De ces propos d'Adrien Lecomte est sorti le débat qui suit l’article. En ces propos, je reconnais mes propres aspirations. Le monde sera enfin vraiment humain quand tous les hommes seront frères, seront reconnus et se sentiront comme tels. Là est sans aucun doute le véritable humanisme.
Le monde ouvert à tous, pacifiquement, cela signifie la fin des guerres, la fin des invasions, coloniales ou autres. Commençons donc par parler de la fin des guerres. La volonté grandissante de paix universelle, pour parler comme nos ancêtres des Lumières, signifie-t-elle qu’aujourd’hui encore, il n’y ait pas un certain nombre de questions à aborder politiquement pour avancer vers cet objectif ? En est-on déjà au désarmement nucléaire, question mise sous le boisseau depuis la fin de l’URSS ? Et pour ce qui est de la fin des armées permanentes, je reprends l’expression des socialistes révolutionnaires du XIXe siècle, où en est-on ? Il ne suffit pas de dire son idéal et d’exprimer son indignation pour faire avancer la planète.
De tous temps, l’humanité a connu des migrations, grandes ou moins grandes, et de tout temps, l’une de leurs raisons majeures était de trouver un lieu de prospérité où la vie serait meilleure, plus agréable. Un autre raison, celle des conquérants, était de se soumettre des peuples pour en tirer tribut, par appétit de pouvoir et de richesses.
Tant que l’humanité connaîtra les fossés qui existent entre peuples riches et peuples pauvres, entre Nord et Sud, pour parler moderne, la volonté de migrer (d’émigrer et de devenir un immigré) se fera entendre. Les plus pauvres sont toujours prêts à risquer leur vie pour réaliser le simple rêve de vivre au lieu de végéter, même au prix de déceptions. Aucune barrière, aucun mur ne seront assez élevés, assez solides pour les en empêcher. L’intelligence humaine finit toujours par se jouer des interdictions.
Même Sarkozy le sait. C’est pourquoi il ne parle plus comme un Pasqua, il y a vingt ans, d’immigration zéro mais d’immigration choisie. Partout en Europe, l’immigration est l’un des facteurs essentiels de la prospérité et du progrès démographique et économique.
Depuis le XIXe siècle, « le siècle des nationalismes », la droite brandit la menace des barbares ». En vérité, elle s’appuyaient sur le précédent historique des invasions barbares du Ve siècle, provoquant la chute de la « civilisation romaine », pour combattre les nouveaux barbares, les ouvriers et leur abominable socialisme. Avec le temps, ils ont tenu à porter la « civilisation » à ceux qu’ils colonisaient, d’« authentiques barbares », n’est-ce pas ? Comment s’étonner de la solidarité qui a existé entre les peuples colonisés et la partie la plus consciente du mouvement ouvrier ! Et voilà que ces « barbares » qui n’ont plus voulu de nous, « les civilisés », ont la prétention de nous envahir ? Vous reconnaissez tous le discours de Le Pen.
Sarkozy veut la peau du Front National. Son existence fragilise la droite face à la gauche. Un FN relooké à la manière de Fini en Italie, associé à la droite, pourquoi pas ? Mais surtout pas un FN qui stérilise quelques millions de voix pour la droite. De là son ministère de l’identité nationale et l’immigration. Du coup, il joue sur deux tableaux : à l’extrême droite, mais aussi …à gauche. Il recourt à la vieille tactique qui consiste à opposer à « l’internationalisme » des socialistes et des communistes la valeur éminente de la nation. Et ceci au moment même de la construction européenne.
Mais la nation n’est pas encore une valeur morte. Jaurès l’avait brillamment séparée du nationalisme. Et aujourd’hui encore, comment un Français de gauche peut-il récuser la notion de nation sans remettre en cause l’universalisme même de ses valeurs ? Des valeurs ancrées dans la Révolution de 1789 où l’avènement du citoyen et de ses droits s’est accompli dans l’avènement de la nation et de la loi ?
J’en reviens, par ce détour qui veut expliquer les raisons politiques de l’actuelle politique d’immigration de Sarkozy, au débat qui s’est instauré dans les commentaires de l’article dû à Catherine Foureau.
Il convient d’abord d’avoir un idéal et de le défendre avec fermeté. Mais un idéal n’est pas une politique. Ni la France ni l’Europe ne peuvent être des espaces fermés. Ils ne le sont pas. Les échanges sont un vecteur de prospérité : pour les pays développés comme pour ceux qui se cherchent les voies du développement.
Les pays développés ont le devoir politique (et moral, mais le capitalisme est-il foncièrement moral ?) d’aider ces pays à élever le niveau de vie de ceux qui sont chez eux et qui devraient pouvoir vivre libres, ce qui n’est pas toujours le cas, et avec un pouvoir d’achat suffisant chez eux. Pourquoi seuls ceux qui ont un bagage culturel auraient-ils le droit (quand ils ne sont pas poursuivis pour leurs idées) de rester au pays et de s’installer aux commandes ?
Il y a donc fort à faire en matière de politique extérieure, de coopération et de développement partagé, d’écologie internationale…
Les Africains, et bien d’autres, doivent pouvoir être les bienvenus. Ils doivent pouvoir venir tout en ayant de bonnes raisons de repartir (ce qu’ils n’ont pas toujours actuellement). C’est important pour le développement économique et sans doute aussi démocratique de leur pays. Ceux qui trouvent à fonder leur vie chez « nous » doivent pouvoir continuer à le faire.
A nous de sortir du discours de l’idéalisme. A nous de travailler à des politiques alternatives, humaines, en un mot démocratiques.