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Billet de blog 10 août 2009

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Edwy Plenel et la question sociale

Cher Edwy Plenel,Votre article s’appuie sur un événement de l’actualité sociale auquel, comme vous, j’accorde une importance symbolique – ce qui signifie qu’il n’est pas le seul de ce type et que la question soulevée est une question politique de premier plan. Vous interpellez une nouvelle fois le PS, ce qui est votre droit, y compris comme directeur d’un organe de presse qui a gagné ses galons depuis bientôt dix-huit mois. Je suis de ceux qui pensent que la question sociale reste une question discriminante entre la gauche et la droite.

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Cher Edwy Plenel,

Votre article s’appuie sur un événement de l’actualité sociale auquel, comme vous, j’accorde une importance symbolique – ce qui signifie qu’il n’est pas le seul de ce type et que la question soulevée est une question politique de premier plan. Vous interpellez une nouvelle fois le PS, ce qui est votre droit, y compris comme directeur d’un organe de presse qui a gagné ses galons depuis bientôt dix-huit mois. Je suis de ceux qui pensent que la question sociale reste une question discriminante entre la gauche et la droite.

D’un côté, ceux qui placent l’homme au centre de la réflexion, de l’autre ceux qui y placent l’entreprise. Evidemment ce n’est pas aussi simple que cela paraît. D’abord parce que l’homme est essentiellement un travailleur et que la vie de l’entreprise où il travaille n’est pas sans incidence sur sa propre vie, tout comme l’entreprise ne peut être vraiment efficace si ceux qu’elle emploie sont par elle exténués. Ce qui veut dire que nulle question sociale ne peut être séparée de la question économique. Je suis de ceux qui pensent que la question économique ne peut être réglée que par une question sociale enfin résolue (si tant est que ce puisse être autre chose qu’un idéal).

Deuxième difficulté de nos jours : l’irruption de la question écologique. Celle-ci, en entraînant une nouvelle manière non seulement de penser l’économie mais de la pratiquer, entraîne des choix qui ont au moins pendant un temps ont des répercussions sur l’emploi. Cela manque dans votre propos. Les périodes de transition sont toujours politiquement délicates. C’est dire que la question sociale de nos jours n’a plus tout à fait les mêmes caractères.

Votre article, brillant, ne me satisfait pas pleinement. Vous avez tout à fait raison d’en appeler à la conscience morale de vos lecteurs. Il est par exemple inadmissible de licencier quand les entreprises affichent des bénéfices – surtout en période de crise. Le PS le dit depuis un certain temps déjà. Le contre projet de relance de janvier dernier (sur lequel Mediapart a été fort discret, je me suis exprimé là-dessus) le disait déjà et faisait des propositions. Il a pourtant été présenté officiellement à la presse. Le PS en dit beaucoup plus que vous ne le pensez même si son site officiel laisse parfois à désirer.

Contrairement à ce que vous dites, ce ne sont pas des individus qui s’expriment quand des élus donnent leur point de vue : ce sont des représentants du pays. Ce qui est important, c’est que depuis sept mois, ils ont eu la consigne – normale – de ne plus donner des avis contradictoires sur le même sujet, et cette démarche responsable a beaucoup progressé.Excusez-moi de vous dire aussi que lorsque la Première secrétaire s’exprime par un communiqué, elle ne donne pas la position d’une individualité comme vous l’écrivez, elle exprime sous sa responsabilité la position de son parti. C’est là la différence qui, à l’heure actuelle, existe entre elle et l’ancienne candidate aux présidentielles. L’une engage le PS, l’autre sa responsabilité devant ses électeurs – et il est nettement préférable que les deux positions convergent. Enfin, avez-vous remarqué que le lien qui, dans votre article, renvoie à la prise position de M. Aubry accompagne celle-ci d’un dessin faisant discrètement mais clairement de la Première secrétaire du PS une réincarnation de …G. Marchais ? C’est venimeux, sans doute parce qu’il s’agit d’une authentique prise de position comme vous les aimez (et moi aussi) : du social.

Vous évoquez à juste titre les travaux de l’Observatoire des Inégalités. Vous semblez dire que le PS y est indifférent. Je peux vous affirmer qu’au moins l’un des chercheurs de cet Observatoire est un collaborateur assidu de Martine Aubry. La discrétion m’empêche de publier son nom. Il a donné des conférences au sein du PS : j’ai assisté moi-même à l’une d’entre elles il y a bientôt deux ans. Les conclusions politiques qu’il tire de ces travaux recoupent en partie vos propos, mais je puis vous dire qu’il pourrait y avoir malgré tout un intéressant débat avec vous.

Chacun sait qu’il y a des points de vue différents au PS. Pour aboutir à une politique renouvelée (et non une réplique de politiques plus ou moins anciennes et parfois décevantes) est de trouver le bon angle. Le nouveau a toujours du mal à s’imposer, il doit toujours composer pour une part avec l’ancien : on l’a vu il y a trente-cinq ans avec le programme commun. Le nouveau risque toujours de décevoir quelques-uns mais c’est à ce prix qu’il peut enclencher un mouvement de mobilisation. Vous citez le Sartre de 1964. Dès 1965, une nouvelle situation était créée avec le ballotage de De Gaulle, en 1972, le programme commun était signé – et Sartre s’engageait ailleurs dans « la cause du peuple »…

Il faut surtout du temps. Vous vous rappelez le temps qu’il a fallu à la SFIO pour se transformer ? Les courtes majorités qui ont parfois été celles qui ont le plus de conséquences à long terme ? S’il s’agit pour Mediapart et son directeur d’exercer une vigilance, de rappeler que tout parti est mortel, comme le disent depuis quelques mois de plus en plus de socialistes, vous êtes dans le rôle que vous avez choisi et qui ne me choque pas. Seulement, il serait bon de rappeler que des responsables travaillent. Ils en sont à l’étape de la discrétion. Ce qui dérange évidemment le journaliste dont le métier est de trouver la dernière nouvelle fraîche, l’info que les autres n’ont pas. Ceci dit quand le PS, début juillet, publie de premiers textes à l’occasion d’un premier séminaire, le journaliste fait la fine bouche. Il faut dire qu’il m’a fallu un certain temps pour tout lire et prendre le recul nécessaire.

Il y a donc l’étape du travail de réflexion, de la mise au point des idées. Il y aura l’étape du débat public.

Il est facile de répéter que l’on n’entend pas le PS. Eh oui ! Parfois, il n’a pas de réponse politique élaborée, pour une raison de fond : il a reconnu en son congrès que sa politique était à reprendre de fond en comble. Il n’a donc plus ou pas encore les propositions que beaucoup attendent. Il fait des efforts mais malheureusement il faut savoir patienter. Patience et longueur de temps…

Evidemment, compte tenu de certaines discussions qui ont eu lieu naguère, pour savoir s’il fallait un parti de gauche ou simplement de centre-gauche, des alliances à gauche ou carrément au centre, je comprends que l’on puisse s’inquiéter quand on s’appelle Edwy Plenel. Je trouve intéressant qu’aux moments cruciaux vous fassiez entendre votre désir de voir vivre un PS offrant une politique de gauche, s’adressant aux salariés dans leur diversité, mais aussi à tous les exclus du travail quand ce n’est pas de la société. Ceci dit, les salariés, et même les ouvriers du monde contemporain, ont souvent un niveau de formation qui n’a rien à voir avec le certificat d’études. On voit même des préposés de la Poste avec des maîtrises universitaires.

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