René Backmann

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Billet de blog 14 février 2016

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Israël: acharnement bureaucratique contre Salah Hamouri

Le gouvernement israélien est prêt à tout pour contenir, voire pour faire décroître la population palestinienne de Jerusalem-Est tout en continuant à implanter des colons dans la partie orientale de la ville. L’histoire d’Elsa Lefort, de son mari Salah Hamouri et de leur futur enfant en est un témoignage supplémentaire.

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Le gouvernement israélien est prêt à tout pour contenir, voire pour faire décroître la population palestinienne de Jerusalem-Est tout en continuant à implanter des colons dans la partie orientale de la ville. L’histoire d’Elsa Lefort, de son mari Salah Hamouri et de leur futur enfant en est un témoignage supplémentaire.

Citoyenne française, employée de l’Institut français du Proche-Orient à Jérusalem, dépendant du consulat général de France à Jérusalem, Elsa Lefort bénéficiait, à ce titre d’un « visa de service », lui permettant de séjourner à Jérusalem jusqu’à octobre 2016. Elle a pourtant été expulsée d’Israël le 5 janvier et n’a pu jusqu’à ce jour obtenir l’autorisation de revenir à Jerusalem retrouver son mari.

Salah Hamouri lui, est à la fois Français et Palestinien. Sa mère, française était professeur de français à Jérusalem, son père, palestinien, était restaurateur à Jérusalem-est. Cette double nationalité lui donne le droit de résider en permanence à Jérusalem-Est où il poursuit ses études de droit pour devenir avocat.

Il se trouve qu’Elsa Lefort est enceinte et qu’il lui sera impossible, d’ici quelques jours de prendre l’avion, vu l’état de sa grossesse. Si le gouvernement israélien ne revient pas très rapidement sur sa décision, l’enfant d’Elsa et Salah ne naîtra pas, comme le souhaitaient ses parents, à Jérusalem-est. En d’autres termes, il ne bénéficiera pas du statut de « résident permanent » qui lui permettrait de vivre à Jérusalem-est, avec ses parents.

Pourquoi le gouvernement israélien inflige-t-il cet acharnement bureaucratique à ce jeune couple au moment où va naître leur premier enfant ? Apparemment parce que Salah Hamouri, né à Jérusalem en 1985, est considéré par les services de sécurité comme un dangereux terroriste. Le 13 mars 2005, la voiture dans laquelle il avait pris place avec deux amis a été arrêtée par l’armée à un check-point, au nord de Jérusalem et Salah Hamouri jeté en prison. Selon le dossier transmis au Tribunal militaire – l’instance judiciaire dont relèvent les Palestiniens de Cisjordanie - il était accusé de deux crimes : appartenir au Front populaire de libération de la Palestine, formation politique membre de l’Organisation de Libération de la Palestine, et avoir comploté d’assassiner le rabbin Ovadia Yossef, chef spirituel du parti ultra-orthodoxe sépharade Shass. La preuve : il était passé en automobile, trois mois avant son arrestation, devant le domicile du rabbin. Il lui était aussi reproché d’avoir collé des affiches défendant la cause palestinienne.

Après trois ans de détention préventive, pendant lesquels le Tribunal militaire s’est réuni à près de 20 reprises sans pouvoir produire le moindre élément étayant ses accusations, l’avocate israélienne de Salah Hamouri, spécialiste de la défense des Palestiniens, lui a conseillé d’accepter un « plaidoyer de marchandage », qui lui permettait d’obtenir une réduction de peine en échange d’un aveu de culpabilité. En avril 2008, Salah Hamouri a donc été condamné par le tribunal militaire d’Ofer, près de Ramallah, à 7 ans de détention – au lieu des 14 ans, dont le menaçaient les juges en uniforme.

Après avoir vu sa demande de réduction de peine pour bonne conduite rejetée, Salah Hamouri a fini par être libéré, avec l’aval du rabbin Yossef, en décembre 2011, à deux mois de l’expiration de sa peine, dans le cadre de l’échange conclu entre Israël et le Hamas, pour obtenir la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit, capturé par un commando islamiste, au kibboutz Kerem shalom, au voisinage de la bande de Gaza et de la frontière égyptienne, en juin 2006. Il était l’un des 1027 détenus palestiniens libérés.

Salah Hamouri est retourné à Jérusalem-est. Ou il a été de fait assigné à résidence puisque deux décisions militaires de 2015 lui interdisent l’accès à La Cisjordanie, donc à Ramallah où se trouve son université. Le gouvernement français qui avait – à juste titre – pris la défense du franco-israélien Gilad Shalit, n’est pas allé, pendant sa détention, au-delà de la discrète demande d’un « geste de clémence » pour le franco-palestinien Salah Hamouri, oubliant d’invoquer le recours à une justice civile et le respect du droit international.

Selon la famille d’Elsa Lefort, le Quai d’Orsay et la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères qui ont été saisis disent agir. Sans obtenir, pour l’heure, des autorités israéliennes que l’enfant d’Elsa Lefort et Salah Hamouri puisse naître à Jerusalem.