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Billet de blog 8 avril 2015

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La chute de la maison Germain

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce texte, qui date d'avril 2014, est rendu public à l'échelon national, après la mort  de Jean Germain dans le plein execice de sa liberté.

Fondamentalement, les mauvais résultats des dernières élections s’expliquent : le travail du PS de 2008 à 2012, avec ses conventions qui ont couvert tout le champ d’activité d’un parti de gouvernement, a été mis de côté. Ce que le programme du candidat désigné pour les présidentielles en avait retenu est oublié et l’on se rappelle à peine les toutes premières mesures de 2012.

Les alliances patiemment construites par l’équipe Aubry sont disloquées : le PC est dans l’opposition, les Verts ne sont plus liés par la solidarité gouvernementale. Manuel Valls que la première secrétaire avait su recadrer en son temps est premier ministre après  s’être fait remarquer par des prises de position brouillant la clarté de la ligne gouvernementale. Bref, Hollande fait du Hollande. Pourvu qu’il ne fasse pas de la gouvernance de la France ce qu’il a fait de la gouvernance du PS.

Le choix d’un candidat à l’élection présidentielle ne se fait plus, hélas ! à partir d’une réflexion politique tant soit peu sérieuse, mais sous la pression de sondages auxquels finalement une grande majorité accorde une valeur prédictive. Depuis 2002 et l’élimination de L. Jospin, nous avons vu où cela peut mener.

A quoi se sont ajoutés des phénomènes d’ordre passionnel,  voire irrationnel avec le rejet plus viscéral que politique de la personne de Sarkozy, avec la mise hors course calamiteuse de DSK, le rejet de la personne de Ségolène Royal qui s’est accompagné dans une certaine mesure de la perte de crédibilité injustifiée de toute candidature féminine à la présidence de la République.

Certes, il y a eu des primaires qui ont permis de mobiliser l’électorat de gauche, de le préparer à un combat difficile. Mais on a vu qu’entre la mobilisation initiale et la mobilisation sur le terrain, il y a eu un certain recul : il a fallu le discours du Bourget pour ressaisir les forces du changement, et il n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir.

Avait aussi contribué à ce tout premier désenchantement l’action d’élus déjà anciens, qui ne voulaient pas renoncer au cumul des mandats, et désiraient rester maire, député, sénateur 25, 30 ans : ils s’étaient rangés derrière celui qui ménageait la chèvre et le chou.…  Les défaites de Michel Delebarre et de Jean Germain, en tête du classement  des « cumulards » de L’Express, montrent que parfois les électeurs eux-mêmes mettent fin à des habitudes d’une autre époque.

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Le début de ce quinquennat a montré des insuffisances mal vécues par nos compatriotes de gauche. L’insuffisance majeure est celle du PS dont le premier secrétaire de ces derniers dix-huit mois est devenu le symbole. Notre parti ne sait toujours pas garder une indépendance responsable, ni participer au débat public. J’avais dit en conseil fédéral le jour où l’on débattait du programme du PS, trop oublié aujourd’hui, que le parti n’avait pas en lui-même les forces pour le porter.

Quand je lis la lettre mensuelle de Laurent Baumel, je trouve une appréciation équilibrée de l’activité parlementaire, la mise en valeur de ce qui est un progrès, je trouve un stimulant pour l’action. Combien de militants sont capables de prolonger une telle démarche ? Au bout de deux ans de pouvoir, il faut savoir assumer la politique de son parti sans être un godillot, en maintenant le contact avec notre électorat naturel, en se plaçant à ses côtés dans le combat syndical, dans les démarches associatives, dans les luttes pour des inflexions de la politique gouvernementale. C’est cela le réformisme, la social-démocratie à dimension populaire.

Il y a aussi les insuffisances de l’exécutif. Le rôle du Président est de présider ; celui du premier ministre de gouverner avec ses ministres ; c’est le premier ministre qui doit détenir, dans tous les domaines qui ne relèvent pas constitutionnellement du Président, l’autorité et le pouvoir de décision. Le Président se doit avant tout d’être le garant de la constitution et de l’indépendance de la justice (ce qu’il fait très correctement depuis le début).

Or, de plus en plus, et la droite n’a de cesse de l’y pousser pour mieux le combattre, c’est lui qui décide des mesures gouvernementales. Se disant social-démocrate, c’est-à-dire partisan d’un compromis entre le monde du travail et le monde de l’entreprise et du capital, il décide unilatéralement et par dizaines de milliards d’euros d’allègements sur le capital. Ce n’est pas de la social-démocratie, c’est au mieux du social-libéralisme, avec la défaite au bout, surtout si l’on prétend faire l’économie des primaires de 2016.

Sur ce fond de difficultés, alors qu’un S. Babary a terminé sa campagne avec un seul slogan : Si vous voulez faire partir la gauche (notez bien : pas Jean Germain), votez pour ma liste, nous avons fait une campagne municipale comme si nous ignorions la campagne nationale antigauche de l’UMP. Et notre candidat était sénateur ! Il avait même voté avec éclat contre le projet de loi favorable à la fin du cumul des mandats, populaire dans le pays : il pensait peut-être que c’était suffisant pour se  donner l’image d’un socialiste indépendant !

