Corinne avait mille vies, passions et intérêts. Vous pourrez les découvrir en lisant les nombreux hommages et la grande tristesse qu’elle laisse autour d’elle.
Parmi les premières réactions suite à l’annonce de son décès sur Twitter par le directeur du festival Visa pour l’image, l’expression « je n’ai pas de mots » est beaucoup revenue (pour moi le premier). En libraire passionnée, amoureuse des mots, cela l’aurait probablement amusée qu’on en manque pour parler d’elle.
Libraire donc, érudite de photo, elle tenait depuis quinze ans la "librairie éphémère" du festival Visa pour l’image, à Perpignan, comme le souligne le journal l’Indépendant. Mais c’est une autre facette de Corinne que j’aimerais évoquer dans ce billet, au nom de celles et ceux qui, à Mediapart, ont eu la chance de la rencontrer.
Abonnée à Mediapart depuis 2009, Corinne faisait partie de ces abonnés indéfectibles qui, au fil des ans, sont devenus des compagnons de route de Mediapart, et ont rendu concrète cette formule que nous aimons répéter quant à notre rapport à nos lecteurs : « le virtuel c’est du réel ».
C’est ainsi qu’en 2018, alors que nous nous préparions à fêter nos dix ans, nous lui avons naturellement proposé de participer au documentaire « Mediapart, la part des lecteurs ».
Virtuel et réel donc. Corinne maniait et mélangeait les deux à la perfection pour nourrir son envie, son besoin presque, d’échanges et de débats d’idées, de rencontres, et de créer des liens entre les gens qu’elle aimait.
Virtuel d’abord. Elle n’était pas une habituée des espaces participatifs de notre site, Club ou commentaires. Elle avait choisi un autre terrain de jeu, Twitter, où elle était très active sous le pseudo de CorinnePerpinya.
Twitter c’était son bar, « J’y vais comme avant on allait à l’apéro au bistrot du coin », aimait-elle dire.
Corinne était un pilier de ce Twitter français d’il y a quelques années, que j’ai connu entre 2012 et 2015. Un twitter joyeux, bordélique, où l’on riait tout en refaisant le monde et en s’engueulant sur la politique.
C’était aussi l’époque de nos MediapartLive mensuels, qu’elle ne manquait jamais. Tweetant frénétiquement avec le hashtag #MediapartLive, pas tellement pour relayer les débats, mais surtout pour échanger, des idées bien sûr, des bons mots beaucoup, comme au bistrot. Je me souviens d’un verre entre amis avec elle, après le live avec Christiane Taubira, fin 2013, je venais d’être recruté à Mediapart.
Corinne était une femme de gauche, la vraie, généreuse militante d'une émancipation sans frontières, qui avait viscéralement les injustices en horreur. Perpignan était sa ville, le FN sa hantise. La récente victoire de ce parti de haine la désolait.

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Réel ensuite.
En 2017, Corinne, avec un ami, avait ouvert une librairie-friperie à Perpignan. Ce lieu « fripe-livre » comme elle aimait l’appeler, c’était « L’atelier du parti pris. Radical. Indépendance garantie. » Comment Mediapart aurait-il pu ne pas s’associer à cette déclaration d'intentions ?
Lorsque Mediapart, début 2018, organisait son premier festival, pour ses dix ans à Paris, nous voulions une librairie pour mettre en valeur nos livres, nos revues et celles et ceux de nos partenaires et invités, ce fut évidemment Corinne que nous avons sollicitée.
Mais vendre, même des livres, ne suffisait pas à satisfaire son envie de débattre et d’échanger, c’est ainsi que Corinne nous avait proposé un partenariat pour une série de débats avec les journalistes de Mediapart.
Edwy Plenel, Laurent Mauduit, Fabrice Arfi, Marine Turchi, Ludovic Lamant… Nombreuses et nombreux sont nos journalistes qui ont participé aux rencontres Mediapart de l’atelier du Parti Pris.

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Il y aurait mille autre choses à dire, mille anecdotes, mille sourires et mille bonheurs à évoquer pour parler de Corinne. Elle manquera à toutes celles et ceux qui l’ont connue.
Philippe Djian, dont Corinne était une fan inconditionnelle, écrivait : « ça fait du bien de temps en temps de voir qu'on n'est pas tout seul sur le chemin, ça élargit la route pendant un petit moment, c'est quand même mieux que rien. »
Corinne était de ces gens-là, de ceux qui permettent de voir qu’on n'est pas tout seul sur le chemin.