfants, des femmes, des innocents, sont soumis à un tel déchainement de terreur, de violence et de tortures.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous n’osons plus compter le nombre de jours pendant lesquels l’actuel gouvernement français est resté inactif et inaudible. Cela paraît interminable. Chaque jour le peuple palestinien semble mourir un peu plus. Chaque jour l’humanité meurt un peu plus. 

Un peuple n’est aucunement responsable des atrocités commises par ses dirigeants. Cela vaut pour les deux parties prétendant parler pour le tout. Au-delà de toute considération morale, le Hamas et le gouvernement israélien semblent surtout préoccupés par leurs propres intérêts. Nous devons absolument faire la part des choses pour ne pas sombrer avec eux. Leurs calculs cyniques sont une chose, le respect des droits de l’Homme en est une autre. C’est l’enjeu de la tragédie en cours. Si nos principes disparaissent, ils ne pourront plus nous défendre si, un jour, nous nous trouvions dans la même situation que les Gazaouis.

Ce n’est pas de l’histoire fiction, c’est l’enseignement de l’Histoire.

Les comparaisons historiques sont souvent hasardeuses voire déplacées. Elles correspondent sans doute à la connaissance et à la sensibilité de leurs auteurs. Pour ma part, je n’arrive pas à me défaire de cette expression formulée par les survivants de l’enfer de Buchenwald : plus jamais ça. Je ne sais pas si je trahis leur pensée, leur sentiment exact, mais il me semble que cela détermine un principe intangible, intemporel et universel. Rien ne peut justifier le massacre de civils innocents. C’est valable pour tous les belligérants y compris dans un conflit asymétrique. Car nous savons que les bourreaux ne sont jamais avares en justification lorsqu’il faut commettre l’irréparable. Nous savons aussi que ces principes posent des limites de nature et qu’il est indécent de poser des comparaisons de degré. Il s’agit de prendre en considération chaque vie humaine, de se mettre à la place de ceux qui vivent l’enfer sur terre : comment survivre sans eau, sans nourriture, sans médicament ? Comment accepter que des enfants meurent de faim par la simple volonté de dirigeants politiques ayant peur du jour d’après ? Comment justifier la destruction systématique de vies humaines, d’un territoire, de ses infrastructures et de sa culture ?

Nous savons que ce n’est pas possible. La vérité est la première victime de la guerre. La justice et la démocratie sont des victimes de la « guerre contre le terrorisme ».

Aujourd’hui à Gaza, une entreprise meurtrière est menée par un Etat, un gouvernement, une armée, disposant des meilleures technologies. Aussi abject que cela puisse paraître, cela répond à une logique implacable. Il est probable que la finalité elle-même échappe aux auteurs de ces crimes en série. Seuls les moyens sont mis en avant et, on ose à peine le formuler, seuls les moyens sont pensés.

Impensable il y a encore quelques années, nous vivons en direct ce qui a détruit la civilisation européenne il y a seulement deux générations. La référence à la seconde guerre mondiale semble évidente à plusieurs titres. D’abord parce que le conflit israélo-palestinien en est une conséquence directe. Certains survivants de la Shoah ont trouvé en Palestine la terre, la maison, qu’ils n’avaient plus. Ensuite parce que des Etats européens, la France et la Grande Bretagne, ont manqué à leur parole en livrant sans combattre la Tchécoslovaquie à Hitler. Nous connaissons la suite et nous pouvons dire que la lâcheté ne mène à rien si ce n’est à la défaite et au déshonneur. Enfin parce que l’ordre international construit sur les ruines du Vieux Continent devait permettre le règlement pacifique des conflits ; l’Organisation des Nations Unies ne devant pas terminer comme la Société Des Nations.

La fin de la seconde guerre mondiale n'a malheureusement pas signifié l'arrêt de toute violence et de toute atrocité commise à l'encontre des populations civiles. La guerre d'Algérie, la guerre du Vietnam, la nature des conflits coloniaux, nous ont montré que l'on peut passer très rapidement de la proclamation d'un principe à sa négation totale. De ce point de vue, le conflit israélo-palestinien n’échappe pas à la règle. La « seule démocratie de la région » voit ses principes s’arrêter là où commencent discriminations et colonisation, violence et humiliation.

Il s’agit d’avoir conscience de ce point de repère et de ces déclinaisons morales, juridiques et politiques. Il s’agit de savoir que l’histoire n’est jamais écrite à l’avance. Il s’agit de se rappeler que les forts se renforcent d’abord de nos faiblesses. Il s’agit d’imaginer les contours d’une paix future.

Heureusement, des voix s’élèvent contre cette horreur. Des voix israéliennes, des voix internationales, des voix humanistes, des voix institutionnelles, des voix citoyennes existent. Ensemble nous devons condamner l’indicible et œuvrer pour la paix. Peut-être que ces consciences évitent de s’exprimer de peur d’être assimiler à des soutiens d’un mouvement revendiquant des actions terroristes. Nous les exhortons à faire la part des choses. Il ne s’agit pas de prendre parti pour l’un ou l’autre des belligérants dans une guerre. Nous avons besoin de leurs voix pour que des impacts concrets et significatifs s’imposent : un cessez-le-feu, l’acheminement de l’aide humanitaire par voie terrestre, la mise en sécurité de toutes les populations civiles, l’arrêt de leur déplacement et de leurs bombardements incessants.

La raison et l’humanité méritent que l’on lutte pour elles. Le cycle de la violence aveugle n’est pas une fatalité. De part et d’autre, il ne mène à rien pour les populations civiles. Nous devons imaginer un futur de paix. Même si ce jour nous semble lointain, il devra advenir. De part et d’autre, les responsables devront rendre compte de leurs crimes.

En cet été, il semble difficile de mettre sa conscience en vacances. Nous petites angoisses quotidiennes de personnes dormant paisiblement dans un lit apparaissent dérisoires voire indécentes.  Altruisme et empathie doivent nous guider dans la lecture de cette tragédie.

Comment ne pas être indigné, révolté, ulcéré, angoissé, face à tant de souffrances infligées à d’autres êtres humains.

Si l’indignation à des milliers de kilomètres vous paraît désuète, inutile ou facile, dîtes vous que d’autres personnes restent totalement insensibles au sort de leurs semblables. Pire, certaines personnes approuvent le traitement inhumain auquel sont soumis plus de deux millions d’individus. Elles approuvent devant leur écran sans s’imaginer être à la place du plus faible. Elles peuvent même rêver qu’un ordre injuste et brutal régisse les relations humaines dans notre propre pays. Elles ne conçoivent pas qu’un jour toute cette violence puisse se retourner contre eux. N’hésitez pas à leur dire, si vous deviez les convaincre de redevenir raisonnables.

De ce point de vue, l’expression d’une indignation n’est jamais vaine. Elle est salutaire. En la circonstance, elle est la première action, chacun à son échelle. De proche en proche, elle peut parvenir à l’échelle humaine et influer sur le cours des événements.

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