On aborde les vrais problèmes. Ne discutons pas sur les mots mais sur les contenus. La redistribution fait partie depuis toujours de l’arsenal de base du socialisme (et je dirai même du communisme tel qu’il s’est développé en France ou en Italie, dans l’exercice de mandats électifs au niveau des collectivités territoriales ou lors de participations gouvernementales).
La redistribution, originellement, se justifie par les inégalités, et fondamentalement, pour reprendre une terminologie marxiste, par la production de la plus value (la survaleur) liée à la capacité du (collectif) travailleur à produire plus de valeur que la valeur représentée par le(s) salaire(s). La terminologie peut déplaire, mais la réalité qu’elle recouvre n’a jamais pu être récusée.
A partir de là, il est clair que « le socialisme de la répartition » ne peut être dissocié du « socialisme de la production ».
Mais qu’est-ce le socialisme de la production ? Vaste débat. L’échec du socialisme « réel » en URSS et en Europe centrale et orientale, les impasses du productivisme (sur lequel a voulu se calquer le socialisme « réel »), montrent plus que jamais :
1) que la production ne peut être décidée d’en haut, en rupture avec les attentes de la population, Gorbatchev l’avait bien compris - l’on sait même les conséquences écologiques désastreuses qui en ont parfois découlé ;
2) que la production ne peut se développer selon les seuls principes du « laissez faire, laissez aller » ; les libéraux pour la plupart admettent d’ailleurs la nécessité d’une intervention publique – mais avant tout pour préserver les intérêts du capitalisme lui-même. La gauche, pour sa part, a toujours combattu la marchandisation de secteurs comme l’éducation, la culture, la santé, etc.
Le PS, dans sa nouvelle déclaration de principes, se réclame d’une « économie sociale et écologique de marché ».
On peut discuter de la formule. On ne peut récuser le fait que le marché permet mieux de répondre aux attentes des populations que l’économie entièrement administrée. Il est curieux d’entendre certains « révolutionnaires » condamner dans l’absolu le marché sans s’interroger sur ce que signifie l’absence de marché.
On ne peut pas non plus nier que le marché se développant à partir des critères de rentabilité de la finance internationale n’aboutisse à des impasses sur le plan social et écologique.
Il s’agit donc bien d’inscrire le marché dans une vision sociale et écologique.
Depuis des décennies, une partie de la gauche affirme que le progrès social favorise le progrès économique, et ce courant a progressé, y compris, je crois, au PS : l’instauration des 35 h, avec ses effets bénéfiques sur certains secteurs de l’économie, y a aidé.
La défense de l’environnement apparaît elle aussi de plus en plus comme un facteur du progrès économique. Passer d’une croissance productiviste à un « développement durable » signifie créer des secteurs économiques nouveaux, à commencer dans l’agriculture et dans le secteur des énergies pour aller au plus vite.
Pour avoir participé à des discussions du PS lors de ses universités d’été ces trois dernières années, je puis témoigner de l’importance des discussions sur cette question. D’autant plus qu’elles tournent autour d’une question qui a été dès les années 90 portée par …Laurent Fabius et un de ses amis politiques : Géraud Guibert. L’intervention de Fabius au congrès de Grenoble, si j’ai bonne mémoire, fut consacrée à la nécessité de transformer le PS en un parti d’écologie sociale. Cela fait déjà une paire d’années…
Après le référendum de 2005, les fabiusiens ayant été évincés du secrétariat national, les fidèles de F. Hollande ont dû aller au charbon, et ils y sont allés. Ce qui explique sans doute les progrès du PS en ce domaine. Encore est-il nécessaire de ne pas s’arrêter sur la route. Géraud Guibert avec sa contribution « inter courants » y veille avec d’autres, et il est en phase avec l’important développement II.4 de la contribution de L. Fabius (le lien est sur mon blog). Le courant Utopia continue à jouer utilement sa partition – qui l’avait mené à rejoindre le courant …de François Hollande au dernier congrès.
Poser les problèmes ainsi, c’est poser les bases d’une politique économique : évidemment, il y aura des discussions (peut-être féroces, mais les enjeux ne sont pas minces) sur les mesures concrètes à prendre. Mais certaines sont déjà présentes en filigrane.
Je peux maintenant en revenir au refus d’opposer désormais le socialisme de la répartition au socialisme de la production. On ne pourra redistribuer que ce qui provient d’une économie fondée progressivement, mais à marche soutenue, sur les principes du développement durable.
Et c’est là ce qui rassemble beaucoup de socialistes. On aimerait qu’ils soient mieux entendus. On aimerait aussi qu’ils se fassent mieux entendre. Et que les médias regardent les choses de plus près, sans a priori. Cela ne les priverait pas d’avoir bien des questions à aborder.
Par exemple, il y a des positions politiques de fond à clarifier : quelles sont les forces se réclamant d’un libéralisme « moderne » qui acceptent de s’engager sur cette voie qui devrait s’imposer à tous ? Ce qui se passe depuis le Grenelle de l’environnement montre qu’en France, on les cherche ! La différence entre la gauche et la droite, ça n’existe plus ?