René Backmann

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Billet de blog 30 janvier 2015

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Reconstruction de Gaza : l’argent promis n’est pas arrivé

Cinq mois après la fin des combats de l’opération « Bordure protectrice » lancée par Israël contre la bande de Gaza, la quasi-totalité des fonds promis par les donateurs de la communauté internationale pour reconstruire les habitations détruites n’a toujours pas été versée.

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Cinq mois après la fin des combats de l’opération « Bordure protectrice » lancée par Israël contre la bande de Gaza, la quasi-totalité des fonds promis par les donateurs de la communauté internationale pour reconstruire les habitations détruites n’a toujours pas été versée. Directeur de l’Agence des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), Robert Turner a indiqué mardi qu’il avait été contraint de suspendre le versement à des dizaines de milliers de Palestiniens sans abris des fonds destinés aux réparations des quelques 100 000 immeubles endommagés ou détruits par les frappes israéliennes.

Près de 66 000 familles sinistrées recevaient jusque-là l’aide de l’UNRWA. Elle leur avait permis de réparer leur habitation ou de louer un logement provisoire. Mais 12 000 autres Palestiniens déplacés sont toujours hébergés dans des écoles ou des locaux de l’ONU et plusieurs milliers sont retournés vivre dans les immeubles bombardés en utilisant des bâches en plastique pour se protéger du froid et de la pluie.

« L’ampleur des destructions que j’ai vue en venant ici dépasse toute description » avait déclaré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en octobre, au terme de sa première visite à l’enclave palestinienne depuis l’opération militaire israélienne qui a fait 2200 morts, en majorité civils parmi les Palestiniens et 73 morts, presque tous soldats du côté israélien.

Dans un territoire ravagé par 4 opérations militaires en six ans, où l’activité économique est pratiquement réduite à néant par le blocus israélien – et les mesures sécuritaires égyptiennes – et où 45% de la population active sont au chômage, les économies de la plupart des familles sont taries depuis longtemps. Et l’aide des agences de l’ONU est vitale.

Sur les 635 millions d’euros requis pour cette mission, 120 millions seulement ont été versés. Alors que des crédits sont encore disponibles pour financer la reconstruction des bâtiments totalement détruits, l’UNRWA a déjà dépensé tout le budget affecté au financement des réparations ou au paiement des loyers des Palestiniens provisoirement relogés. « A ce jour, 68 millions d’euros ont été distribués pour payer les réparations et les loyers des logements provisoires, a indiqué Robert Turner. C’est un résultat remarquable. C’est aussi très nettement insuffisant. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sont plusieurs milliers de familles qui continuent à affronter l’hiver dans des abris précaires. Ces gens dorment dans les décombres, des enfants sont morts d’hypothermie. Sur les 5, 4 milliards de dollars promis lors de la conférence des donateurs, en octobre, au Caire, pratiquement rien n’est arrivé à Gaza. C’est lamentable et inacceptable ». Apprenant l'arrêt de l'aide versée par l'UNRWA, plusieurs centaines de Palestiniens se sont réunis pour manifester leur colère, mercredi devant les locaux des Nations Unies à Gaza, avant d’être dispersés par la police du Hamas.

En vue de la conférence des donateurs, l’ONU avait préparé un plan d’urgence de 15 pages intitulé « Réponse stratégique aux hostilités à Gaza » qui préconisait de donner la priorité à la reconstruction des logements et des locaux de l’UNRWA détruits ou endommagés par les bombardements. Il se prononçait aussi pour une amélioration rapide des conditions médicales et sanitaires, notamment pour une remise en état du réseau de distribution d’eau potable. L’Autorité palestinienne, de son côté, avait présenté un document de 75 pages, évaluant à 4 milliards de dollars le montant de l’aide attendue. La majeure partie de cette somme devait être affectée à la  reconstruction ou construction de logements. La remise en état de l’unique centrale thermique du territoire était également prévue. Faute de carburant, elle ne fournit actuellement que 6 heures d’électricité par jour.

Une cinquantaine d’Etats ou d’organisations avaient pris part à cette conférence des donateurs destinée à financer la reconstruction de Gaza où plus de 100 000 bâtiments ont été détruits ou rendus inutilisables par les frappes israéliennes, laissant près de 96 000 familles sans abris. En tout près de 5,4 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros) avaient en effet été promis par les participants. Le Qatar, à lui seul, s’était engagé à verser 1 milliard de dollars, les Etats-Unis avaient promis 400 millions de dollars, dont 212 millions d’aide immédiate, l’Union européenne, 450 millions d’euros, l’Allemagne, 63 millions de dollars et la Norvège, 13 millions de dollars. L’UNRWA n’a livré aucune information, à ce jour sur l’identité des – rares – donateurs qui ont respecté leurs engagements ou sur la liste de ceux qui ne l’ont pas fait.

« Les raisons pour lesquelles les crédits n’ont pas été versés ne sont pas claires, a seulement déclaré la semaine dernière Robert Turner. Mais l’UNRWA a été un facteur de stabilisation dans un contexte politique et sécuritaire très difficile. Si nous ne nous pouvons pas poursuivre notre programme, les conséquences seront très graves pour les populations concernées. Les gens sont désespérés et la communauté internationale n’est pas capable de leur fournir le strict minimum - par exemple un logement réparé en hiver – sans parler d’une levée du blocus et de la liberté de mouvement. Je l’ai déjà dit, la tranquillité ne durera pas. Elle est déjà en péril ». «En retardant l’envoi d’argent pour la reconstruction les donateurs mettent en danger le cessez-le-feu » a même précisé le porte-parole de l’UNRWA à Gaza. Risque confirmé mercredi par un représentant du Hamas au sein du parlement palestinien : « notre message au monde qui a peur du terrorisme et de l’extrémisme est le suivant : le retard dans la reconstruction de Gaza et la poursuite du blocus peuvent constituer l’environnement idéal pour la propagation de l’extrémisme et du terrorisme ».

La situation est d’autant plus critique que les matériaux de construction, lorsque le budget de l’UNRWA permet de les acheter, mettent du temps à parvenir sur les chantiers. Le port et l’aéroport étant inutilisables, six points de passage routiers donnent en principe accès à la bande de Gaza. L’un – Rafah – à partir de l’Egypte. Les cinq autres, à partir du territoire israélien. Rafah n’est ouvert – lorsqu’il est ouvert… – qu’au passage des personnes et de l’aide humanitaire d’urgence. Sur les cinq points « israéliens » deux seulement sont opérationnels. Le passage d’Erez, au nord pour les personnes autorisées et le complexe de Kerem Shalom, au sud, pour les biens. Mais l’administration israélienne pratique des contrôles stricts – et longs – sur les produits importés dans la bande de Gaza pour vérifier qu’ils ne pourraient pas être utilisés par des groupes armés pour produire des armes ou pour construire des tunnels permettant des infiltrations de combattants en territoire israélien.