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Il faut en venir aux aspects départementaux et communaux des dernières élections. D’abord il y a eu des succès de la gauche. Des municipalités ont été gagnées sur la droite :Veretz, Channay... Des listes conduites par des hommes de gauche non membres du PS ont été élues dès le premier tour, à Saint-Etienne de Chigny, à Saint-Pierre des Corps. Une municipalité dirigée par un maire socialiste toujours à l'écoute de ses concitoyens a été brillamment réélue au 1er tour également : Langeais avec son maire Pierre-Alain Roiron. Amboise, Chambray ont vu confirmer leurs maires sortants. Là où il y a eu un renouvellement socialiste vers la jeunesse, le succès a été obtenu : à La Riche, par exemple – à droite la jeunesse a fait aussi un tabac : Joué, Fondettes.

Là où des dissensions se sont manifestées ces dernières années, la défaite a été assurée, comme à  Chinon, Fondettes, Tours, Joué. A Fondettes, le socialiste démissionnaire a même devancé le maire sortant soutenu par le PS : il vaut encore mieux s’exclure du PS (et avoir discrètement un mandataire financier membre des organismes dirigeants du PS) qu’être un compagnon de route. Le divorce était si profond entre eux que le maire sortant a commis la faute politique de ne pas retirer sa candidature. Ce qui n’aurait pas changé le résultat.

La défaite de Tours, comme celle de Joué, n’est une divine (ou calamiteuse) surprise que pour ceux qui n’ont pas pris la mesure des dernières cantonales. En soutenant un candidat investi localement contre le souhait de la direction nationale, en perdant le canton Est, le maire sortant a commencé à perdre et Tours et Tours plus.

En éliminant brutalement Claude Roiron de la présidence du Conseil général, alors que son action avait été suivie par un net progrès électoral, en portant un coup au féminisme et mettant fin à la parité, alors unique en France, de l’exécutif départemental, en soutenant au moins après coup, la dissidence du maire de Joué,  Tours comme Joué étaient fragilisés.

L’électorat de Tours Nord si familier à la conseillère générale du canton Nord-Est n’a pu être rassemblé. Celui qui avait été le suppléant de Monique Chauvet, la vice-présidente rejetée de 2012, a constitué une liste à dominante gauchiste au succès imprévu qui s’est retirée et a laissé faire les pesanteurs électorales du moment.

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Tout montre que notre candidat n’était pas le bon. Il avait à coup sûr un programme de qualité, que nous risquons fort de regretter. On me dira : oui, mais il n’y avait pas d’autre candidat à l’investiture. Et pourquoi donc ? Lorsque l’on a quelques informations, on apprend que le national aurait préféré une autre démarche, notamment en raison de son cumul des mandats (un parlementaire fait-il aujourd’hui un bon candidat maire ?), en raison aussi de sa possible mise en examen vite devenue réalité. Mais Jean Germain a su faire traîner les choses en longueur et mettre le parti devant le fait accompli – élevé à la dignité d’un art dont il a aimé à faire partager les beautés pendant la campagne.

Ne pas renouveler une adjointe sortante ? La laisser dans l’illusion jusqu’à l’avant-dernier jour. Faire figurer un ancien député UMP sur sa liste ? Le présenter comme la surprise du jour qui va aider à mettre K.O. l’adversaire. Le PS n’a pas été mis au courant ? Il faut savoir éviter les discussions lorsque le temps est à l’action... Du coup, la liste a perdu des voix sans en gagner vraiment à droite, pour perdre celles-ci sans regagner les autres au second tour. Notre maire sortant s’imaginait peut-être en Mitterrand nommant ministres Michel Jobert ou Olivier Stirn. La différence, c’est que Mitterrand avait déjà gagné les élections. Nous n’étions pas dans le mitterrandisme, mais dans le radical-socialisme du type IIIe république.

Dès le début de la campagne, la question du cumul est venue sur le terrain, dissimulant celle de la mise en examen. La réponse est venue avec un délai : Jean Germain choisirait de rester maire lors de l’entrée en vigueur de loi. Savez-vous ce que j’ai entendu ? « Il sait qu’il sera battu au Sénat » ! Quand on pense qu’il aurait pu propulser un « jeune talent » comme on aime à dire aujourd’hui… En cas de défaite, il s’en sortait avec les honneurs.

Notre ancien maire, avec le recul, restera dans l’histoire locale comme un grand maire. Il suffit amplement de trois mandats pour en faire la preuve. L’an 2014 en tout cas, semble amorcer la fin de ce que l’on appelle déjà depuis quelque temps « le système Germain », ce qui enveloppe toute une génération politique locale, toute une équipe au sens large du terme. Il est possible que nous perdions encore pour cette raison le conseil général l’an prochain. Nous pouvons cependant entamer rapidement le processus de reconstruction en nous appuyant sur une génération nouvelle, parfois mise en avant grâce au flair politique de ceux qui ont préféré passer la main ou qui ont réussi à assurer leurs positions. Qui sait si La Riche ou Montlouis seraient encore à gauche sans le passage de témoin ?

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